Après des mois de “silence assourdissant”, le Conseil de sécurité de l’ONU a enfin exigé lundi un “cessez-le-feu immédiat” à Gaza, un appel bloqué plusieurs fois par les Etats-Unis qui se sont cette fois abstenus, provoquant la colère de leur allié israélien.
“Enfin, le Conseil de sécurité prend ses responsabilités” pour arrêter “ce bain de sang”, a salué l’ambassadeur algérien Amar Bendjama.
Ce “jour historique” doit “être un tournant (…), le signal de la fin de cet assaut d’atrocités contre notre peuple”, a renchéri la voix serrée l’ambassadeur palestinien Riyad Mansour.
De nombreux membres du Conseil, tout comme le porte-parole de l’ONU, ont insisté sur le fait que ce texte fait loi, mais les Américains assurent qu’il n’est “pas contraignant”.
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Les résolutions du Conseil sont de toutes façons souvent ignorées par les pays concernés.
Le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a d’ailleurs déjà assuré qu’Israël ne mettrait pas fin à sa guerre “tant qu’il y a des otages à Gaza”.
Ne pas appliquer cette résolution serait “impardonnable”, a jugé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.
La résolution “reconnaît” l’existence des pourparlers menés par le Qatar, l’Egypte et les Etats-Unis pour une trêve en échange des otages capturés lors de l’attaque sanglante et sans précédent du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien.
Mais l’ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield, a elle insisté sur un lien entre cessez-le-feu et libération des otages, mettant la pression sur le Hamas.
– “Pas de changement de cap” –
“Un cessez-le-feu peut commencer immédiatement après la libération d’un premier otage (…) C’est le seul moyen d’assurer un cessez-le-feu et la libération des otages”, a-t-elle déclaré.
La Maison Blanche a assuré que l’abstention américaine n’était pas un “changement de cap”, et s’est dite “quelque peu surprise” de la réaction d’Israël qui a annulé la visite d’une délégation à Washington.
Vendredi, la Russie et la Chine avaient mis leur veto à un projet de résolution américaine soulignant la “nécessité” d’un “cessez-le-feu immédiat” à Gaza, en lien avec les négociations sur le terrain.
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Certains observateurs y avaient vu une évolution substantielle de la position de Washington, sous pression pour limiter son soutien à Israël alors que l’offensive israélienne a fait plus de 32.000 morts à Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Les Etats-Unis s’étaient en effet jusqu’alors systématiquement opposés au terme “cessez-le-feu”, bloquant trois projets de résolution en ce sens. Mais le texte américain rejeté n’appelait pas explicitement à un cessez-le-feu immédiat.
– Et après le ramadan? –
La résolution adoptée lundi est issue du travail de membres non-permanents du Conseil, qui ont négocié tout le week-end avec les Etats-Unis pour tenter d’éviter un nouvel échec.
La résolution réclame d’autre part la “levée de tous les obstacles” à l’aide humanitaire.
Le Conseil, largement divisé sur le dossier israélo-palestinien depuis des années, n’avait jusqu’alors pu adopter sur cette question depuis le 7 octobre que deux résolutions (sur neuf soumises au vote), essentiellement humanitaires. Sans grand résultat: l’entrée de l’aide à Gaza, assiégée, reste largement insuffisante et la famine plane.
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La nouvelle résolution condamne d’autre part “tous les actes terroristes”, mais sans mentionner les attaques du Hamas du 7 octobre qui ont entraîné la mort d’au moins 1.160 personnes, pour la plupart des civils, selon un décompte de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
Le Conseil et l’Assemblée générale n’ont jamais spécifiquement condamné les attaques du Hamas du 7 octobre, une absence systématiquement fustigée par Israël.
Alors que la résolution adoptée lundi se concentre sur le ramadan, plusieurs pays ont insisté sur la nécessité d’une vision à plus long terme pour permettre notamment de faire taire les armes de façon permanente.
Le Conseil devra “oeuvrer au relèvement et à la stabilisation de Gaza” et “remettre un processus politique sur les rails visant à l’établissement de la solution des deux Etats”, a insisté l’ambassadeur français Nicolas de Rivière, félicitant le Conseil d’être sorti de son “silence assourdissant”.
Source: Agence France-Presse