Faut-il l’appeler Pavel Durov ou Paul du Rove ? Faut-il se référer à ses nationalités française, russe, émiratie ou encore à une autre ? Inculpé à Paris, le PDG de la messagerie Telegram possède deux noms, au moins quatre passeports et de puissantes connexions internationales.
Né en 1984 dans une famille d’universitaires à Léningrad, aujourd’hui Saint-Petersbourg, Pavel Durov a passé son enfance en Italie avant que sa famille ne retourne en Russie à la chute de l’Union soviétique. Il conserve la nationalité russe.
Installé à Dubaï depuis des années, il a obtenu la nationalité de l’île caribéenne Saint-Kitts-et-Nevis, puis des Emirats arabes unis. Avant d’y ajouter, en août 2021, la citoyenneté française.
Tour d’horizon des connexions internationales du milliardaire, inculpé en France pour des infractions organisées par des usagers de Telegram.
Russie
Pavel Durov a quitté la Russie en 2014, alors en délicatesse avec le Kremlin pour avoir refusé de remettre aux services de sécurité russes (FSB, ex-KGB) les données personnelles d’utilisateurs, notamment celles de militants pro-européens ukrainiens, sur un autre réseau social lancé en 2006, VKontakte (VK). VK est devenu depuis le plus utilisé des réseaux en Russie et a été repris par des proches du pouvoir.
Il est alors considéré comme un dissident. Les autorités russes ont par la suite tenté plusieurs fois de bloquer Telegram – en vain.
Son départ n’aurait toutefois pas été un exil brutal : selon le site russophone Vazhnye Istorii, il s’y serait rendu plus de 50 fois entre 2015 et 2021.
Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a averti jeudi que Moscou suivait attentivement ses déboires judiciaires et que les poursuites contre un « citoyen russe » ne devaient pas « se transformer en persécution politique« .
France
L’arrestation samedi du patron de Telegram à son arrivée au Bourget a surpris, même si, selon une source proche du dossier, lui et son frère Nicolaï, également co-fondateur de la messagerie, faisaient l’objet depuis mars de mandats de recherche émis par la justice française dans le cadre d’une enquête préliminaire.
Selon le quotidien Le Monde, Pavel Durov a rencontré le président Emmanuel Macron à plusieurs reprises avant d’acquérir la nationalité française en 2021, via une procédure spéciale réservée à des personnalités pour leur contribution au pays.
Selon le Wall Street Journal, lors d’un de ces déjeuners en 2018, le président Macron – lui-même utilisateur de Telegram – lui aurait suggéré de baser sa messagerie à Paris, ce que ce dernier aurait refusé.
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Et le journal satirique Le Canard Enchaîné écrit que le sulfureux homme d’affaires aurait affirmé lors de son arrestation être à Paris pour dîner avec le président français, ce que l’Elysée a démenti.
Lors de son placement en garde à vue, l’homme d’affaires a demandé à faire prévenir le milliardaire français Xavier Niel, a appris l’AFP de source proche du dossier. L’entourage de Xavier Niel n’avait pas réagi en fin de journée.
Des interrogations demeurent aussi sur le nom français du milliardaire. Selon la transcription française courante, il devrait s’écrire « Pavel Dourov ». Mais l’état-civil français le connaît sous le nom de « Paul du Rove ».
Changement opéré via un décret de mai 2022 visant à franciser son nom, ainsi que celui d’une centaine d’anonymes ayant fait la même démarche.
Emirats arabes unis
Installé à Dubai, où est basé Telegram, M. Durov a salué un pays « formidable » en raison de sa « neutralité » et d’un climat favorable aux affaires.
« Nous sommes d’abord allés à Berlin… Nous avons essayé Londres, Singapour, San Francisco », déclarait-il lors d’une rare interview en avril au journaliste ultra-conservateur américain Tucker Carlson. « Les obstacles bureaucratiques étaient trop difficiles à surmonter ».
Un responsable émirati a assuré à l’AFP être « en contact avec les autorités françaises au sujet de cette affaire et avec les représentants de Pavel Durov ».
Etats-Unis
Rien n’indique que Durov ait jamais cherché à acquérir la nationalité américaine.
Lors de son interview à Tucker Carlson, il avait affirmé avoir voulu installer ses activités à San Francisco. Mais une attaque menée par « trois grands costauds » en 2014 à San Francisco après une recontre avec le patron de Twitter de l’époque, Jack Dorsey, l’en aurait dissuadé.
Suite à cette altercation, « nous avons eu trop d’attention de la part du FBI dès que nous venions aux Etats-Unis », a-t-il déclaré.
Source: Agence France-Presse
