Pr. Anastase Dzudie Tamdja est enseignant des universités. Il est spécialisé dans la cardiologie et la rythmologie. Il est par ailleurs le président de la Société camerounaise de cardiologie. Nous l’avons rencontré à l’Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Douala. Il a accepté de nous parler de l’hypertension artérielle.
De grands moments consacrés au coeur, c’est qu’il y a un problème non !
Oui, les maladies cardiovasculaires sont rampantes dans notre environnement en ce moment, avec en particulier l’hypertension artérielle. Qui affecte jusqu’à 37% de la population entre 29 ans et 75 ans. Alors, ce qui fait que cette hypertension est généralement silencieuse. Elle n’est pas diagnostiquée à temps. Et lorsqu’elle est diagnostiquée, elle n’est pas contrôlée. Elle est donc associée à un ensemble de complications cardiovasculaires.
Dont les accidents vasculaires cérébraux, la crise cardiaque et les insuffisances rénales. Et la Société Camerounaise de Cardiologie a entrepris depuis 8 ans, un dépistage de l’hypertension artérielle. A travers tout le territoire national.
Professeur comment vous expliquez aujourd’hui la récurrence de ces maladies en milieu jeune alors qu’on disait que c’était pour vieux ? Aujourd’hui, même les enfants en souffrent !!!
Vous avez effectivement raison parce qu’à un moment, on a cru que c’était des maladies des Européens, des Occidentaux. Et puis finalement, on se rend compte que non, ça affecte tout le monde et ça affecte particulièrement les Africains. Et au niveau des Africains et particulièrement au Cameroun, on a cru que c’était des maladies des riches.
Et puis aujourd’hui, nous nous rendons compte que l’hypertension artérielle affecte toute la société. Elle affecte les jeunes comme les plus âgés. Même si elle est un peu plus fréquente chez les personnes de plus de 35 ans. Elle affecte aussi bien les riches que les pauvres et donc finalement, tout le monde est concerné.
Alors pourquoi ?
Parce que globalement, nous sommes passés d’une étape où nous avions une vie assez accentuée sur une alimentation saine. Avec une pratique régulière de l’activité physique à une situation aujourd’hui où notre alimentation est très pauvre en potassium. Pauvre en fruits et en légumes. Plus riche en graisse et en sucre. Et ajouter à ça une réduction significative de l’activité physique. Les gens font moins d’exercices associés à ça.
Les gens consomment exagérément de l’alcool, les gens fument. Et ces facteurs associés au stress permanent de la vie économique et sociale aujourd’hui prédisposent notre population. A faire plus de maladies cardiovasculaires et en particulier l’hypertension artérielle. Sans oublier la prise de poids. Qui continue d’être vue dans notre environnement comme un signe de richesse alors qu’en réalité, c’est un indicateur de maladies cardiovasculaires.
Restons dans l’hygiène alimentaire. Dans nos villages on dit c4est trop de propreté en ville qui finalement rend les gens malades.
Alors il faut dire que l’exposition aux germes, notamment aux bactéries et à certains parasites. C’est quand même ce qui permet à l’individu de développer la défense immunitaire. Mais cette exposition-là a une certaine limite. Si on est trop exposé, on peut tout à fait arriver à une situation où ces germes-là surpassent nos capacités de défense. Et puis on est malade.
Donc, ce concept-là doit aujourd’hui être oublié. Nous sommes de moins en moins immunisés pour nous protéger de manière naturelle contre les maladies. Et l’occidentalisation de notre mode de vie nous fragilise aussi. Ça nous met à risque de développer un peu plus les maladies non transmissibles, dont les maladies cardiovasculaires. Mais aussi les maladies transmissibles comme les infections.
Pr. Est-ce qu’on peut prévenir l’hypertension artérielle ? Comment ?
Oui, la bonne nouvelle, c’est que les maladies cardiovasculaires et notamment l’hypertension artérielle, ce n’est pas une fatalité. Ce sont des maladies qu’on peut parfaitement prévenir. Il suffit d’adopter très rapidement une hygiène alimentaire qui soit riche en potassium. Pauvre en graisse et en sucre, et beaucoup plus riche en fruits et en légumes. De faire une activité physique. Nous conseillons de pratiquer une activité physique d’au moins 30 minutes par jour, minimum 5 jours par semaine.
Ce qui donne minimum 150 minutes d’activité physique par semaine, de ne pas fumer. C’est vraiment zéro tabac. Pour l’alcool, il faut avoir une consommation modérée. Par exemple, pour l’homme, ça ne dépasse pas 1,5 verre de vin par jour. Et pour la femme, ça ne dépasse pas 1 verre de vin par jour.
De savoir bien gérer son stress et de savoir aussi bien gérer son poids. Ceci concerne la grande partie de la population qui n’a pas encore de facteur de risque cardiovasculaire. Et même si vous avez des facteurs de risque cardiovasculaire, l’application de ces mesures-là est importante pour contrôler votre maladie.
Alors si vous avez déjà un certain âge, si vous avez plus de 30-35 ans, il faut absolument vous faire dépister de ces facteurs de risque cardiovasculaire-là, l’hypertension, d’où l’importance de l’action que est menée en ce moment. Il faut se faire dépister pour que ces facteurs de risque cardiovasculaire-là soient diagnostiqués et contrôlés pour éviter les complications.
Et quand il y a déjà des complications ?
Il faut se faire accompagner par les médecins pour pouvoir réduire les chances de voir ces complications se multiplier. Ou alors d’entraîner la mortalité. Et c’est ce que nous cherchons aujourd’hui, à réduire de manière significative.
Professeur. Est-ce que l’hypertension se transmet de père en fils?
C’est vrai que si on avait un parent hypertendu, il faut faire beaucoup plus attention. Parce qu’on sera un peu plus à risque de souffrir des facteurs environnementaux. Qu’une personne qui n’avait pas de parents hypertendus. Mais, je voudrais rajouter qu’il y a certaines mauvaises habitudes qui se transmettent. Malheureusement de mère en fille ou de père en fils.
Je veux prendre par exemple, la consommation de sel. La consommation de graisse, la quantité d’huile qu’on met dans les aliments. Généralement, vous allez voir que de mère en fille, on met peut-être beaucoup plus de sel dans les aliments.
On met plus d’huile dans les aliments. Et donc cette façon de faire, amène la lignée de cette famille à développer les maladies cardiovasculaires, notamment l’hypertension. Mais il ne s’agit pas de quelque chose qui est dans les gènes. Il s’agit d’une habitude qu’on peut bannir.