Après avoir torpillé les candidatures de Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, le Rassemblement national (RN) n’a pas opposé son veto à celle de Michel Barnier, nommé jeudi à Matignon et déjà sous pression du parti d’extrême droite qui le « jugera sur pièce ».
Le RN laisse sa chance à Barnier. Le nouveau Premier ministre « semble répondre au moins au premier critère que nous avions réclamé, c’est-à-dire quelqu’un qui soit respectueux des différentes forces politiques », a réagi Marine Le Pen sitôt que l’Elysée a fait connaître son choix.
« C’est un homme qui n’a jamais eu d’outrance dans la façon dont il a parlé du Rassemblement national, qui n’a jamais mis le RN au ban, c’est un homme de discussion », a-t-elle ensuite déclaré à l’AFP.
De plus, la dirigeante du RN apprécie les déclarations passées de Michel Barnier qui, avant la présidentielle de 2022, avait plaidé pour un moratoire sur l’immigration. « Je ne vais pas me plaindre pour une fois de ne pas avoir un immigrationniste dingue » à Matignon, a-t-elle ajouté.
La cheffe des 126 députés du parti à la flamme, qui a promis la censure à tous les autres prétendants au poste, se montre presque conciliante: « Nous ne participerons pas à (son) gouvernement« , mais « nous attendons (son) discours de politique générale ».
Un simple sursis, assorti d’une mise en garde par Jordan Bardella: « Nous jugerons sur pièces » a prévenu le jeune président du RN, insistant « pour que les urgences majeures des Français (…) soient enfin traitées » et menaçant déjà d’user de « tout moyen politique d’action si ce n’était pas le cas dans les prochaines semaines ».
Au cas où le message manquerait de clarté, la députée RN Laure Lavalette a listé les priorités: « instauration de la proportionnelle, mesures d’urgence pour le pouvoir d’achat, lutte contre l’insécurité et l’immigration, redressement des finances publiques (…) le nouveau Premier ministre connaît aujourd’hui nos conditions ».
L’Elysée également, puisque l’entourage d’Emmanuel Macron reconnaît que l’option Barnier a été testée auprès des différentes forces politiques dont le RN, et qu’elle ne rencontrait « pas de censure a priori » à l’Assemblée.
– « Une forme de quitus » –
« Il a demandé notre avis, on lui a donné », a confirmé le député Laurent Jacobelli. « Cartes sur table, on lui a dit +si c’est M. Bertand ce sera censure automatique, si c’est M. Cazeneuve ce sera censure automatique, donc il le savait. Après il avait deux possibilités, tenter le coup ou trouver une personnalité plus neutre, c’est le choix qu’il a fait ».
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Une bienveillance affichée, qui risque de compliquer la tâche de M. Barnier, chargé par le chef de l’Etat de « constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays ». Car la gauche a immédiatement pointé, à l’instar de l’ex-président socialiste François Hollande, que « l’extrême droite a donné une forme de quitus » à cette nomination.
Le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a également déploré de voir « un Premier ministre nommé avec la permission du RN », quand la patronne des Ecologistes Marine Tondelier a accusé M. Macron d’avoir « envoyé valser le front républicain » qui avait empêché le RN de gagner les législatives il y a seulement deux mois.
Résultat: « Le gouvernement est désormais dans les mains des groupes parlementaires d’extrême droite, une première honteuse sous la Ve République » s’est désolée la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga.
Dans le bloc macroniste, nul n’évoque la réalité arithmétique, à savoir la censure annoncée des 193 élus de gauche, qui rend l’abstention du RN indispensable à la survie d’un nouveau gouvernement.
Seul l’ex-macroniste Sacha Houlié, aujourd’hui isolé parmi les députés non-inscrits, s’est inquiété que « cette nomination se justifie par la stabilité d’un gouvernement suspendu à la bienveillance du RN ».
Source: Agence France-Presse Aucune étiquette pour cette publication.
