Après deux ans de discussions ardues, les pays membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) devraient repousser jeudi la date butoir de leurs négociations, dans l’espoir de conclure un accord international visant à mieux préparer le monde à une future pandémie.
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Le neuvième et dernier cycle de négociations s’est ouvert le 18 mars et un texte définitif devait être finalisé jeudi, mais des désaccords persistent.
« Il est certain qu’un accord ne sera pas atteint aujourd’hui, et les négociations seront donc prolongées », a déclaré à l’AFP Yuanqiong Hu, conseillère juridique et politique de Médecins sans frontières (MSF) qui comme d’autres ONG assiste aux négociations au siège de l’OMS à Genève.
« Les États membres sont encore en train de discuter et de se mettre d’accord sur les prochaines étapes », a-t-elle déclaré.
– « la volonté est là » –
Un ambassadeur occidental a estimé encore possible d’obtenir un résultat avant la date limite de mai, tout en soulignant que cela nécessiterait un effort considérable et un changement majeur dans la manière dont les négociations sont gérées.
« La volonté est là, et je dirais même qu’elle est bien plus présente que dans n’importe quel autre processus ces derniers temps. C’est plus du désespoir et de la frustration de ne pas avoir réussi le processus », a déclaré ce diplomate à l’AFP, sous couvert d’anonymat.
Les discussions ont débuté en février 2022, les pays s’étant donné pour objectif d’adopter formellement le texte lors de la prochaine Assemblée mondiale de la santé, qui s’ouvre le 27 mai à Genève.
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Mais après deux années et les traumatismes de la pandémie qui s’estompent déjà, d’importants points de friction subsistent, le projet d’accord restant truffé de formulations provisoires entre crochets, signalant les alternatives possibles.
Les discussions sont d’autant plus difficiles que les membres de l’OMS ont pour habitude de conclure des accords par consensus, en trouvant des terrains d’entente, une procédure qui prend habituellement de nombreuses années.
L’espoir de trouver un accord n’est toutefois pas complètement mort, et les pays doivent décider s’ils s’accordent des jours supplémentaires de négociations, du 29 avril au 10 mai.
« Ils ont proposé 10 jours supplémentaires de négociation sur la base d’un nouveau projet », a déclaré à l’AFP K. M. Gopakumar, chercheur principal au Third World Network, qui assiste aux discussions.
– « Sauver la face » –
Selon lui, le nouveau projet de texte, attendu le 18 avril, devrait être moins complexe pour faciliter un accord. Et il pourrait être complété à l’avenir.
« Il s’agit de (…) sauver la face car ils veulent à tout prix que tout soit terminé d’ici le mois de mai, mais ils savent qu’en réalité, cela n’est pas possible », a observé M. Gopakumar.
« Nous espérons toujours voir un résultat significatif » qui pourrait changer les choses pour la prochaine pandémie », a déclaré Mme Hu, MSF souhaitant voir une protection ferme pour les travailleurs de la santé incluse dans un éventuel accord.
Les principaux sujets encore en discussion sont notamment l’accès aux agents pathogènes émergents, une meilleure prévention et une meilleure surveillance des épidémies, un financement fiable et le transfert de technologie vers les pays les plus pauvres.
Les pays européens veulent que davantage d’argent soit investi dans la prévention, tandis que les pays africains -laissés au bord de la route pendant le Covid – veulent le savoir-faire et les financements mais aussi un accès adéquat aux tests, aux vaccins et autres traitements.
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Les Etats-Unis, eux, veulent une garantie de transparence et un partage rapide de données sur toute irruption d’une maladie inconnue.
Le nationalisme et l’égoïsme vaccinal, le manque d’équipements de protection, l’exposition et l’épuisement des professionnels de santé et les dons de stocks de sérums quasi périmés par les pays riches aux pays pauvres, sous couvert de solidarité, ne sont que quelques-uns des nombreux dysfonctionnements révélés par la dernière pandémie.
De l’avis des spécialistes, la Chine a également trop tardé en décembre 2019 à partager les informations sur le Covid-19 et très vite il a été trop tard.
Sans accord, « nous assisterons aux mêmes inégalités, au même manque de coordination, aux mêmes pertes évitables de vies et de moyens de subsistance, et aux mêmes bouleversements sociaux, économiques et politiques que ceux observés avec le Covid-19 », a encore prévenu cette semaine le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.