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Poutine ignore l’EI pour mieux bâillonner les critiques

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Vladimir Poutine ignore la revendication par le groupe Etat islamique (EI) de l’attaque meurtrière près de Moscou, et suggère la manipulation de Kiev derrière l’agissement d'”islamistes radicaux”, une façon d’instrumentaliser l’événement pour notamment museler les critiques, estiment des experts.
Le massacre de vendredi a fait au moins 139 morts dans une salle de concert de la banlieue de la capitale russe, l’attaque la plus meurtrière sur le sol européen jamais revendiquée par l’EI.

Le président russe avait affirmé ce week-end que les auteurs présumés de la tuerie étaient liés à l’Ukraine sans avancer de preuves. Lundi, il a conservé son cap en accusant “des islamistes radicaux”, qui selon lui ont tenté de fuir vers l’Ukraine.

“Les Etats-Unis (…) essayent de convaincre leurs satellites qu’il n’y pas trace de Kiev dans cet acte de terrorisme et que des membres de l’EI ont perpétré ces attaques”, a-t-il ajouté. “Nous savons qui a commis cette atrocité contre la Russie et son peuple. Ce qui nous intéresse, c’est le commanditaire”.

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L’Ukraine, qui combat les troupes russes sur son sol depuis février 2022, a farouchement nié avoir le moindre “lien avec l’incident”.

Et pour Sylvie Bermann, une ancienne ambassadrice de France en Russie, “il y a une instrumentalisation (de l’attentat) parce que l’obsession de Vladimir Poutine, c’est l’Ukraine”.

“Il est dans sa logique de guerre en Ukraine et les Ukrainiens sont responsables de tout”, ajoute-t-elle, sans toutefois s’avancer sur la possibilité que Moscou puisse intensifier le conflit à cette occasion.

Les Etats-Unis ont également rejeté la version du président russe. Ils ont en outre assuré que leurs services de renseignement avaient mis en garde la Russie contre une attaque susceptible de viser de “grands rassemblements” à Moscou.

Le Kremlin avait qualifié cette alerte de tentative de déstabilisation.

“Il y a encore quelques années (…), Vladimir Poutine remerciait publiquement les Américains” d’avoir alerté la Russie d'”un possible attentat de l’EI à Saint-Pétersbourg”, rappelle Sylvie Bermann, notant ainsi “une rupture consommée avec l’Occident”.

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Dimitri Minic, de l’Institut français des relations internationales (IFRI), estime de son côté que le chef de l’Etat russe “reste cohérent avec une ligne traditionnelle chez les élites politico-militaires’, parfois aveuglées par un mode de pensée qui “les poussent à croire que l’Occident se trouve derrière tout événement déstabilisant”.

Il voit dans le récit russe de l’attentat une volonté de “ne pas brouiller la ligne idéologique : +the West vs the Rest+”, l’Occident contre le reste du monde.

 

– “Ne pas diviser la société russe” –

 

En outre, “accuser l’Occident permet de ne pas diviser la société russe, multiconfessionnelle et multiethnique, et de maintenir l’intégrité territoriale de la Fédération”, ajoute ce spécialiste de la Russie.

Par ailleurs, reconnaître que l’attentat a été commis par l’EI ferait tomber “le mythe” d’une Russie sûre et stable “où l’État est omnipotent et les services spéciaux tout-puissants”, poursuit Tatiana Kastouéva-Jean, également de l’IFRI.

Selon elle, il s’agit pour Vladimir Poutine de détourner l’attention “des failles de sécurité” et de rallier “tous ceux qui hésitent encore sur la scène intérieure” quant à la nécessité de combattre les Occidentaux et l’Ukraine.

Bien que la revendication de l’EI ait été clairement exprimée, les experts doutent que l’opinion publique se fissure face à la féroce répression en cours.

“L’attentat peut-il (…) être saisi comme une aubaine pour surfer sur l’angoisse de la population ?”, interrogeait dimanche l’universitaire Anna Colin Lebedev sur le réseau X.

Un attentat terroriste sanglant à Moscou

 

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“Évidemment”, écrivait-elle, estimant que “si le Kremlin veut effectivement lancer une nouvelle phase de mobilisation (pour la guerre en Ukraine) et durcir encore le verrouillage interne, l’attentat crée un contexte très propice”.

D’après Sylvie Bermann, il existe certes “des jeunes éduqués ayant accès aux informations”, notamment aux critiques formulées par l’opposition russe en exil, qui accuse les services de sécurité russes d’être devenus une machine à harceler les citoyens au lieu de contrer les véritables menaces.

En outre, des vidéos montrent que les assaillants présumés ont été torturés, avec la possibilité d’aveux extorqués.

Mais “la grande majorité de la population écoute la propagande” des autorités russes, souligne la diplomate.

“Une partie croira ou se contentera de ce que racontent les médias russes et l’autre aura ses doutes, voire ses convictions, mais ne voudra ou ne pourra rien y faire”, conclut Dimitri Minic.

 

Source: Agence France-Presse

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