Justice, éducation, géopolitique… Depuis sa réélection, Donald Trump remet une grande partie des fondements américains en question, mais un pilier demeure face à sa politique commerciale agressive, et semble agir tel un ultime contre-pouvoir: les marchés financiers.
Le vent de panique qui a soufflé sur Wall Street après l’annonce des droits de douane réciproques par M. Trump « a probablement été l’une des forces les plus influentes à ce jour » concernant le récent assouplissement de l’attitude du président américain sur le plan commercial, estime Terrence Guay, professeur de commerce international à l’Université d’Etat de Pennsylvanie, interrogé par l’AFP.
A Wall Street, deux jours après le « Jour de la libération », nom donné par M. Trump au 2 avril, date de l’annonce des surtaxes douanières « réciproques », l’indice élargi S&P 500 (basé sur 500 grandes sociétés cotées à la Bourse de New York) a connu sa pire séance en Bourse depuis la crise du Covid-19 en 2020.
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En deux jours, la place américaine a laissé s’envoler plus de 6.000 milliards de dollars de capitalisation boursière, selon l’indice Dow Jones US Total Stock Market.
Le marché « est un peu comme un sismographe, il réagit à la moindre petite secousse », explique à l’AFP Steven Kyle, professeur d’économie à l’Université de Cornell.
Une semaine plus tard, la Bourse de New York connaissait ainsi une volte-face spectaculaire provoquée par la décision de M. Trump d’observer une pause pour certaines surtaxes douanières, propulsant en hausse les indices vedettes de la place américaine.
– Le marché obligataire: « principal moteur » –
Le 23 avril, Wall Street a de nouveau décollé, soulagée par l’annonce par M. Trump d’une baisse « substantielle » des droits de douane de 145% imposés à la Chine.
« Les marchés ont +puni+ les politiques (de M. Trump) et il a dû se rendre compte, avec ses conseillers, que la guerre commerciale n’était pas facile à gagner », relève auprès de l’AFP Petros Mavroidis, professeur de droit à l’Université de Columbia et ancien membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
« Je suis sûr que (M. Trump) ne veut pas être connu comme le président qui a provoqué un effondrement des marchés boursiers », alors qu’il a souvent utilisé Wall Street comme baromètre du succès de sa politique lors de son premier mandat, avance pour sa part M. Guay.
Mais si « Wall Street a envoyé le signal le plus retentissant, ce n’était pas l’unique signal », qui a pu faire réagir l’administration américaine sur sa politique commerciale, note auprès de l’AFP Art Durnev, professeur émérite de finance à l’Université de Richmond.
Selon cet expert, c’est le marché obligataire qui « a été (…) le principal moteur » derrière les propos plus conciliants de M. Trump.
A l’image d’autres actifs, comme l’or ou le franc suisse, les obligations d’Etat américaines, dont le prix évolue en sens opposé de leur taux, sont traditionnellement prisées des investisseurs en cas de remous sur les marchés ou dans l’économie réelle.
Cela n’a pas été le cas cette fois-ci. Les récentes tensions commerciales ont entraîné une hausse de la prime de risque sur les bons du Trésor américain, un mouvement inattendu qui a incité M. Trump à suspendre sa salve de droits de douane, selon les analystes.
– Pause douanière –
Le président américain l’a d’ailleurs lui-même reconnu lorsqu’il a décidé cette pause. « Je surveillais le marché des obligations », a dit M. Trump, ajoutant avoir constaté que ses surtaxes douanières « effrayaient un peu ».
Les mouvements sur le marché obligataire ont eu « un impact considérable (…) de nombreux investisseurs ont retiré leur argent des États-Unis », souligne M. Guay.
A la guerre commerciale se sont par ailleurs ajoutés des commentaires abrasifs de M. Trump sur Jerome Powell, président de la banque centrale américaine (Fed), remettant ainsi en question l’indépendance de l’institution.
Mais après les remous sur le marché d’actions et le marché obligataire américains, le président Trump a également adopté un ton plus diplomate à l’égard de la Fed et de son patron.
« L’environnement économique américain, la politique commerciale américaine, la pression exercée par le président Trump sur les dirigeants de la Fed (…) font penser aux investisseurs que les États-Unis pourraient ne pas être, sous cette administration, l’environnement (…) stable qu’ils ont été pendant des décennies », conclut M. Guay.
Source : Agence France-Presse