Un outil « fascinant et redoutable »: le pape François a mis en garde vendredi contre l’usage militaire de l’intelligence artificielle (IA), appelant à interdire les « armes autonomes létales », lors d’un discours au sommet du G7 dans le sud de l’Italie.
Pour la première participation d’un pape à un G7, François s’est livré à une dissertation de 20 minutes mêlant réflexions éthiques, philosophiques et sociétales, à la table des chefs d’État et de gouvernement des démocraties les plus riches du monde réunis dans les Pouilles, au premier rang desquels les présidents américain Joe Biden et français Emmanuel Macron.
« Dans un drame tel qu’un conflit armé, il est urgent de repenser le développement et l’utilisation de dispositifs tels que les +armes autonomes létales+ afin d’en interdire l’usage », a exhorté le pape de 87 ans, farouche opposant au commerce des armes. « Une machine ne devrait jamais choisir d’ôter la vie à un être humain », a-t-il insisté.
Robots, drones, torpilles… toutes sortes d’armes pourraient être transformées en systèmes autonomes, régis par des algorithmes d’IA. L’intelligence artificielle s’annonce selon les experts comme la troisième révolution majeure dans le domaine des équipements militaires, après l’invention de la poudre à canon et de la bombe atomique.
Fin avril, un appel à réguler les armes létales autonomes, surnommées « robots tueurs », avait été lancé à Vienne à l’issue d’une conférence internationale sur le sujet? Cet appel insistait sur « l’urgence » des efforts diplomatiques, infructueux, alors que plusieurs Etats, de la Russie aux Etats-Unis, s’opposent à un texte contraignant.
Dans leur déclaration finale, les dirigeants du G7 se sont montrés évasifs sur la question, se bornant à reconnaître « l’impact de l’IA sur le domaine militaire et la nécessité d’un cadre pour un développement et une utilisation responsables ».
Qualifiant l’IA d' »outil extrêmement puissant », « fascinant et redoutable », le chef de l’Eglise catholique a rappelé les risques associés à son utilisation, notamment celui d' »entraîner une plus grande injustice entre les pays riches et les pays en voie de développement, entre les classes sociales dominantes et les classes sociales opprimées ».
– « Révolution » –
Arrivé en fauteuil roulant, Jorge Bergoglio a chaleureusement salué un par un les dirigeants assis autour de la table, ainsi que le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
« L’avènement de l’intelligence artificielle représente une véritable révolution cognitivo-industrielle qui contribuera à la création d’un nouveau système social caractérisé par de complexes transformations historiques », a-t-il souligné.
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Il a répété le concept d' »algoréthique », qu’il avait lui-même introduit dès 2019, invitant à mettre en place une éthique de l’algorithme pour étudier les rapports entre les êtres humains et les machines.
L’intervention du pape révèle l’intérêt croissant du Vatican pour cet outil révolutionnaire, que l’Eglise a encouragé ces dernières années tout en alertant sur les dangers inhérents à son utilisation.
Fin 2023, François avait invité la communauté internationale à adopter un traité encadrant son utilisation face aux « risques graves » liés aux nouvelles technologies, tels que les « campagnes de désinformation » ou « l’ingérence dans les processus électoraux », à l’image du règlement adopté par l’Union européenne (UE), le premier au monde.
En 2020, le Saint-Siège avait été à l’initiative de l’Appel de Rome pour une éthique de l’IA, signé par Microsoft, IBM, l’ONU, l’Italie et une myriade d’universités, exhortant à la transparence et au respect de la vie privée.
L’Italie, pays hôte du G7, a voulu faire de l’IA un thème clé du sommet, notamment ses impacts sur le marché de l’emploi, et la Première ministre Giorgia Meloni s’était dite en avril « convaincue que la présence du Saint-Père apportera(it) une contribution décisive à la définition d’un cadre régulateur, éthique et culturel pour l’intelligence artificielle ».
En marge de ce discours, François a un agenda chargé avec une dizaine de rencontres bilatérales: il s’est entretenu, entre autres, avec Emmanuel Macron et le président ukrainien Volodymyr Zelensky, et doit également rencontrer Joe Biden.
Source: Agence France-Presse Aucune étiquette pour cette publication.