Avez-vous déjà entendu parler du vitiligo ? C’est une maladie de la peau qui touche des millions de personnes dans le monde. À l’occasion de la Journée mondiale du vitiligo, célébrée le 25 juin 2025, Stetchie prend la parole. Artiste chanteuse gospel, elle est aussi présidente et fondatrice de l’association « Vitiligo notre combat ». Elle partage avec nous son parcours et les défis qu’elle a dû relever.
Depuis quand vivez-vous avec le vitiligo, et comment avez-vous découvert que vous en êtes atteinte ?
Je vis avec le vitiligo depuis 30 ans exactement. Ça a commencé lorsque j’avais 10 ans exactement. J’ai découvert le vitiligo lors d’une consultation chez le pédiatre parce que j’étais encore très jeune. J’ai constaté que j’avais des petites taches blanches sur le visage. Et c’est une amie à ma maman qui nous attire son attention et nous recommande d’aller consulter un spécialiste. A l’époque nous ne savions même pas qu’il y avait des spécialistes pour ce genre de problème. Nous avons rencontré un dermatologue, qui, avec des examens nous a vraiment fait comprendre que je souffrais du vitiligo. Même le nom à l’époque, je ne connaissais pas.
Est-ce que vous connaissiez cette maladie avant de recevoir votre diagnostic ?
Je ne connaissais pas cette maladie avant mon diagnostic. Et même, lorsque j’ai commencé à avoir des taches sur le visage, on se disait que c’était des taches de dartres ou alors une allergie. Mes proches et moi ne savions pas qu’il y avait une maladie qu’on appelait vitiligo et qui se manifestait comme ça. On ne savait qu’une personne pouvait quitter de la peau noire à la peau blanche de cette façon.
Quelles ont été vos premières réactions en découvrant les taches sur votre peau ?
Lorsqu’un enfant découvre une nouvelle chose sur son corps, c’est normal qu’il soit perdu. Et c’était mon cas. Avant cette maladie, j’étais une petite fille déjà très timide. Le vitiligo est venu me rendre davantage renfermée par ce que n’était pas facile. J’étais perdue et je ne comprenais pas comment mes frères et sœurs étaient normaux et moi je quittais subitement de la peau noire à la peau blanche. Pour une fille de 10 ans, ça en faisait un peu trop.
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Avez-vous rencontré des difficultés particulières sur le plan physique ou psychologique ?
Sur le plan physique, le problème était lié au fait que ma peau changeait. On doit comprendre que lorsqu’on souffre du vitiligo, la peau se fragilise car le métabolisme n’est plus le même. La peau vieillit plus vite que celle des gens qui n’ont pas de problème. Physiquement, mes cheveux blanchissaient, et les taches apparaissaient de plus en plus sur les parties visibles. Au niveau psychologique, c’était stressant. Dans le domaine scolaire, ça devient très difficile parce que les gens ne comprennent pas ce qui vous arrive et vous êtes sujets à des railleries, du mépris, des frustrations et ça devient pénible. Vous devenez le cobaye sur qui tout le monde va se déverser.
Le vitiligo a-t-il eu un impact sur votre estime de soi ou image corporelle ? et Comment votre entourage (famille, amis, collègues) a-t-il réagi ?
Au début il y a eu un impact sur mon estime de soi. A un moment, vous vous sentez comme si vous n’étiez pas un être humain. Parce que les autres qui vous insultent au quotidien ne vous voient pas comme tel. Forcément à un moment ça m’a impacté au point où je me disais que je n’ai même pas ma place sur terre. Je recevais tous genres de surnom au visage. D’aucuns disaient que j’ai fait la dépigmentation et cela a raté, d’autres me traitaient de guépard, de déchets de la nature, d’enfant illégitime, enfant habité d’un mauvais esprit etc. Parfois, les gens refusaient même de me serrer la main, de m’adresser la parole, parce que dans sa tète c’est que c’est contagieux et il ne veut pas m’approcher. Au niveau de la famille, j’ai eu beaucoup de chance. Je n’ai jamais été considérée comme une personne malade. Dans la maison, on essayait de me traiter comme tous les autres pour éviter que ça me frustre. Ils ont très bien pris la chose et aujourd’hui encore ils continuent à m’accompagner.
Le regard de la société camerounaise sur le vitiligo vous semble-t-il en train d’évoluer ?
Depuis 10 ans que je mène le combat sur la sensibilisation du vitiligo, je pense que les choses ont évolué. Je fais partie des personnes qui portent le flambeau de cette lutte au Cameroun. Et je puis dire qu’il y a 10 ans c’était encore un mythe. Grace au combat que nous menons sur le terrain, sur les réseaux sociaux et les médias, les gens commencent à comprendre que le vitiligo n’est pas une fatalité. Il y a des gens qui vivent très bien avec le vitiligo dans le monde et qui réalisent de très belles choses et ce n’est que lorsqu’ils se remettent devant un miroir qu’ils se rappellent qu’ils ont cette maladie.
Les mentalités changent beaucoup plus pour celles qui n’ont pas le vitiligo. Pour les personnes atteintes de la maladie, beaucoup ont encore du mal à s’assumer et d’accepter leur statut. En gros, les choses se font progressivement.
Avez-vous eu accès à un diagnostic médical et à un accompagnement approprié ?
Je réponds par l’affirmatif parce que depuis 30 ans que je suis suivie par des dermatologues, qui sont de spécialistes en la matière. Ce qui m’a permis d’accepter cette maladie et de développer un mindset qui m’a permis d’être une source d’inspiration pour les autres. Aujourd’hui je travaille avec ces spécialistes qui m’accompagnent l’association « vitiligo, notre combat » que j’ai mis sur pied. Nous avons créé comme une forme de partenariat pour le suivi des personnes qui ont le vitiligo.
Quelles formes de traitements ou de soins avez-vous essayées ? Ont-ils été efficaces ?
Il faut dire qu’en Afrique en général et au Cameroun en particulier, nous n’avons pas encore de chercheurs qui puissent véritablement nous produire un traitement définitif. Pour le moment, il y a des traitements qui calment, atténuent la progression des taches sur la peau. J’ai déjà eu à expérimenter plusieurs traitements qui venaient de l’occident et c’était très agressif pour ma peau. Parce que ça ne correspondait pas à ma teinte de peau. Les traitements traditionnels que j’ai eu à essayer font leur effet pour un certain temps. Mais j’ai eu à expérimenter un traitement qui vient de Malaisie et j’ai été satisfaite. Donc pour le moment, c’est ce traitement que je suis toujours. Il faut dire qu’en terme de traitement, les couts sont énormes et ce n’est pas du tout évident. Ce sont des traitements que lorsque tu commences, tu ne dois plus arrêter. Sinon on te demande de recommencer le traitement à zéro.
Est-ce qu’il existe des groupes de soutien ou associations au Cameroun pour les personnes atteintes de vitiligo ?
Pour le moment, nous avons 2 associations qui luttent pour les droits des personnes vivant avec le vitiligo. Une basée à Yaoundé et la mienne à Douala. En dehors de ces 2 associations, s’il existe d’autres je ne saurais vous le dire.
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Qu’aimeriez-vous dire à ceux qui ne connaissent pas bien cette maladie ?
J’aimerais dire à ceux qui ne connaissent pas cette maladie de ne pas s’offusquer ou être réticent lorsqu’ils voient une personne qui a le vitiligo. L’idéal serait d’approcher cette personne pour essayer de comprendre le pourquoi de ce changement. Mais s’il ne peut pas le faire directement, qu’ils se documentent au lieu de dire une parole blessante. Ils comprendront au final que le vitiligo n’est qu’une maladie esthétique.
Selon vous que faudrait-il faire pour mieux informer et sensibiliser la population camerounaise au vitiligo ? et quel message souhaiteriez-vous transmettre à l’occasion de la Journée mondiale du vitiligo ?
Ce que l’on pourrait faire c’est de vulgariser le vitiligo. Dans les médias, sur le terrain, dans les réseaux sociaux. Organiser des évènements comme des journées portes ouvertes pour la sensibilisation. Ce n’est qu’en transmettant la bonne information et en touchant les populations que les gens vont comprendre ce que c’est que le vitiligo. A l’occasion de cette journée mondiale, mon conseil aux personnes qui en souffrent est d’accepter la maladie. L’un des facteurs qui contribuent à l’évolution du vitiligo c’est le stress émotionnel. Nous invitons les personnes atteintes de cette maladie à venir nous rejoindre afin qu’ensemble nous portons haut cette cause.