À quelques mois de l’élection présidentielle, la scène politique s’agite. Les alliances se font et se défont. Certains partis se disloquent, d’autres resserrent les rangs. Des cadres claquent la porte et rejoignent d’autres formations. Au cœur de cette effervescence, un terme revient avec insistance celui du mandat impératif. Mais que signifie-t-il exactement ? Et pourquoi soulève-t-il tant de débats ? Trois spécialistes du droit et de la politique nous éclairent.
Me Claude Assira (MRC) : « Le mandat impératif est interdit »
Pour l’avocat, la question ne fait aucun doute : « Lorsqu’une personne est désignée par un parti, elle ne lui appartient plus. » Autrement dit, l’élu ne doit pas exécuter aveuglément les ordres du parti. « Il devient le candidat de la République. Il travaille pour l’intérêt général, pas pour une structure politique », insiste Me Assira.
Selon lui, le mandat impératif ; c’est-à-dire l’obligation pour un élu de suivre les consignes de son parti est donc contraire à l’esprit républicain. « Le parti n’est qu’une plateforme pour accéder à l’élection. Ensuite, l’élu doit rester libre de ses choix. » Concernant le MRC, il est catégorique : « Monsieur Kamto ne peut pas être investi par le parti, car le MRC ne participe pas aux élections. Il ne peut donc pas avoir d’élus. Cela n’empêche pas le président du MRC, à titre personnel, de se faire investir par une autre formation politique. Une fois investi, il devient candidat de la République, guidé uniquement par sa conscience et l’intérêt public.
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Pr. Aboya Manassé (RDPC) : «Le mandat ne se transporte pas dans un sac de voyage »
Le politologue rappelle un principe fondamental : « Une fois élu, un représentant ne peut plus être démis par son parti. Il devient l’élu du peuple. » Le mandat impératif est donc proscrit. Il protège l’élu dans l’exercice de ses fonctions jusqu’à la fin de son mandat.
Il dénonce les confusions fréquentes. « Le mandat ne se transporte pas dans un sac de voyage. Vous ne pouvez pas être élu sous une étiquette, puis changer de camp à votre guise. » Pour lui, la souveraineté nationale ne se transfère pas comme un objet. « Ce n’est pas parce que vous avez été élu par exemple grâce au SDF que vous pouvez aller siéger pour un autre parti. Il n y a pas transférabilité de souveraineté nationale. Sinon, tous les partis auraient un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. »
Me Ntimbane Bomo : « Un député représente la nation, pas un parti »
L’avocat le souligne d’emblée : « Il n’y a pas de députés d’un parti à l’Assemblée nationale. » Parler de députés du RDPC, du SDF ou du PCRN relève, selon lui, d’un abus de langage. « L’élu ne représente ni le parti qui l’a investi, ni la circonscription où il s’est présenté. »
Pour appuyer son propos, il cite l’article 15 de la Constitution : « Chaque député représente l’ensemble de la nation. Tout mandat impératif est nul. » Résultat : un député peut quitter son parti sans perdre son siège. « Le mandat ne dépend pas du parti. » Il en tire une conséquence juridique forte : « La disposition du code électoral qui exige que les candidats à la présidentielle soient issus de partis ayant des élus est invalide. » Pourquoi ? « Aucun parti ne peut, en droit, revendiquer un élu sous le régime du mandat non impératif. »
En clair, l’on retient que le mandat impératif, mal compris et souvent déformé, reste interdit par la Constitution camerounaise. Une fois élu, un représentant devient libre et autonome. Il ne répond qu’à sa conscience et à la nation tout entière.