Dans un entretien exclusif accordé à Tv5 Monde, le 28 octobre 2024, l’artiste Longuè Longuè laisse apparaitre toute sa colère, son indignation, tout en marquant sa détermination à continuer de penser comme il voit les choses. Il se place aujourd’hui comme celui qui va libérer son pays le Cameroun. En exil en Europe, il dit ne pas revenir, de peur de mourir avant d’avoir achevé sa mission. Voici l’intégralité dudit entretien.
Tout d’abord, comment allez-vous ? Comment est-ce que vous vous sentez après avoir dévoilé ces images ?
Je suis soulagé parce que vous imaginez 5 ans après, après avoir subi ce genre de torture, puisqu’il était question qu’on me tue. Donc, je suis soulagé parce que justice sera faite et ces gens comprendront qu’ils ne sont pas au-dessus de la loi. Je veux dire merci à William Jordan de Jésus, le leader de la diaspora qui est aux Etats-Unis, qui m’a d’ailleurs informé qu’on a un compatriote qui est aussi en exil, aux Etats-Unis, Patrice Nouma, qui a gardé cette vidéo pendant 5 ans. Donc, c’est l’homme qui m’a contacté en me disant «j’ai cette vidéo ».
«J’ai cette vidéo». Voilà. Et j’ai supplié. Donc, il y a 4 jours. C’est une histoire de 4 jours. Alors qu’on m’a torturé en 2009. Voilà. J’ai dit « s’il te plaît, donne-moi cette vidéo ». Alors, j’avais annoncé que je devais la publier, Mercredi. Et il y a des gens qui m’ont dit « essaye de publier. Si tu n’aimes pas ta famille et tes enfants, essaye de la publier ». J’ai dit OK.
Alors, il vous a dit pourquoi est-ce qu’il vous a contacté pour vous dire qu’il avait cette vidéo ?
Parce qu’il savait qu’on m’avait torturé. Il savait qu’on m’avait torturé. On discute tout le temps. Et pour lui, savoir qu’il a cette vidéo devait tout changer, pas seulement pour moi, devait libérer tout le Cameroun, libérer tous ceux qui sont victimes d’injustice au Cameroun. Voilà. Et je crois que c’est ce qui se passe actuellement.
Vous n’avez pas de doute quant à l’identité des hommes qui vous ont fait subir ces sévices. Qui est l’auteur de la vidéo que vous avez publiée ce mercredi et qui sont les hommes qui vous ont torturé ?
C’est Ben Tabala qui me filmait pendant qu’il y avait plus de 10 militaires musclés qui me tapaient avec toutes leurs forces.
Qui est ce monsieur précisément ? Pour nos téléspectateurs, qui est ce monsieur ?
Monsieur Tabala, était le commandant de la Sécurité militaire. Maintenant, il est colonel à Kribi. Mais sous les ordres du grand patron, Emile Joël Bamkoui, qui est le patron de toute la Sémil au Cameroun. Voilà. Parce que c’est Bamkoui que j’ai eu au téléphone, qui dit avoir demandé qu’on me libère. Et c’est Bamkoui qui avait mon passeport. Il faut le dire, parce qu’ils ont arraché mon passeport avec un visa du Canada. Je n’ai plus jamais eu ce passeport.
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Quand vous dites Bamkoui , vous parlez d’Emile Bamkoui, c’est bien ça ?
Emile Julien Bamkoui. Voilà, c’est son nom. Emile Bamkoui qui est le patron de toute la Sécurité militaire au Cameroun. Mais Tabala, lui, il était le commandant de la Sécurité militaire à Douala. Il était le commissaire militaire de Douala.
Longuè Longuè, savez-vous pourquoi est-ce qu’ils se sont pris à vous ?
Parce que ce ne sont pas des démocrates. Ce sont des dictateurs. J’ai donné mon avis après une élection. J’ai estimé que c’est Maurice Kamto qui avait gagné.
Vous parlez de l’élection présidentielle au Cameroun en 2018 ?
En 2018. J’ai dit que c’est Maurice Kamto qui avait gagné. Et comme ces gens dont je vous cite, Tabala, Emile Bankui et tous les autres, parce qu’on doit faire ce qu’ils veulent, on doit parler ce qui leur plaît. Et moi, ma liberté de penser ne changera jamais, même s’il faut mourir.
Joseph Beti Assomo, le ministre de la Défense, a réagi à travers un communiqué et a ordonné l’ouverture immédiate d’une enquête sur le sujet de la vidéo que vous avez dévoilée ce mercredi. Qu’attendez-vous précisément de ces enquêtes ?
J’attends que justice soit faite. C’est vrai que chaque fois qu’on ouvre toujours des enquêtes au Cameroun, ça n’aboutit à rien. Mais cette fois-ci, la chance, c’est que je suis en Europe.
Imaginez beaucoup de Camerounais qu’on a torturés, mais qui ne peuvent pas avoir un visa pour arriver en France, porter plainte ou en Allemagne. Ils sont là, ils meurent à petit feu. Dieu a choisi une personne pour libérer tous les Camerounais, pour mourir pour cette cause.
Et je dis qu’Emile Bankui et Tabala, on doit les déshabiller, parce qu’un fonctionnaire est là pour servir le peuple et non se servir.
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Alors, il y aurait une enquête, mais est-ce que vous avez des preuves vis-à-vis des hommes que vous accusez de vous avoir fait sur la vidéo ?
La vidéo est là, la vidéo est là.
Vous êtes sûr qu’il s’agissait des membres de la sécurité militaire ? Vous n’avez aucun doute là-dessus ?
Sûr, aucun doute. On doit les interpeller. On doit interpeller Ben Tabala, on doit interpeller Bankui. Et maintenant, il y a des petits militaires, les lieutenants, les chefs, tout ce que je connais. Si je les vois, je leur dis, toi, tu étais là. En bref, ils vont se dénoncer, ça c’est sûr.
A l’époque, vous aviez dénoncé les actes de torture que vous aviez subis. Dans une récente interview à Jeune Afrique, vous disiez ne pas avoir été soutenu par la population. Est-ce que vous pensez qu’aujourd’hui, les choses ont changé ?
Oui, les choses ont changé. Les gens s’excusent. Vraiment, on ne m’avait pas cru.
Quand je disais on m’a torturé, personne ne croyait. Vraiment, excuse-nous, on a les larmes aux yeux. D’autres me disent libérateur, toi seul, tu vas libérer le Cameroun. Même tous les politiciens réunis ne feront pas ce que toi, tu vas faire. Dieu t’a choisi pour libérer le Cameroun. Et je crois que je suis prêt à mourir. Parce que l’égoïsme et la boulimie du pouvoir.
Imaginez un peu, un papa qui a déjà fait 40 ans au pouvoir, il ne comprend pas qu’il doit aller se reposer. Même s’il devait aller à la retraite, on l’a prolongé pour 3 ans.
Longué Longué, quelle est votre situation aujourd’hui ? Est-ce que vous avez la possibilité de retourner au Cameroun ?
Je ne peux pas, sinon c’est la mort. C’est vrai que même ici, ils ont des lieutenants. Ils ont des antennes ici. Même ici, je ne suis pas en sécurité. Mais je vais m’organiser pour que mes sorties soient au moins contrôlées. Pour que les gens que je fréquente soient choisis. Voilà, donc je ne compte pas rentrer au Cameroun. J’ai enlevé le Cameroun dans mon programme. Pour ne pas mourir avant de libérer le Cameroun. Je mourrai après la libération.
Propos retranscrits par Alphonse Jène, source Tv5 Monde