Face à la menace russe et au spectre d’un éventuel retour de Donald Trump à la Maison Blanche, les pays européens membres de l’Otan dépensent pour leur défense davantage qu’ils ne l’ont jamais fait dans leur histoire.
Mais leur engagement est fragile, soumis aux aléas électoraux et sans doute insuffisant dans un monde de plus en plus dangereux.
Une éventuelle victoire à la présidentielle de novembre du milliardaire américain, qui a dans le passé qualifié l’Alliance atlantique d’organisation « obsolète », inquiète à Bruxelles et dans de nombreuses capitales européennes.
Donald Trump s’en prend régulièrement aux « mauvais payeurs » en Europe, laissant entendre qu’ils ne bénéficieraient plus de la protection américaine s’ils ne payaient pas leurs factures.
Il n’est pas le premier président américain à dénoncer le manque d’engagement des Européens à leur propre défense. Mais il est de loin le plus « franc et direct » dans ses accusations, comme l’a rappelé le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg dans un entretien avec l’AFP la semaine dernière.
Pour répondre à ces critiques, l’Otan s’est fixée en 2014 un objectif: consacrer au moins 2% de son produit intérieur brut (PIB) aux dépenses militaires. Il y a dix ans, seuls trois pays respectaient ce seuil, ils sont aujourd’hui 23 sur 32.
– « Meilleure position » –
« Nous sommes dans une meilleure position pour démontrer que (…) les Etats-Unis ne portent pas seuls le fardeau » de la dépense, a souligné M. Stoltenberg.
« Même dans les pays réticents à dépenser davantage en matière de défense, il y a maintenant un sens de l’urgence pour augmenter sensiblement les dépenses militaires », a jugé de son côté Ian Lesser, expert de l’Otan auprès du German Marshall Fund, un think tank américain.
« Je pense que, grosso modo, on va avoir dans les prochaines années un niveau de dépenses militaires qui va se rapprocher de celui que l’on connaissait lors de la guerre froide », a-t-il ajouté.
C’est le souhait des pays baltes ou de la Pologne, traditionnellement très méfiants à l’égard de la Russie.
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« En 1988, tous les alliés dépensaient plus de 2%, et en fait certains près de 6%, pour leur défense parce que la menace était réelle, il y avait alors la guerre froide », a rappelé la semaine dernière Kaja Kallas, Première ministre d’Estonie, lors d’une visite au quartier-général de l’Otan.
« Et maintenant nous avons une guerre en Europe, et nous ne dépensons pas assez », a déploré celle qui vient d’être nommée à la tête de la diplomatie européenne.
L’Otan finance l’essentiel de l’effort de guerre de l’Ukraine face à la Russie, soit quelque 40 milliards d’euros par an, mais doit aussi financer ses propres préparatifs en vue d’un éventuel conflit avec Moscou.
L’année dernière lors du sommet de Vilnius, l’Alliance atlantique avait adopté de nouveaux plans de défense pour tenir compte de cette menace russe, brutalement renforcée avec l’invasion de l’Ukraine en février 2022.
Or, « beaucoup de moyens sont sur la table et la facture est énorme », reconnaissait il y a quelques semaines un haut-responsable militaire de l’Otan. Dans ce contexte, les alliés cherchent à muscler leur industrie de défense et le sommet de Washington va réaffirmer cet engagement, selon un diplomate de l’Otan.
Un tel effort de guerre représente des dizaines voire des centaines de milliards d’euros, selon un autre diplomate de l’Alliance.
Et, après des années de coupes budgétaires dans les budgets de défense, il n’est guère facile pour les Etats de rogner sur les dépenses sociales ou d’éducation pour acheter ou produire plus d’armes.
Pour autant, « c’est bien dans cette direction que nous allons: pour mettre en oeuvre les nouveaux plans (de défense), il est clair que 2% (du PIB) ça ne sera pas suffisant », a assuré un diplomate à Bruxelles.
Et un retour éventuel de Donald Trump à la Maison Blanche ne peut qu’accélérer le processus: « Je pense que nous évoluons dans cette direction, quel que soit le résultat des élections américaine, mais si Trump gagne, cela se produira plus tôt », a-t-il résumé.
Source: Agence France-Presse Aucune étiquette pour cette publication.