Les frappes américaines contre des sites nucléaires de l’Iran ont douché l’espoir des Européens de jouer un rôle moteur dans les négociations avec Téhéran, confirmant leur rôle de « partenaires juniors » ou « d’accompagnateurs » des Etats-Unis.
Cette semaine, les chefs de la diplomatie allemande, britannique et française ainsi que la cheffe de la diplomatie européenne ont mené d’intenses discussions avec l’Iran qui ont culminé vendredi avec la tenue d’une réunion, à Genève, avec leur homologue iranien.
Samedi encore, le président français Emmanuel Macron assurait que la France et ses alliés européens allaient « accélérer les négociations » sur le nucléaire iranien pour « sortir de la guerre et éviter de plus graves dangers », après un appel avec son homologue iranien Massoud Pezeshkian.
C’était quelques heures avant que les Etats-Unis ne bombardent dimanche trois sites névralgiques du programme nucléaire iranien, mettant fin à tout processus diplomatique. Pour le moment.
– L’échec des négociations –
« Les Iraniens ont utilisé les Européens pour gagner du temps, très clairement, parce que la dernière négociation s’est soldée par un échec, de l’aveu même des Européens », estime David Khalfa, cofondateur du think tank international Atlantic Middle East Forum (AMEF) et codirecteur de l’Observatoire Afrique du Nord/Moyen de la fondation Jean-Jaurès.
« Le rôle des Européens va être limité à la portion congrue », dit-il, s’attendant à ce qu’ils soient cantonnés au « rôle d’accompagnateurs, d’amplificateurs de la position américaine ».
Clément Therme, chercheur associé à l’Institut d’études iraniennes lié à l’université de la Sorbonne, estime pour sa part qu’il n’y a fondamentalement « aucun changement ».
Depuis 2008, « l’Europe a été mise de côté sur la question nucléaire iranienne depuis l’époque de +Merkosy+ », expression désignant le duo européen formé à l’époque par la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy, rappelle-t-il.
« On est dans la continuité, les Européens jouent le rôle de +junior partner+ des États-Unis ».
« Les Européens sont hors-jeu, tout simplement », poursuit l’expert. « Pour une raison très simple: ils n’ont pas de souveraineté économique et ils appliquent les lois extraterritoriales américaines s’agissant des sanctions économiques », poursuit l’expert.
– « Egodiplomatie » –
Le prétendu rôle des Européens dont la France relève surtout de « l’egodiplomatie », juge-t-il.
Pourtant, les Européens avaient été les instigateurs du processus diplomatique sur le nucléaire iranien il y a une vingtaine d’années, jouant alors un rôle de premier plan.
Mais de l’aveu même de diplomates européens, leur seul véritable levier est la possibilité de réenclencher le « snapback », ce mécanisme qui permet de réimposer les sanctions internationales contre Téhéran.
En échange de l’encadrement du programme nucléaire iranien, l’accord signé en 2015 — que Washington a quitté en 2018 — prévoyait en effet un allègement des sanctions internationales contre Téhéran.
Le Premier ministre britannique Keir Starmer a appelé dimanche l’Iran à « revenir à la table des négociations ».
Emmanuel Macron a demandé au président iranien « la reprise des discussions diplomatiques » lors d’un échange, a fait savoir l’Elysée.
Son ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot avait plus tôt répété que la seule solution durable était une solution « négociée ».
Et la France « demeure prête à y contribuer en lien avec ses partenaires », avait-il ajouté dans un message posté sur X.
– Diplomatie européenne –
Si les discussions venaient à reprendre, outre le « snapback », les Européens pourraient utiliser la menace de nouvelles frappes américaines, souligne David Khalfa.
Car l’intervention américaine a brisé « un tabou historique et matérialisé l’option militaire brandie par toutes les administrations américaines depuis Bush junior jusqu’à Joe Biden en passant par Barack Obama et Donald Trump », poursuit-il. Le bâton américain « ne relève donc plus seulement de la guerre psychologique ».
De même que les diplomates français avaient mis en garde Téhéran sur la crédibilité d’une intervention militaire israélienne en Iran, ils lui avaient fait savoir qu’il ne fallait pas exclure une intervention américaine alors que les signaux s’accumulaient en début de semaine, selon une source diplomatique.
Ainsi, « les Européens pourraient utiliser la perspective de nouvelles frappes américaines pour renforcer leur positionnement vis-à-vis du régime iranien et inciter celui-ci à accepter leurs demandes », non sans se rapprocher des exigences américaines.
Emmanuel Macron avait en effet évoqué vendredi un retour à la négociation « de fond qui inclut le nucléaire pour aller vers le zéro enrichissement », un élément voulu par Washington alors que l’accord de 2015 prévoyait un taux d’enrichissement de 3,67% maximum.
Source : Agence France-Presse