Dr Mélanie Nzouatom est gynécologue obstétricienne, spécialiste de la chirurgie et endoscopie, qui englobe notamment la cœlioscopie et L’hystéroscopie. C’est également une diplômée d’échographie et de la prise en charge de l’infertilité du couple, c’est-à-dire des inséminations et de la fibre, la fécondation et l’utérus. Nous l’avons approchée pour comprendre les mécanismes de la procréation, la problématique de l’infertilité, la fécondation in Vitro (FIV).
C’est quoi une grossesse à haut risque ?
Quand on dit grossesse à haut risque, le plus souvent il s’agit de femmes d’un âge très avancé, donc après 45 ans, qui portent également des pathologies associées, notamment l’hypertension, le diabète. Vous savez que le parcours d’une femme dans le cadre de l’infertilité, c’est un parcours très difficile, émaillé de dépression, parce que notre culture africaine demande à la femme de faire un enfant. Et quand il n’y a pas d’enfant, la femme est d’abord la première et responsable de l’infertilité. Et à ce moment, il y a derrière toute une pression sociale, familiale, qui les amène à faire le tour.
Et la fécondation alors ?
Il faut savoir que la femme jeune, de moins de 28 ans, avec un sperme normal, sera à 60% de chance d’être enceinte.
Mais lorsque vous avez des femmes qui viennent après 33 ans, 33-34 ans, la réserve ovarienne commence déjà à prendre un coup. Et malgré la qualité du sperme, ces patients se retrouvent à 30% de chance d’avoir une grossesse. Il faut savoir que les anomalies spermatiques sévères, quel que soit l’âge de la patiente, malheureusement, réduisent les chances de grossesse parfois à moins de 10%. Les femmes de plus de 44 ans, c’est elles qui portent le plus de grossesse.
Dans l’opinion, il se dit beaucoup de choses. La fibre est un mythe. Que dites-vous ?
C’est une réalité, ce n’est pas un mythe. Je suis chargée de voir ces bébés qui naissent. Parce que lorsque nous recevons les coups, il faut savoir que nous aussi, nous vivons un stress de savoir, est-ce que nous pourrions trouver une solution ? Où se situe le problème ? Il arrive qu’on n’ait même pas de solution à leur problème. On n’a même pas trouvé la cause pour pouvoir apporter un traitement. Mais il faut savoir que la prise en charge des femmes est multifactorielle. Il faut être multidisciplinaire. Il faut mettre sur la table tous les éléments. Jamais dans la précipitation. Parce que le drame dans la prise en charge des femmes, c’est que souvent, nous les médecins n’ont pas du temps. Il faut prendre le temps qu’il faut, qui à mettre à une date ultérieure l’exécution de cette fibre. (4:05) Mais il faut savoir que le fait que je dise que c’est une réalité. Depuis que nous avons commencé la fécondation in vitro, nous avons au bas mot, 300, 400 bébés vivants à travers le monde. Donc, je peux dire que ce n’est pas un mythe, c’est une réalité.
Est-ce que tous les gynécologues pratiquent la fécondation in vitro ? Ou alors, il y a une formation appropriée ?
Il faut savoir, le Cameroun a déjà pris les choses en main. Il faut une formation. Parce que les couples qui viennent vers vous ont des problèmes divers. Chaque couple a un problème différent de celui de l’autre et doit avoir un protocole adapté. Il faut savoir que ce qui, malheureusement, est préjudiciable pour les patients, c’est d’avoir des protocoles types. On ne peut pas prendre en charge des patients en FIV avec des protocoles types. Il n’y en a pas.
Le médecin doit adapter les protocoles en fonction de la population qu’il a face à lui, donc en fonction du couple qu’il a face à lui. Et c’est très important. Et pour mieux l’adapter, il faut déjà une connaissance correcte des mécanismes physiologiques, ça veut dire des mécanismes liés au corps et des mécanismes liés à l’environnement pour mieux prendre en charge ces couples.
Quand je parle même des mécanismes psychologiques, il est très important que les médecins, tous les praticiens de fécondation, de PMA qui comprend la FIV et l’insémination, tous les praticiens devraient avoir un diplôme, une formation sanctionnée par un diplôme.
Donc il faut être formé pour être pratiquant.
Exactement.
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Quelles sont les causes qui amènent généralement le couple à s’intéresser à la FIV ?
Les causes sont multiples. Nous allons partir de la cause la plus fréquente en Afrique, qui est la cause infectieuse. Malheureusement, l’infection c’est la cause… Nous sommes étiquetés comme telles. Même lorsque vous étiez étudiante en France ou à Abidjan, lorsque le couple venait pour consulter pour la fertilité, déjà le maître mot c’était de dire rechercher une infection. Mais aujourd’hui, avec notre qualité de vie, avec l’utilisation des préservatifs, ça veut dire qu’avec la prévention des maladies, des IST, on constate aujourd’hui que l’infection n’est plus en première ligne.
En première ligne aujourd’hui, nous avons d’autres causes, telles que l’endométriose assez parlée sur tous les réseaux sociaux. L’endométriose est une pathologie aujourd’hui, une maladie qui est rentrée dans les maladies professionnelles même. Parce qu’une femme qui a l’endométriose, qui souffre de douleurs tous les mois, chaque fois qu’elle a ses règles, à chaque cycle ce qui va entraîner l’absentéisme au niveau de l’école, l’absentéisme au niveau du travail, et enfin l’infertilité, qu’on n’ait pas l’infertilité lorsque la jeune fille est en âge de procréer ou souhaite avoir un enfant. Cette cause aujourd’hui est pour tout médecin, une cause évidente. Parce que pendant longtemps, on a considéré l’endométriose comme un mythe. Mais aujourd’hui, j’ai envie de dire, l’endométriose est une réalité. Et nous devons prendre cette pathologie à bras le corps. Après l’infection et l’endométriose, nous avons une autre pathologie qui existe depuis l’époque de nos grands-mères, les fibromes. Les fibromes, c’est l’apanage de la femme africaine ou afro, que ce soit afro-américaine ou caribéenne, c’est la pathologie de la femme noire. Et ça, ça reste également un gros souci, parce que les femmes sont opérées trois, quatre, cinq fois, on a toujours ce problème de récidive des fibromes chez ces femmes. Et c’est très difficile, malheureusement, dans ce cas, de faire savoir à une femme qu’après plusieurs interventions chirurgicales, l’utérus n’est plus à même de porter une grossesse ou bien à permettre une implantation. Voilà les causes que nous avons chez la femme.
Et la place de l’homme dans tout ça ?
Il faut savoir que l’homme aujourd’hui occupe une place très importante.
J’ai même envie de vous dire que 40% des cas d’infertilité sont de causes masculines. 40% sont de causes masculines, 43% sont de causes féminines, et le reste, c’est l’association des deux. Vous voyez qu’aujourd’hui, on a pendant longtemps cru que c’était la femme qui était la cause essentielle, mais aujourd’hui, nous avons 50, les hommes, 50, la femme, et le reste, c’est les causes mixtes associées à l’homme et la femme.
Lorsqu’on a trouvé les causes, est-ce qu’on peut soigner, oui ou non ?
Est-ce que c’est des causes qui peuvent passer par un traitement médicamenteux ou par la simple chirurgie ? Quand nous avons cherché les causes de l’infertilité, nous avons soigné, il faudrait maintenant chercher les éléments qui pourraient entraîner l’échec de la fécondation in vitro. Vous voyez qu’il faut travailler sur plusieurs pôles.
C’est carrément un long processus…
Exactement. Donc, on observe également que des femmes adhèrent, ou j’allais dire les couples, adhèrent aux indications que vous leur donnez, vous en tant que spécialiste notamment.
Combien de temps il faut au couple pour prendre la décision ?
Nous avons plusieurs catégories de couples. Nous avons des couples jeunes, chez qui la femme a une obstruction de la trompe complète, une obstruction bilatérale. Ils savent que c’est la fille quel que soit l’âge de la femme. Qu’elle ait 24 ans, 25 ans, 26 ans, ils savent que l’indication des filles est leur seule possibilité d’avoir un enfant. A 36 ans, la réserve ovarienne de la femme est déjà en train de s’effondrer, voire déjà presque effondrée. A 36 ans, une femme a 20 à 15% de chance d’avoir un enfant. Malheureusement, la population ne sait pas.
La population a l’impression que tant qu’une femme a ses règles, elle a la chance d’avoir un enfant. Mais on peut avoir ses règles jusqu’à 50 ans, mais cessez d’être fertile depuis l’âge de 39, 40 ans. Donc c’est très important d’amener les femmes à comprendre qu’avoir ses menstrues, ça n’a rien à voir avec la fertilité. C’est très important. L’absence des règles est une ménopause, mais l’absence de fertilité est antérieure à la cessation des règles. C’est très important d’amener les couples à dire qu’il faut aller tôt en fécondation in vitro. Quand je vois des couples de 32, 33 ans, après 3 ans de vie commune, 4 ans de vie commune, avec une anomalie spermatique, ou bien avec une pathologie telle que l’endométriose, où on nous dit souvent, passage limite, modéré. Cette femme a 34 ans. Vous allez lui dire de boire des produits et d’attendre, alors qu’elle a 4 ans de bébés et d’enfants derrière elle.
À ce moment, il faut l’orienter très rapidement en fécondation in vitro, parce que nous sommes en Afrique. Les couples voulaient avoir 2 ou 3 enfants. Pourquoi pas 4? Pourquoi attendre 38 ans pour se battre et avoir un premier enfant à la 3e, 4e tentative ? Et après, on est essoufflé.
Propos recueillis par Alphonse Jènè Aucune étiquette pour cette publication.