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Junior Lawou Tesse: « La drépanocytose est une maladie coûteuse »

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À 28 ans, Junior Lawou Tesse, lui-même atteint de drépanocytose, est le fondateur de « Drep’Up », la plus grande association de lutte contre cette maladie dans la ville de Njombé. À l’approche de la Journée mondiale de la drépanocytose, célébrée chaque 19 juin, il a accepté de répondre à nos questions pour nous parler de son engagement, de l’impact de son association, ainsi que des nombreux défis qu’elle doit relever au quotidien.

Pouvez-vous nous présenter brièvement votre association et ses principales missions ?

Tout d’abord, notre association est dénommée Drep’Up (Drépanocytaires…debout). Nous agissons depuis plus de 03 ans déjà dans la ville de Njombé. Elle regroupe en son sein plus de 150 enfants drépanocytaires sous l’aire géographique allant de la Moumié jusqu’à Bekoko.

Nos missions sont très nombreuses nous pouvons citer entre autres : La prise en charge des enfants drépanocytaires. La scolarisation et l’insertion des jeunes malades en âge de carrière. La sensibilisation des jeunes sur l’importance de la pratique des tests d’électrophorèse. L’organisation des activités ludiques à travers Noël du drépanocytaire que nous organisons chaque année pendant laquelle nous mettons nos enfants dans une ambiance festive en leur distribuant des cadeaux pour montrer à eux et leur parents qu’ils ne sont pas seuls. La mise sur pied d’une Mutuelle Drep’Up qui consiste ici à régulariser les factures des enfants à la hauteur de 50 %. La mise sur pied d’une banque de sang intervenant ici dans le cadre des transfusions sanguine. Dans ce cas, il faut agir à temps  sans aucun stress du côté des parents, du malade et du corps médical.

Quelles sont les origines de sa création ? Y avait-il un besoin urgent ou un cas particulier qui a motivé sa fondation ?

Les origines de la création de Drep’Up viennent du fait que nous avons observé l’état déplorable dans lequel les enfants drépano vivaient à Njombé. Les parents sont sous informés, pour ceux qui savent même, ils réussissent à cacher la pathologie de leurs enfants.  Sans oublier les préjugés auxquels ils faisaient face. La population de son côté ignorante de la maladie, d’où l’augmentation exponentielle du taux de naissance des enfants drépanocytaire. On note aussi des difficultés à régler les frais d’hospitalisation,  il fallait urgemment créer cette association pour essayer d’alléger les souffrances de ces derniers.

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Quels sont les défis spécifiques liés à la drépanocytose dans la région de Njombé ?

Les défis spécifiques liés à la drépanocytose dans notre ville sont un peu plus délicats. Car nous observons : un manque de diagnostic précoce ou néonatal. Beaucoup de nouveau-né ne sont pas dépistés dès la naissance et ils grandissent en trainant la maladie qui deviendra fatale à la longue. Aussi, le coût élevé du traitement. Elles sont assez nombreuses ces familles qui ne parviennent pas à aller jusqu’au bout avec le traitement de leurs enfants, faute de moyen financier. Il faut le dire sans le cacher, la drépanocytose est une maladie dépensière. Le soulagement d’une crise peut aller de 100.000 frs à un million selon la gravité. Nous sommes dans un contexte où les parents ne possèdent pas ces finances. Nous profitons pour exhorter les pouvoirs publics d’insérer la drépanocytose dans les programmes de santé publique gratuite ou subventionnés.

L’un des défis aussi important reste et demeure la stigmatisation et la discrimination des personnes drépanocytaires.  Ces enfants sont parfois rejetés par leur propre famille, leurs amis et perçus comme des erreurs de la nature, des faibles, des inutiles ce qui a un réel impact sur leur santé mentale, certains sont même découragés de la vie. Nous le vivons. C’est une évidence dans notre ville. C’est toujours du genre «  non tu ne peux pas faire, eh tu n’iras nulle part, tu vas bientôt mourir » Avec cette maladie, comme on dit souvent au Cameroun il faut avoir le cardio.

L’ignorance des parents. Ils entrent aussi dans la danse. Nous ne comprenons pas comment jusqu’en 2025, certains parmi eux cachent encore leurs enfants. Ils doivent libérer les enfants. Avant tout c’est une maladie, transmise d’ailleurs par eux à leurs progénitures. L’accès aux soins de santé. Notre localité ne possède pas assez d’hôpitaux avec un meilleur plateau technique en dehors de l’hôpital Saint Jean de Malte que la population trouve très chère et cela impacte négativement sur le suivi médical des malades.

Comment la population locale perçoit-elle la drépanocytose ? 

La population locale perçoit la drépanocytose comme de la sorcellerie. Pour elle, naitre avec cette maladie émane du mysticisme. Faudrait savoir que le drépano est une personne à part entière et non entièrement à part. Il peut travailler, se marier, faire des enfants, vivre une vie tranquille et épanouie. Ce n’est pas à la population de fixer les règles d’une maladie, c’est à nous même de le faire, nous qui souffrons. C’est une question de mental.

L’association accompagne-t-elle les familles sur le plan médical, psychologique ou social ?

L’accompagnement sur le plan Médical, avec Drep’Up, c’est une aubaine dans la ville de Njombé. Nous avons mis sur pied une mutuelle qui vient en aide aux malades par un pourcentage de 50%. Ce qui veut dire que si une facture d’hospitalisation est à 100.000 Frs le malade ou la famille payera 50.000 Frs et la mutuelle 50.000 frs. Sur le plan psycho-social, l’Association vient en aide avec la distribution des fournitures scolaires, des bourses accordées aux élèves ceci depuis 03 ans.

Nous saluons l’hôpital Saint Jean de Malte où déjà tous nos enfants sont traités en cas de crise avec un suivi pointu. Des examens ont été vus à la baisse pour le bonheur de nos malades. Mais nous en voulons plus, un soutien matériel ou financier par rapport à notre mutuelle. De temps en temps nous avons des rencontres dans les écoles pour des séances de sensibilisation. Pour des tests gratuits, ça fait déjà deux ans que nous les faisons. Plus de 400 personnes ont déjà dans leur armoire les résultats de leur test d’électrophorèse.

Comment est financée l’association ? Avez-vous des partenariats avec des ONG, l’État ou des donateurs privés ?

Pour le moment, notre association est financée par des dons de nos amis, des collectes de fond. Nous profitons pour remercier la Fondation Mbotchack qui est toujours à nos côtés et qui répond toujours présent lorsque nous l’appelons. Grace à cette Fondation nous avons des tests d’électrophorèse, des dons pour noël et la rentrée du drépanocytaire. C’est un geste à saluer. Nous saluons aussi la Family Green Corporation qui ne reste Jamais indifférents face à nos doléances. Nous n’oublions pas Agrimex pour son soutien inconditionnel.

Quelles sont les plus grandes difficultés que vous rencontrez dans la mise en œuvre de vos actions ?

Au quotidien, nous rencontrons des difficultés. Manque de moyens financiers pour mener à bien à nos activités. Notre Mutuelle ne possède pas assez de moyen pour prendre en charge les enfants. Nous nous retrouvons parfois butés lors du paiement des factures. De plus,  nous manquons des moyens logistiques  pour nous déployer dans d’autres villes pour des séances de sensibilisation. Enfin, l’insuffisance des tests d’électrophorèse pour élargir le nombre des personnes dépistées.

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Comment évaluez-vous l’évolution de la prise en charge de la drépanocytose à Njombé depuis la création de l’association ?

Depuis la création de Drep’Up à Njombé, la prise en charge a plutôt évolué à travers tout le dispositif de l’hôpital Saint Jean de Malte. Des rendez-vous réguliers grâce aux consultations, une banque de Sang Drep’Up  à Njombé pour agir dans les brefs délais lors des transfusions sanguines.

Nos projets sont de couvrir tout notre département avec pour objectif de dépister le maximum de personnes. La mise sur pied d’un autre point focal Drep’Up  à Njombé et dans les zones rurales pour édifier les populations sur la maladie. Tisser des partenariats avec des chercheurs pour explorer des nouvelles pistes de traitement. Une prise en charge totale des personnes malades  par notre mutuelle. La collaboration avec des partenaires locaux pour plus élargir notre plan d’action. L’insertion socioprofessionnelle des jeunes drépano dans les structures. Pourquoi pas à long terme à long terme penser à la construction d’un pavillon Drep’up spécialisé dans la lutte et le traitement de la drépanocytose avec des salles de laboratoires, d’hospitalisation.

Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes, aux familles, et aux autorités au sujet de cette maladie ?

Un seul message, pour les jeunes, il faut penser à faire son électrophorèse avant de se mettre en couple. Quant aux autorités,  nous leur demandons d’inscrire la drépanocytose dans le cadre des maladies à santé publique subventionnées.

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