La plus haute cour sud-africaine a examiné vendredi un recours sur l’éligibilité de l’ancien président Jacob Zuma, question cruciale à moins de trois semaines d’une élection qui s’annonce comme la plus serrée depuis 30 ans.
A la fin d’une audience qui a duré plus de 10 heures, la Cour constitutionnelle de Johannesburg a réservé son jugement et levé la séance. Le jugement pourrait être rendu d’ici quelques jours.
M. Zuma, 82 ans, présent à l’audience, est à la tête d’un nouveau parti d’opposition (MK) qui cible notamment des électeurs déçus de l’ANC, le parti au pouvoir qui risque de perdre sa majorité parlementaire pour la première fois de son histoire lors des législatives du 29 mai.
Mais la commission électorale (IEC) avait fait valoir que Jacob Zuma, impliqué dans de multiples scandales de corruption, devrait être exclu du scrutin en raison d’une condamnation pour outrage en 2021 à 15 mois de prison.
La Cour constitutionnelle est appelée à se prononcer après qu’un tribunal électoral a donné raison à M. Zuma en avril.
La Cour doit trancher sur l’interprétation d’une norme constitutionnelle interdisant à toute personne condamnée à plus de 12 mois de prison de siéger au Parlement.
La commission électorale avait soutenu que cette disposition s’appliquait à M. Zuma. Mais les avocats de l’octogénaire avaient plaidé avec succès devant le tribunal électoral que ce n’était pas le cas, car sa sentence avait été raccourcie par une remise de peine.
Que M. Zuma ait purgé ou non l’ensemble de la peine à laquelle il avait été condamné, « il tombe dans la catégorie des gens exclus » du scrutin, a plaidé vendredi l’avocat de l’IEC, Tembela Ngcukaitobi.
« Il a été condamné », et « c’est très clair », à 15 mois de prison. La commission électorale « a eu raison de le disqualifier », a-t-il insisté. « Il n’est pas disqualifié par l’IEC, il est disqualifié par la Constitution ».
A lire: Elections en Afrique du sud: revers pour l’ANC, le parti de Zuma garde son nom
L’avocat de M. Zuma, Dali Mpofu, a plaidé au contraire, citant la définition du dictionnaire, qu’une remise de peine était « l’annulation d’une partie de la peine ».
– Besoin de « clarté » –
L’incarcération de M. Zuma en 2021 avait déclenché une vague inédite d’émeutes, qui avait fait plus de 350 morts. Beaucoup redoutent une redite de ce scénario catastrophe, les partisans de M. Zuma ayant « menacé de recourir à nouveau à la violence si les choses ne vont pas dans leur sens », comme l’a rappelé auprès de l’AFP la politologue Zakhele Ndlovu.
Dans le camp de l’ancien président, beaucoup considèrent la Cour constitutionnelle comme partisane. C’est elle qui, en 2021, avait condamné M. Zuma après son refus systématique de témoigner devant une commission examinant la corruption à grande échelle sous sa présidence (2009-2018).
Ben Winks, avocat constitutionnaliste interrogé par l’AFP, rappelle que « les termes de la Constitution ne mentionnent pas la durée de la peine purgée ».
M. Zuma n’a passé qu’un peu plus de deux mois derrière les barreaux, bénéficiant d’une libération conditionnelle pour raison de santé, puis d’une remise de peine.
Son nouveau parti, uMkhonto we Sizwe (MK), a créé la surprise en devenant une force politique pivot en seulement quelques mois, certains sondages lui attribuant plus de 8% des intentions de vote.
S’appuyant sur la popularité du charismatique Zuma, il devrait grignoter les voix de l’ANC qui, s’il perdait sa majorité parlementaire, serait contraint de former un gouvernement de coalition pour se maintenir au pouvoir.
Lors de son appel, l’IEC avait assuré n’avoir aucune intention de « s’immiscer dans le jeu politique », cherchant seulement de la « clarté » sur l’interprétation du passage de la Constitution, afin d’assurer des élections « libres et équitables ».
Dans les documents déposés au tribunal, elle explique que si M. Zuma était déclaré inéligible, cela n’affecterait pas la logistique du scrutin. Le nom de M. Zuma figurerait toujours sur les bulletins du MK, ce qui éviterait une réimpression, mais il ne serait pas considéré comme élu à l’issue du scrutin.
Source: Agence France-Presse Aucune étiquette pour cette publication.