Les blessures par balles de Miguel Uribe, un prétendant à la présidence en Colombie, réveillent de mauvais souvenirs dans le pays sud-américain, tristement coutumier au cours du siècle écoulé des assassinats visant les candidats au poste suprême.
Le sénateur conservateur de 39 ans, qui aspire être élu en 2026 pour succéder au président de gauche Gustavo Petro, a été touché de deux balles dans la tête lors d’un meeting à Bogota samedi.
Cette agression vient raviver le souvenir des assassinats qui ont rythmé la vie politique du pays au 20ème siècle, au cours duquel cinq candidats à la présidence ont été assassinés par des opposants, des narcotrafiquants ou des paramilitaires complices d’agents de l’Etat: trois de gauche ou d’extrême gauche, et deux libéraux.
– Jorge Eliecer Gaitan –
Une date a bouleversé l’histoire de la Colombie moderne: le 9 avril 1948, lorsque le candidat libéral à la présidence, le charismatique Jorge Eliecer Gaitan était tué de trois balles sur une avenue de Bogota.
Sa mort a embrasé la ville et déclenché un sanglant conflit armé interne qui, plus d’un demi-siècle plus tard, n’est toujours pas éteint. De l’affrontement sans merci entre conservateurs et libéraux ont surgi les premiers guérilleros et paramilitaires.
Quatre décennies après, le communiste Jaime Pardo Leal (1987), le libéral Luis Carlos Galan (1989) et les opposants de gauche Bernardo Jaramillo et Carlos Pizarro (1990), tous aspirants à la présidence, étaient également assassinés.
Dans la tentative d’assassinat contre Miguel Uribe, c’est un sénateur de droite qui a été visé. Il a annoncé quelques mois plus tôt son intention de se présenter à l’élection prédidentielle de mai 2026.
« L’histoire se répète et c’est pourquoi notre devoir est d’empêcher cette répétition », a réagi M. Petro, désigné par certains secteurs de droite comme responsable pour avoir selon eux promu des messages de haine contre l’opposition.
– « Campagne violente » –
« Les grands jalons politiques en Colombie ont toujours été fortement marqués par la violence, malheureusement », relève Laura Bonilla, chercheuse au centre d’études Fondation Paix et Réconcilation, interrogée par l’AFP.
Avec l’arrivée de M. Petro au pouvoir en 2022 comme premier président de gauche du pays, cette pratique semblait appartenir au passé.
« L’attentat contre Miguel Uribe marque un retour aux pires heures de la violence politique dans le pays », a condamné sur le réseau X Juanita Goebertus, directrice de Human Rights Watch pour les Amériques.
Une analyse partagée par Mme Bonilla : « Nous pensions avoir dépassé cette époque (de violence). Beaucoup d’entre nous, analystes, considéraient qu’un cycle était clos, et voilà qu’arrive justement maintenant cet attentat dans une campagne dont on prévenait (…) qu’elle serait violente ».
– La spirale de la violence en Colombie –
Les tirs contre Miguel Uribe ont généré un effet de déjà-vu auprès de la population, dans un pays en proie depuis des décennies aux violences liés aux groupes armés – guérillas, paramilitaires, narcotrafiquants.
« Cela me rappelle (la violence) d’il y a de nombreuses années », a déclaré à l’AFP Rafael Navarro, un ancien ministre de la Justice venu à la clinique où M. Uribe est soigné.
Les assassinats politiques des années 80 et 90 sont restés impunis et ont creusé les divisions.
« La mort d’un dirigeant politique, quel que soit son courant de pensée, peut provoquer une spirale de violence si nous ne nous contrôlons pas, si nous laissons nos cœurs être remplis de vengeance, de préjugés et de haine », a mis en garde Gustavo Petro après avoir souhaité un prompt rétablissement à Miguel Uribe, qui a subi une intervention chirurgicale.
Le président a lui même affirmé en 2024 que des narcotrafiquants colombiens et étrangers résidant à Dubaï avaient tenté de l’assassiner.
En 2002, l’ancien président de droite Alvaro Uribe (2002-2010), chef du parti auquel appartient Miguel Uribe -avec lequel il n’a pas de liens de parenté- est sorti indemne d’une attaque à l’explosif perpétrée par la guérilla des Farc de l’époque pour empêcher son accession à la présidence. Dans sa biographie, l’ancien chef de l’État affirme avoir échappé à quinze attentats.
Source : Agence France-Presse
[…] Crédito: Link de origem […]