Dans une interview accordée à Jeune Afrique, il signe et persiste qu’il avait été envoyé par le contre Amiral Fouda pour. dit-il, jouer les intermédiaires.
Du grand déballage ? Tout porte à la croire à la lecture des déclarations qui ont été faites par Parfait Mbapou et qui n’engagent que lui seul. A la question de savoir s’il connait personnellement le contre-amiral Joseph Fouda ? Il répond: » Oui. J’ai fait sa connaissance courant 2015. C’est un journaliste, Thierry Roland-Enom Otam, qui nous avait mis en contact. C’est bizarre d’ailleurs : les enquêteurs n’ont jamais cherché à l’interroger alors qu’il travaillait jusqu’à une date récente au cabinet du directeur général de Camwater.
Ce journaliste avait pris cette initiative à l’époque où je travaillais avec feu Martin Belinga Eboutou, alors directeur du cabinet civil de Paul Biya. Un jour, il est venu me voir et m’a dit : « Je connais ton patriotisme et, comme tes renseignements sont très appréciés, je vais te mettre en contact avec Monsieur le conseiller spécial [Joseph Fouda]. Je te préviens, c’est un homme très prudent. Avec lui, il faut être patient. La relation ne peut pas fonctionner tout de suite. Ça prend du temps. Je lui ai parlé de toi et il m’a autorisé à te donner son numéro de téléphone. » C’est ainsi qu’il m’a donné le contact. Ensuite, il a ajouté : « Tu peux déjà lui écrire » ».
Par quel moyen communiquiez-vous avec Joseph Fouda ? « Par le numéro de téléphone que m’avait remis le journaliste, Thierry Roland- Enom Otam », affirme Parfait Mbapou. Et de poursuivre lorsqu’on lui demande quel était exactement votre rôle: « celui d’intermédiaire. Celui à qui on rendait des comptes. Le contre-amiral a un problème : de par sa position, il ne peut pas s’exposer. Sa nature réservée fait aussi qu’il ne parle pas beaucoup avec les militaires. Il est difficile pour eux de l’avoir au téléphone parce qu’il se méfie des enregistrements. Ceux qui voulaient lui parler venaient chez moi à la maison et nous l’appelions ensemble avec mon téléphone ».
Et pourquoi ces personnes le sollicitaient-ils ? « Dans notre pays, tout se décide à la présidence. Par mon entremise, le contre-amiral a fait nommer des personnalités qui sont encore en fonction en ce moment à des postes juteux. Je n’ai pas trouvé la nécessité, même pendant mon audition, de citer ces personnalités. D’ailleurs, les gendarmes ont trouvé des documents concernant ces personnalités chez moi à la maison, mais ils ont omis de le mentionner. Des gens m’ont conseillé de ne pas citer de noms, ça leur causerait du tort. Des personnes sollicitaient le contre-amiral Fouda pour obtenir un agrément, une nomination ou, s’agissant des militaires, des avancements en grade.
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Concernant les entreprises, je peux citer en exemple une société qui était spécialisée dans la fibre optique. La direction avait plusieurs fois été reçue par le ministre Aba Sadou [délégué à la présidence chargé des marchés publics de 2011 à 2019] sur instruction de Joseph Fouda. Des PDG et hommes d’affaires ont été reçus par Aba Sadou ou par les ministres des Finances, Louis-Paul Motaze, et des Travaux publics, Emmanuel Nganou Djoumessi, à la demande du contre-amiral. Quand le service était rendu, je touchais une commission. Je peux également citer un entrepreneur tchadien, Khalifa Abdallah, qui a perdu plus de 2 milliards de F CFA en commissions et paiements divers pour gagner des marchés dans le BTP mais qui a fini par être expulsé du Cameroun malgré ses protections ».
Comment se fait-il donc que Joseph Fouda assure ne pas le connaître dans sa plainte déposée contre lui? Selon Parfait Mbapou, « ce n’est pas la première fois. Il avait déjà déposé une plainte en 2017 contre moi en prétendant qu’il ne me connaissait pas. Et je n’avais d’ailleurs pas été interpellé. On m’avait juste convoqué. J’avais eu un différend avec une femme d’affaires pour laquelle j’avais facilité des démarches dans un marché lié au pétrole. J’avais réclamé ce qui me revenait de droit et exigé que notre accord soit légalisé en bonne et due forme. Elle n’était pas d’accord et s’est plaint chez quelqu’un à la présidence en prétendant que je l’avais menacée. Pour m’intimider, Joseph Fouda m’avait donc fait convoquer par le lieutenant-colonel Kaole [toujours en service au ministère de la Défense]. Après mon audition, il a téléphoné à l’enquêteur pour lui demander de me laisser rentrer chez moi. Ensuite, il m’a appelé comme si de rien n’était.
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Cette manœuvre venait s’ajouter au traitement qu’il avait infligé à l’homme d’affaires tchadien Khalifa Abdallah. J’ai donc décidé de prendre un certain nombre de dispositions pour me protéger. À partir de 2019, j’ai systématiquement enregistré nos conversations et j’ai conservé des documents que j’ai pris soin d’envoyer à trois personnes différentes résidant à l’étranger, au cas où il m’arriverait quelque chose ».
Le contre-amiral Fouda aurait-il inventé et déclenché lui-même une affaire qui l’a finalement éclaboussé ? « Je pense qu’en déposant sa plainte, il essayait tout simplement de m’intimider par voie de justice après le message que je lui avais envoyé. Je lui reprochais d’avoir impliqué mon petit-frère dans ce milieu que je ne souhaitais pas pour lui. Il a saisi la gendarmerie mais il n’était pas question d’approfondir l’enquête ou de me mettre en détention. Sauf qu’il avait oublié qu’une guerre des clans fait rage à la présidence et que ses ennemis ont saisi la balle au bond pour le piéger en prenant au sérieux la plainte, en sachant que tout remonterait à lui. Je suis convaincu que c’est le président Paul Biya qui a finalement arrêté tout cela avant que ça ne dérape. J’ai failli y rester. Et ce n’est pas fini, ma vie est toujours menacée », clôture Parfait Mbapou. Étonnant !
Qui croire au finish dans cette affaire qui a ébranlé toute la République et qui n’a pas encore véritablement livré tous ses secrets? La justice nous le dira certainement