Controverse sur la consommation de viande. La viande ne doit pas être au cœur de notre alimentation : une vaste coalition de scientifiques l’avait affirmé à la fin des années 2010, déclenchant une vive controverse. Les industriels ont réagi avec colère, dénonçant des recommandations jugées extrêmes. Aujourd’hui, les chercheurs réitèrent leur position, cette fois en s’appuyant sur des données encore plus solides. Le débat reste vif, entre impératifs de santé publique et intérêts économiques.
« La consommation de viande rouge est associée à un risque plus élevé de mortalité dans les pays où elle est élevée depuis plusieurs décennies », met en avant cette vaste synthèse, publiée vendredi dans la revue Lancet par une petite centaine d’experts en nutrition, environnement ou santé publique.
Leur travail dépasse, de loin, la seule question de la viande. Il vise à donner des pistes pour que l’ensemble de la population mondiale bénéficie d’une alimentation saine sans pour autant nuire à l’environnement.
Ce vaste programme avait déjà donné lieu à un rapport en 2019. L’attention publique et médiatique s’était alors essentiellement portée sur un régime proposé par les experts et présenté comme le meilleur pour la santé.
Qualifié de « régime de santé planétaire », celui-ci donnait une place minimale à la viande rouge : 14 grammes par jour, soit la moitié de la moyenne mondiale et bien moins que la consommation dans les pays développés. Les experts appelaient plutôt à privilégier la consommation de céréales complètes ou de noix et oléagineux.
Même si les auteurs avaient précisé que ces chiffres ne constituaient qu’un cadre général, cette publication avait suscité des réactions très clivées au sein du grand public et dans le monde économique.
– Entre soutien scientifique et opposition industrielle –
À travers le monde, de nombreuses fédérations du secteur agroalimentaire avaient notamment rejeté des préconisations présentées comme caricaturales, dangereuses ou inadaptées aux habitudes locales en matière d’alimentation.
Malgré quelques critiques, la communauté scientifique a globalement bien accueilli ces recommandations. Elle les juge bénéfiques sur le plan sanitaire. Toutefois, certains experts ont souligné un manque de prise en compte des réalités sociales. En particulier, les inégalités dans l’accès à une alimentation saine restent peu abordées.
En 2023, d’autres chercheurs ont publié un bilan dans The Lancet Global Health. Ils concluent que les opinions sur les recommandations de la commission étaient globalement positives. Cette analyse contredit le discours de certains industriels. En effet, ces derniers ont présenté les conclusions comme marginales ou controversées.
En septembre, l’ONG Changing Markets a publié un rapport accablant. Elle accuse plusieurs acteurs de l’agroalimentaire d’avoir organisé une campagne de désinformation en ligne. Leur objectif : discréditer les conclusions de la commission EAT-Lancet sur l’alimentation et la santé.
Pour cela, ils ont mobilisé des influenceurs, des scientifiques liés à l’industrie, et des agences de communication. Cette stratégie, déjà utilisée en 2019, s’est intensifiée à l’approche de la mise à jour de l’étude prévue pour octobre 2025.
– Pas de « révolution » –
C’est dans ce contexte que les chercheurs publient ce vendredi des recommandations actualisées. Ils ont notamment rajouté un vaste volet lié à la « justice sociale », avec des considérations parfois très larges comme un encouragement à veiller à des conditions dignes pour les travailleurs de l’agroalimentaire.
Les auteurs maintiennent leurs recommandations alimentaires. Selon eux, le meilleur régime pour la santé repose avant tout sur des sources végétales. Ils conseillent une consommation modérée d’aliments d’origine animale. En parallèle, ils recommandent de limiter autant que possible les sucres ajoutés, les graisses saturées et le sel.
La consommation moyenne de viande rouge devrait se limiter à 15 grammes quotidiens, jugent-t-ils désormais. Les légumes, fruits et céréales complètes devraient être consommés à hauteur respective de 200, 300 et 210 grammes par jour. Les produits laitiers devraient compter pour 250 grammes, les poissons ou fruits de mer pour 30 grammes, de même que les viandes blanches comme la volaille.
– Des recommandations stables, mais aux effets variables selon les profils –
Les chiffres actuels restent très proches des précédents. Cela s’explique notamment par les fourchettes plus larges proposées par les auteurs. Par exemple, pour les produits laitiers, ils recommandent une consommation idéale allant de zéro à 500 grammes par jour. Autrement dit, l’abstinence totale reste une option acceptable.
Ce n’est pas étonnant que rien n’ait changé », affirme François Mariotti, professeur de nutrition à AgroParisTech, dans un entretien avec l’AFP. En effet, selon lui, « les liens entre alimentation et santé sont restés stables entre 2019 et aujourd’hui. Il n’y a pas eu de révolution dans ce domaine.
Les auteurs reconnaissent plus clairement un point important. Leurs recommandations améliorent la santé à long terme. Cependant, elles peuvent provoquer des carences à court terme. Cela concerne surtout les personnes qui suivent uniquement le bas des fourchettes proposées. En conséquence, ces individus risquent de ne pas couvrir tous leurs besoins nutritionnels.
Source : Agence France-Presse