Le commandant en chef de l’armée libanaise Joseph Aoun, dont le mandat a été prolongé d’un an, est confronté à un défi de taille: après la trêve entre Israël et le Hezbollah, il doit piloter le déploiement des militaires dans le sud.
Le général Aoun est cité comme un candidat possible pour le poste de président de la République, vacant depuis plus de deux ans.
Agé de 60 ans, il dirige depuis mars 2017 une des institutions les plus respectées du Liban, qui a pu rester à l’écart des dissensions confessionnelles et politiques qui déchirent le pays.
Au Liban en pleine tempête, il a su manœuvrer pour surmonter crise après crise ces dernières années. Notamment un effondrement économique qui a frappé de plein fouet la solde de ses 80.000 soldats et l’a obligé à accepter des aides internationales pour préserver son institution.
Le Parlement libanais vient de proroger d’un an son mandat, après une première prolongation fin 2023.
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Car une tâche titanesque attend l’armée, après la trêve décrétée mercredi pour mettre fin aux hostilités entre l’armée israélienne et le Hezbollah.
Désormais au côté des Casques bleus de l’ONU, seuls les militaires pourront être déployés dans le sud du Liban à la frontière avec Israël. Les combattants du Hezbollah devront eux se retirer vers des régions plus au nord et abandonner leurs armes lourdes.
Et si les blindés libanais ont déjà repris position dans le sud, la trêve donne 60 jours au général pour mener à bien sa mission, en parallèle au retrait des soldats israéliens, dans l’espoir d’un cessez-le-feu durable.
Intervenant dans le fief du Hezbollah, qui a promis une « coopération totale », le chef de l’armée devra veiller à préserver le précaire équilibre social et confessionnel du jeu politique libanais: ne pas fâcher le mouvement pro-iranien sans s’attirer les foudres de ses détracteurs.
– « Intégrité » –
Le militaire au verbe laconique, chauve et à la carrure solide, peut compter sur son réseau tissé à travers l’ensemble de la classe politique libanaise, mais aussi ses contacts avec les capitales occidentales, Paris et Washington en tête.
« Il a la réputation d’être un homme intègre », indique à l’AFP le politologue Karim Bitar.
« Au sein de l’armée libanaise, il est perçu comme quelqu’un de dévoué, qui défend l’intérêt national, et qui essaye de consolider l’institution, la seule encore épargnée par le confessionnalisme et qui tient encore debout », ajoute-t-il.
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Mohanad Hage Ali, du think-tank Carnegie pour le Moyen-Orient, souligne ses « liens avec les Etats-Unis », l’armée libanaise étant financièrement soutenue par Washington.
« Il a entretenu des relations avec tout le monde, mais il a souvent été critiqué par les médias affiliés au Hezbollah » justement pour cette connexion américaine, ajoute-t-il.
Outre l’allié américain, l’institution a reçu des aides du Qatar ou de la France.
Une conférence internationale organisée à Paris en octobre a permis de lever 200 millions de dollars pour l’armée, un soutien vital: au plus fort de la crise économique en 2020, l’armée a même dû retirer la viande des repas servis à ses militaires.
– Président? –
Dans un Liban sans président depuis plus de deux ans à cause des dissensions entre le camp du Hezbollah et ses adversaires, les médias mettent en avant une possible candidature du général.
Le militaire n’a jamais commenté cette éventualité.
« Tout le monde reconnaît son bilan sans faute à la tête de l’armée », indique à l’AFP un diplomate occidental. « Mais peut-il se muer en politicien? C’est la question. »
A l’aise en français et en anglais, il est père de deux enfants. Le général Aoun est issu de la communauté chrétienne maronite, à laquelle la présidence est réservée, en vertu du partage confessionnel du pouvoir qui accorde aux musulmans sunnites le poste de Premier ministre et aux musulmans chiites celui de président du Parlement.
« Même parmi ceux qui le respectent, nombreux sont ceux qui sont contre son élection à la présidence, essentiellement parce qu’il vient de l’armée », souligne M. Bitar.
Car certains ex-présidents au profil similaire ont laissé aux Libanais « un arrière-goût amer », ajoute-t-il. Sans compter que cela pourrait entériner l’idée que le chef de l’armée peut « systématiquement devenir président ».
M. Hage Ali reconnaît lui aussi qu’une candidature Aoun ne suscite pas l' »enthousiasme » des barons de la politique libanaise, « même ceux opposés au Hezbollah ».
S’ils portent le même nom de famille, le général n’a aucun lien de parenté toutefois avec l’ancien président Michel Aoun, lui aussi un ancien commandant des forces armées libanaises.
Source: Agence France-Presse