Lames de rasoir, poignards et autres objets dangereux ont pris de l’espace dans les cartables pour régler les comptes aux enseignants. Regards croisés de deux éducateurs. Pr Maurice Somo est psychosociologue. Michéline Samè est coach des enfants. Ils essaient de nous expliquer les responsabilités des uns des autres.
Michéline Same
Vous avez suivi la réaction des parents et les explications du psychosociologue Un Commentaire ?
Je suis tout à fait d’accord avec lui, son analyse est vraiment très bonne et le problème est bien posé. De toutes les façons on constate, aujourd’hui, à l’école, les enseignants commencent à avoir peur des élèves et ils le disent que lorsqu’ils se sentent menacés, ils déposent la craie et puis ils sortent. Donc, c’est un problème réel.
On constate, aujourd’hui, à l’école, les enseignants commencent à craindre les élèves et ils le disent que lorsqu’ils se sentent menacés, ils déposent la craie et puis ils sortent. Donc, c’est un problème réel. Les parents même sont un peu dépassés parce qu’on voit les enfants flâner partout.
À l’heure où ils sont censés être dans l’enseigne de l’établissement et en classe, on les voit vadrouiller partout dans la ville. C’est inquiétant. Donc, le problème est réel et on fait bien d’en parler.
On les voit vadrouiller, mais dans leur sac, des objets dangereux….
Oui, effectivement, c’est un tort. C’est un tort. Quelquefois, c’est les parents qui semblent démissionner de leur rôle parce que c’est le parent qui est quand même le premier responsable de l’enfant. Lorsqu’on trouve un objet dangereux dans le sac de l’enfant, la première personne à être interpellée, logiquement, c’est le parent.
Mais lorsque vous allez interpeller les parents, vous allez vous rendre compte qu’ils ne sont pas informés. Donc, eux-mêmes sont les premiers surpris que leurs enfants fassent de telles choses. Ils sont doublement surpris parce que ce n’est pas leur habitude. À la maison, les enfants sont un peu comme des petits agneaux.
Donc, ils n’imaginent même pas leur enfant en train de manipuler un objet dangereux. Ça montre aussi qu’ils ne connaissent pas leurs enfants. Et on peut comprendre parce que les parents sont occupés à faire tourner le monde. On monte, on descend. Il faut courir après les objectifs atteints dans les entreprises, l’argent qui ne suffit jamais, ainsi de suite.
À un moment, on se détache des enfants sans se rendre compte. Et c’est les autres qui viennent nous informer de ce que nos enfants sont, ce que nos enfants font même.
Parce que, quelquefois, lorsqu’on vous convoque au lycée ou au collège, vous arrivez, je vous assure, quand on vous explique ce que votre enfant fait, vous avez l’impression qu’on parle de quelqu’un d’autre. Jusqu’au moment où on vous apporte les preuves, ou alors ses camarades viennent faire des témoignages, vous tombez tellement haut.
Donc, quelque part, les parents ont commencé à abandonner leur rôle aux enseignants, oubliant que le rôle premier de l’enseignant, c’est apprendre le français, l’anglais, les mathématiques. Et c’est le rôle du parent d’éduquer l’enfant.
Est-ce que c’est facile pour un parent qui a 5, 6. Il y en a qui en ont 11. Est-ce que c’est facile, de connaître ses enfants chacun dans sa tête ?
Bon, je me demande si le problème est bien posé, parce que j’imagine qu’on ne vous a pas imposé ces enfants, c’est vous qui les avez faits, première chose. Deuxième chose, l’enfant ne nait pas étant adolescent, étant grand, étant turbulent. Ça veut dire qu’il y a une période de latence quand même de la naissance, jusqu’à donnons-lui 12, 13, 14 ans, au moment où il est devenu turbulent.
Ça, c’est une période qu’on aurait pu capitaliser pour inculquer quand même les valeurs familiales. Et dans nos familles africaines, les aînés sont toujours mis à contribution pour aider à éduquer les cadets.
Ça veut dire que papa a déjà instauré une certaine discipline dans la maison. Les aînés sont habitués à ça, parce que papa était encore vigoureux, ils étaient jeunes, maman avait toute sa force, donc on a déjà installé ça dans le subconscient de l’enfant. Ça fait que quand ses petits frères naissent, lui-même est le premier à ne pas accepter ce que les petits frères font.
Et souvent, ils aident beaucoup les parents à maintenir la discipline qui a été instaurée dans la maison. Ça, je parle des familles nombreuses. Bon, évidemment, ça, c’est une béquille.
En principe, celui qui fait ses enfants doit les éduquer. Ça, c’est dans la norme des choses. Donc, si vous faites beaucoup d’enfants, ça veut dire que plus ou moins vous avez un plan, en tout cas, je vous le souhaite, d’avoir un plan quand même pour éduquer la dizaine d’enfants que vous avez.
C’est quand même trop facile que vous fassiez un enfant et que vous pensiez que c’est l’enseignant qui va le faire. Non, les enseignants ont leur propre combat, on le sait.
Il y a un dicton qui dit qu’on accouche les enfants, on n’accouche pas leur cœur, encore moins leur tête….
Oui, c’est vrai, mais il faut que les parents aient leur bonne conscience pour dire qu’ils ont fait tout ce qu’ils ont pu. Et puis, c’est tout à fait normal. Comme je le dis souvent dans mes enseignements, éduquer un enfant, c’est l’autonomiser.
Vous avez fini l’éducation de votre enfant. Lorsqu’il est devenu autonome, il ne dépend plus de vous, il ne vous pose plus de questions, il vit sa vie. Donc, de ce point de vue, oui, à un moment, l’enfant va vivre sa vie sans vous.
Donc, ce n’est pas un échec, c’est plutôt un signe que vous avez bien fait votre travail. Mais si maintenant, on dit qu’on n’accouche pas le cœur de l’enfant, pour justifier les contre-valeurs dans lesquelles l’enfant s’enfonce, peut-être qu’au moment où il dépendait encore de vous, ça veut dire qu’au moment où vous étiez en train de l’éduquer, peut-être que vous n’avez pas bien fait votre travail. Ou alors, vous avez bien fait votre travail en termes de théorie.
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On ne fait pas, on ne dit pas, si tu entres ici, je vais fermer la porte, je vais t’emmener, on va te fouetter. Mais vous n’avez pas essayé d’écouter le retour. Comment est-ce que l’enfant réagit à ça? Je dis toujours que tous les enfants ne réagissent pas de la même façon, même s’ils sont de même père et même mère.
Est-ce que vous reproduisez sur votre enfant l’éducation qu’on a faite sur vous et qui a marché ? Oublions que ces enfants vivent une autre réalité, dans des choses que vous n’avez jamais faites. Aujourd’hui, pour eux, c’est tout à fait normal. C’est pour ça que le parent tombe de haut lorsqu’on dit qu’on a trouvé son enfant dans une chambre d’hôtel et ainsi de suite.
Lui-même, le parent n’a jamais mis son pied dans une chambre d’hôtel, mais sa fille serait là, comment on jongle trois hommes à la fois? C’est tout à fait normal parce que c’est ça son environnement. Est-ce que le parent lui-même a changé son style d’enseignement pour que ça corresponde aux enfants qui vont dans les hôtels?
Si vous êtes toujours là et vous dites que dans votre famille, vous n’avez jamais fait ça, chez vous, vous n’avez pas fait des choses comme ça, c’est vous qui avez un problème parce que c’est à vous de vous mettre au niveau de l’enfant que vous avez enseigné.
Madame Samé, comment est-ce qu’on peut comprendre que les couteaux, les lames de rasoir et les autres objets aussi dangereux soient aussi prisés par les enfants ?
Bon, il faut dire quand même que ce qui est certain, c’est que la nature de nos enfants joue contre eux. La nature humaine, en fait, joue contre eux parce que lorsque l’enfant devient adolescent, il devient sensible à son entourage.
Il a cette envie d’être accepté par un groupe, mais reconnaissons quand même qu’aujourd’hui, la plupart des groupes qu’il y a là-dehors, ce sont des groupes qui ne sont pas ce que nous, les parents, nous appelons de bons amis. Ce ne sont pas de bons amis, mais lui, il a besoin d’appartenir à un groupe.
Les enfants ne se sentent pas à l’aise avec nous, qu’on appelle les vieux. Il a raison, parce qu’on n’a pas la même tranche d’âge, et puis c’est une vérité. Ils veulent être avec leur père, les gens qui ont leur tranche d’âge, avec qui ils ont le même genre de réflexion, ainsi de suite.
C’est tout à fait normal, sauf que ce genre d’enfants, ce genre de personnes, c’est des gens qui eux-mêmes ne sont pas bien éduqués. Donc, lorsque votre enfant entre en contact avec eux pour satisfaire un besoin naturel dû à leur âge, malheureusement, ils entrent en contact avec des gens qui vont leur apprendre certaines choses. Par exemple, la violence.
Quand vous arrivez quelque part, on dit que moi je suis venu un jour une altercation entre deux jeunes, un dit alors que je vais te tuer, je vais te tuer. Quand nous on était enfant, on disait je vais te taper, mais aujourd’hui on dit je vais te tuer. Bon, j’ai trouvé ça même tellement violent, comment il peut dire… Et puis il disait ça comme quelqu’un qui est même prêt à passer à l’action.
Lorsque votre enfant entre dans ce milieu-là, quand on dit je vais te tuer, il dit que non, non, non, ne me tue pas, moi je vais rentrer à la maison. Directement, on le traite de poule mouillée. Personne ne veut plus de lui dans le groupe.
Et puis, qu’est-ce qu’il va faire à la maison avec mes vieux-parents ? Il faut donc qu’il switch pour ressembler au genre de personne, pour qu’on l’accepte dans ce groupe. Voilà comment petit à petit, il apprend à tenir son premier couteau en tremblant un peu.
Bon, quand les autres voient qu’il tremble, on fait comme si on lui offre un verre de jus alors qu’on a mis la drogue dedans, en espérant que ça va lui donner le courage.
Et maintenant, donc, il a pris le courage. Maintenant, ça devient je vais te tuer. Et lorsqu’il dit je vais te tuer, il a le courage maintenant de soulever le couteau.
Mais quelques fois, lorsque l’effet de la drogue finit, lui-même est le premier horrifié. Souvent, lorsqu’il voit le sang partout, il est le premier qui se met même à pleurer. Il a l’impression que c’est quelqu’un d’autre qui a fait ça, alors que c’est lui.
Donc, je pense que l’entourage favorise la violence.
Maintenant, il y a les médias aussi…
Lorsqu’on voit les films qu’on appelle les films d’action, l’action c’est là où on bouge, là où il y a le mouvement. Et malheureusement, cette action arrêtée, c’est la violence. Lorsqu’on dit qu’il y a les films d’action, le film d’action c’est le film de violence.
Donc, lorsque votre enfant commence à regarder ça, il a l’impression que c’est ce qui se fait partout. Parce que tout le monde sait déjà que ce qui passe à la télé, ça s’inspire des réalités. Donc, du coup, lorsque l’enfant voit les films de violence chaque fois, il finit par penser que c’est normal.
Maintenant, lorsqu’on tient compte du fait qu’il y a l’effervescence de saison, monde même, parce qu’il est en train d’entrer dans l’adolescence. C’est pour ça que les parents disent souvent que les enfants sont têtus, ils sont turbulents. En réalité, c’est normal.
Comme ils entrent dans l’adolescence, ils ont beaucoup d’hormones qui les poussent. Et ils ont un sentiment qu’on appelle, en psychologie, le sentiment de surpuissance. Qui fait que lui, il pense qu’il peut.
Et que le parent s’inquiète pour rien. Que je gère, vous avez entendu, que je maîtrise. Lui, il sait qu’il maîtrise.
C’est vous qui avez peur. Il dit, mais toi tu trembles même, pourquoi ? Mais la réalité, quelquefois, nous rattrape, on se rend compte qu’il ne maîtrisait pas parce qu’il a poignardé le proviseur. L’autre a tapé la surveillante générale.
L’autre a fait… Lorsque tout le monde est parti, vous vous retrouvez seul face à vos actions. Et c’est là où vous vous rendez compte que vous ne maîtrisez pas. Il y a quelqu’un qui disait, il n’y a pas longtemps que… Les gens vous poussent à l’échec, mais c’est vous qui échouez.
Et lorsque vous échouez, tous ces gens ne sont plus là. Et vous ne pouvez pas les invoquer pour dire, non, c’est eux qui m’avaient amené. C’est vous qui êtes en prison parce que vous n’avez poignardé le proviseur.
Donc, je pense que l’environnement de l’enfant favorise cette violence, favorise la légalisation de la violence. Et c’est malheureux, mais c’est toute la société qu’il faut rebâtir. Alors, vous avez fait une inquiétude là à l’école.
Comment est-ce qu’on peut expliquer cette absence de crainte du maître ou de l’enseignante que vous êtes aujourd’hui en milieu scolaire ?
C’est un peu l’ère du temps parce que les enseignants étaient un peu plus conscients de leurs responsabilités. Ce n’est pas pour dire qu’ils ne sont plus conscients de leurs responsabilités, mais il y a d’autres éléments qui entrent en ligne de compte et qui ont tout à fait leur place.
Pendant de très longues années, les enseignants faisaient leurs devoirs en tant qu’enseignants, en tant que parents, en tant qu’acteurs actifs de la société.
Mais à un certain moment, ils étaient frustrés parce qu’ils ne rentraient pas dans leurs droits. Il y a certains avantages qu’ils n’avaient pas. Mais on a enseigné comme ça pendant des années.
Mais à un certain moment, avec le cours de la vie et ainsi de suite, les enseignants finissent par dire, bon, nous, on veut bien faire notre travail, mais mettez-nous au moins dans les conditions qui nous permettent de faire notre travail. Et ça crée donc un relâchement.
Je me souviens encore d’un enseignant qui disait aux élèves que nous, on n’a pas les mêmes problèmes. Moi, je cherche l’argent et vous cherchez les diplômes. Ce n’est absolument pas la même chose.
C’est peut-être vrai, mais est-ce que c’est opportun de dire ça? Parce que lorsque vous êtes devant l’enfant, vous êtes, entre guillemets, son «Dieu». Vous êtes son formateur.
C’est votre mission de faire qu’il devienne quelqu’un qui est utile à la société. Quand vous amenez des considérations extra-salle de classe, en fait, l’enfant ne comprend pas. Lui, il est venu pour étudier.
Si vous, on ne vous a pas payé, c’est un peu comme à la maison. Lorsque l’enfant va dire à son père, papa, mon bic est fini, il me faut le bic. Est-ce qu’il veut savoir si vous n’avez pas l’argent ? Lui, il lui faut juste le bic.
Donc, lorsque l’enseignant vient en classe pour dire à l’enfant que de toutes les façons, moi, je ne suis pas payé, je vais faire une moitié du cours et je rentre chez moi. L’élève, l’élève ne comprend pas.
Même si la revendication de l’enseignant est tout à fait fondée, l’élève est la mauvaise cible. L’élève est la mauvaise audience à qui il faut poser le problème. Donc, les enseignants commencent à se relâcher.
Ils commencent à dire, comme on dit au quartier, « Moi, quoi alors dans tout ça? De toutes les façons, je fais ce que je peux. Moi, je vais m’occuper de mes enfants à la maison. Que chacun s’occupe de ses enfants ».
Donc, du fait que les enseignants commencent à se relâcher, ça fait que les enseignements aussi deviennent, je vais dire, théoriques. Moi, plus d’une fois, lorsque j’étais enseignante, il m’est arrivé d’arrêter le cours quelques minutes avant pour faire un cours de morale, pour conseiller les enfants. Et jusqu’à aujourd’hui, les élèves que j’ai enseignés sont des maillons importants de la société camerounaise.
Et c’est plutôt par rapport à ça qu’ils me reconnaissent. À chaque fois qu’ils me voient, ils viennent en courant vers moi en disant, « Vraiment, madame, vous nous aviez donné un conseil un jour. » Bon, généralement, je donnais des conseils sur la sexualité.
Je sais que nous, les parents africains, nous sommes assez pudiques. Donc, il y a des choses qu’on ne dit pas à nos enfants. Oublions qu’ils connaissent ça quelques fois, un peu même plus que nous.
Donc, lorsque moi, j’arrêtais mon cours, quelques minutes avant la fin du cours, pour leur donner des conseils sur la vie, ils gardaient ces conseils des années après. Mais aujourd’hui, cet engouement est passé. Je peux comprendre.
La vie est devenue difficile. On a d’autres sollicitations. Donc, je pense que c’est ce qui peut faire que les enseignants, il faut reconnaître que c’est aussi des pères de famille. Ils ont aussi le loyer à payer.
Ils ont besoin, au-delà de l’argent et tout ça, ils ont besoin même d’une certaine considération pour leur donner cette autorité devant les enfants. Aujourd’hui, il y a des enfants qui viennent à l’école. C’est le tennis qu’il a au pied. Je vous assure que c’est votre salaire mensuel.
Et le téléphone qu’il cache dans son sac. Lorsque vous regardez ça, vous-même, vous comprenez que ce téléphone-là peut vous acheter dix téléphones que vous avez, vous étant l’enseignant. Donc, du coup, les enseignants sont fragilisés psychologiquement. Quand le père est rentré de Dubaï, tout ce qu’il a mis sur son fils, c’est un bâton, un million.
Et puis, lorsque vous frustrez son enfant, il vient à l’école avec les gardes du corps, la police et tout ça. Vous, l’enseignant, vous vous sentez petit, parce qu’en réalité, il vous enlève votre autorité. Donc, lorsqu’il va rentrer, vous ne vous sentez plus utile à l’élève.
Vous n’avez plus l’impression que vous pouvez vous imposer et finalement vous laisser tomber. Malheureusement, ça produit dans ce genre de personnes qu’on appelle les élèves, juste parce qu’on a payé la pension. Mais ils vont à l’école la moitié du temps.
Le reste du temps, c’est eux qui deviennent les agresseurs au quartier. C’est vraiment dommage.
Alors, vous avez évoqué tout à l’heure la responsabilité, des parents et des élèves. Mais est-ce que dans le contexte nouveau actuel, on a l’impression qu’on a un nouveau type de personnes qui ne cadre pas avec la moralité ancienne ? Comment est-ce qu’il faut allier les deux ?
C’est compliqué. En fait, c’est compliqué parce qu’on vit, je vais dire, à l’ère moderne. Ça veut dire qu’il y a certaines choses qui s’imposent dans la vie de l’enfant et puis dans notre vie à nous tous.
Oui, aujourd’hui, les enfants manipulent de l’argent. Plusieurs d’entre nous, nous sommes d’une époque où quand on allait à l’école, on nous donnait 100 francs, 50 francs, par là. Mais aujourd’hui, un midi, juste à la pause du midi, un enfant vous claque 5000 francs.
Bon, maintenant, quelquefois, est-ce que les 5000 francs, c’est le parent qui a donné? C’est à voir. Si ce n’est pas le parent qui a donné, la personne qui a donné 5000 francs, quelle est la contrepartie que l’enfant a donnée là-bas pour avoir ces 5000 francs-là? C’est à voir. Donc, c’est pour dire qu’on vit dans une société avec d’autres paradigmes, avec d’autres façons de penser, d’autres façons de voir les choses.
Et c’est une erreur, je le dis toujours, c’est une erreur de passer le temps à dire, moi, à mon époque, on ne faisait pas comme ça, nous, à notre époque, on ne faisait pas comme ça. Oui, c’était votre époque, mais maintenant, ce n’est plus votre époque. Les élèves que vous avez à éduquer, c’est dans cette époque-ci qu’ils vivent.
Si vous utilisez des outils qui marchent très bien, mais qui ne correspondent pas à la cible actuelle, c’est vous, le parent, ou c’est nous, les parents, et les enseignants qui avons un problème, parce que nous sommes en train d’utiliser les bons outils, mais sur la mauvaise cible.
Donc, si les parents sont conscients, si les éducateurs sont conscients, que les enfants que nous avons aujourd’hui, je suis désolé, mais c’est des enfants qui ne maîtrisent pas tous. On va donc tomber évanoui parce que nous, à notre époque, on n’avait jamais fait ça, et puis aujourd’hui, les enfants ne maîtrisent pas tous.
C’est un peu comme si vous vouliez envoyer votre enfant à la guerre avec quelqu’un qui est en face de lui, je dis n’importe quoi une bombe, et puis vous lui donnez un couteau. Mais c’est vous qui avez un problème. Vous n’êtes pas en train d’armer votre enfant pour affronter son adversaire.
Donc, c’est aux parents de se recycler, c’est aux parents de se mettre à niveau pour dire que, oui, voilà, mon enfant, maintenant, lui, il ne maîtrise pas tous. Qu’est-ce qu’on fait pour le rattraper, au lieu de crier, nous, à notre époque, on ne faisait pas ça, que les parents se mettent à niveau, que les parents se demandent comment on fait pour enlever l’enfant qui ne va pas à l’école et qui va plutôt entrer dans les appartements meublés.
Qu’est-ce qu’on fait? Lorsqu’on se pose la bonne question, on va maintenant commencer à aller vers les professionnels, peut-être des gens comme nous.
Il y a des enseignants aussi qui acceptent de faire des formations autres que leurs formations de base, d’origine, j’en connais, qui ont cette ouverture d’esprit de se former, d’apprendre d’autres choses. Ça fait que lorsque le parent va aller vers lui pour dire que, franchement, je ne comprends pas mon enfant.
Propos recueillis par Alphonse Jènè Aucune étiquette pour cette publication.