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Dr Jean Marie Biada « Près de 600 000 personnes consomment au quotidien le manioc … »

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Trans Afrique

 C’est un homme à multiple casquettes, Economiste établi. C’est un Expert en accompagnement des entreprises, en diagnostic et mise à niveau des entreprises certifiées à l’international par l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel, (Onudi), la CELU-7, Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement. Il a accepté de répondre à nos questions pour parler du manioc et son apport dans l’économie camerounaise. 

Que peut apporter le manioc à l’économie camerounaise ?

Commençons par dire que le manioc, c’est une plante tubéreuse qui pousse de manière préférentielle des sols limoneux sableux, c’est-à-dire constitués de limon et de sable, ou alors des sols argileux sableux, constitués cette fois-là d’argile et de sable. Pour

Faire plus simple, généralement, les sols où le manioc peut facilement pousser, c’est les sols perméables, bien drainés, profonds et riches en matière organique. Et bien entendu, la forme de ces sols légalement, ça doit être des sols plats ou alors des sols qui sont placés sur une légère pente. Voilà donc les conditions minimales agroécologiques de la culture dans des conditions économiquement rentables du manioc.

Alors, qu’est-ce que le manioc peut apporter au Cameroun ?

Le manioc peut apporter beaucoup à l’économie camerounaise. À commencer par un rôle primaire, celui de l’alimentation. Donc vous ne connaissez pas un coin ici au Cameroun, on ne mange pas le manioc. Donc, premièrement, le manioc est un élément majeur en matière d’alimentation pour certaines localités, même quand vous allez dans le Sud. Le grand Sud, c’est le manioc et le plantain, c’est-à-dire la banane plantain. Manioc et banane plantain. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle le projet de l’UTIM, l’Unité de traitement industriel du manioc, qui a été remplacé par Sotramac, Société de Transformation du Manioc , n’a pas prospéré, motif frileux, qu’on allait déjà dans une localité mettre en concurrence des populations locales, près de 600 000 personnes qui consomment au quotidien le manioc, avec une industrie qui avait besoin du double de la consommation des populations locales. Donc ça ne pouvait pas prospérer.

Il fallait d’abord créer une entreprise industrielle ou semi-industrielle de production de manioc avant de mettre sur pied maintenant une usine qui sera là prioritairement pour transformer ce manioc en ces dérivés. Et restons donc justement sur les dérivés du manioc, ce qui est également un gros apport pour l’économie camerounaise. Les dérivés du manioc, je vais les segmenter. L’usage, c’est-à-dire le manioc selon un usage domestique et le manioc selon un usage industriel. Selon l’usage domestique, c’est-à-dire nous sommes là au niveau des ménages,

Les dérivés du manioc, nous sommes en Côte d’Ivoire, c’est la Tchéqué, c’est le foutou, c’est le gari, c’est le Thore, c’est le ragout, c’est le tapioca, c’est le Plafcali, ce sont les bâtons de manioc, c’est l’amidon, pour prendre le cas du Cameroun, c’est la liqueur, je n’oublie pas le Mintumba pour rester également au Cameroun. Donc je viens de citer à peu près 11 dérivés du manioc au niveau domestique.

Au niveau des ménages, pour ce qui est du niveau industriel maintenant, on peut également à partir du manioc tirer des matières premières, des facteurs de production industrielle tels que l’amidon, la farine, ensuite le pain, ensuite les granulés. Je n’oublie pas la colle pour ceux qui sont dans l’industrie qui fabrique du papier.

Je n’oublie pas l’après-textile, je n’oublie pas le bioéthanol, c’est-à-dire le jour où nous aurons la possibilité de cultiver grandement le manioc, on pourra envisager la transformation d’une partie de ce manioc en bioéthanol, généralement utilisé à titre de biocarburant dans les moteurs à essence dans des pays développés, je crois c’est le cas du Brésil.

En 2006, on avait recensé 27 dérivés du manioc. Et la vingtaine de dérivés que je viens de vous indiquer tout à l’heure, ce sont uniquement les dérivés du manioc cylindre, c’est-à-dire le tubercule.

Si on laisse le tubercule de côté, on a également des feuilles. Et j’ajoute encore là un autre apport du manioc à l’économie camerounaise, c’est-à-dire en dehors de l’alimentation, ça rapporte de l’argent, ça rapporte le revenu aux petits paysans, ça rapporte de l’argent au monde paysan.

Donc, le manioc se vend de la racine jusqu’au tubercule en passant maintenant par la tige. Parce que la tige du manioc, vous savez très bien que pour la régénération du manioc, je parle en termes simples, pour cultiver à nouveau le manioc, on procède seulement par bouturage. Donc, on prend la bouture, qu’on remet en terre. Rien d’autre. Donc, c’est la semence. Vous avez les feuilles qu’on va manger. Vous avez les racines qu’on mange également ou qu’on utilise au niveau domestique, c’est-à-dire au niveau du ménage et au niveau industriel.

Yvette Valérie Doume ep Banlog : « Il y a plus de 25 façons de manger le manioc, rien qu’au Cameroun ».

Peut-on envisager aujourd’hui prendre le manioc comme un produit de substitution pour challenger le blé à la pâtisserie ?

Non, à date, on ne peut pas envisager prendre le manioc comme un produit de substitution pour challenger le blé dans la pâtisserie.

Pourquoi ?

Le Cameroun importe, en 2022, 900 000 tonnes de blé et l’année dernière, on est monté à 980 000 tonnes de blé importées à l’année pour près de 150 milliards Fcfa.  J’ai eu la chance de diriger une entreprise qui était chargée de prélever ses agrégats depuis les ports qui arrivaient au port de Douala, depuis les navires qui arrivaient au port de Douala, pour aller déposer ça dans les minoteries qui se trouvent pour l’essentiel du côté de Békoko et de Bonabéri.  La majeure partie des industries du secteur de la minoterie se trouve soit dans l’enceinte portuaire, sur le cadre de la société des Grands Moulins du Cameroun, qui appartenait à Villegrain et ça a été racheté par le président Tawamba, qui a foncé également au Congo pour racheter une autre minoterie qui était dans le portefeuille de Villegrain, ça s’appelle la société des grands moulins du Phare.

Nous sommes au Congo.  Quand je suis dans le secteur de la minoterie, donc ce blé est importé en très grande quantité et le manioc qu’on produit ici, premièrement, est destiné d’abord à l’alimentation et accessoirement à une deuxième ou une troisième transformation.

Or, songez remplacer directement ce manioc-là, je vais dire le blé, 900 000 tonnes de blé importées à l’année, par le manioc, je n’y crois pas trop, parce que premièrement, les espaces cultivés sont très faibles, très limités, deuxièmement, le manioc rentre directement dans l’alimentation quotidienne de ces populations, troisièmement, il y a déjà un circuit de distribution des dérivés du manioc qui est fortement implanté entre certaines grandes villes et certains petits villages.

Je prends le cas de Douala, vous passerez quand du côté de Bomono, sans voire en bordure de la route des Miondo, attachées et déposées là-bas, vous passerez quand dans le grand Sud à certains endroits, sans voire, le Bobolo mis de ce côté-là, vous passerez quand du côté du poste de péage de Mbakomo sans voir, les gens disent bâton, bâton, bâton. Les bâtons sont là, c’est leur vie, c’est ontologiquement lié à leur vie dans ce point-là, ce qui fait donc que c’est inimaginable à date, sans qu’on ait développé de nouvelles plantations industrielles de cultures tuberculeuses comme le manioc, c’est impensable qu’on puisse dire désormais qu’on cesse d’importer le blé pour le remplacer par le manioc, non, les quantités seront premièrement insuffisantes et puis deuxièmement, les lignes de production industrielles qu’on a ici ne sont pas ambivalentes,  nous n’avons que des lignes de production uniformes. Non, on ne peut pas envisager aujourd’hui prendre le manioc comme un produit de substitution pour challenger le blé à la pâtisserie.

Dans une moindre mesure, on pourrait faire ce qu’on appelle, le blending qui va être une sorte de mélange, on va dire 95% de farine de blé avec 5% de farine de manioc,  voilà ce qu’on pourrait peut-être envisager, mais dans l’immédiat parler d’une substitution à hauteur de 100%, c’est non envisageable et c’est même suicidaire d’abord pour les  industriels qui vont refuser parce qu’il va falloir faire un nouvel investissement et deuxièmement c’est suicidaire également pour les populations des bassins agricoles dédiées à la culture et au développement de ce manioc-là parce qu’on mange le manioc avant d’aller au champ, on a fini de cultiver le manioc pour rentrer, on coupe les feuilles de ce manioc, on rentre, on prépare à la maison et puis ça mélange de tout.

Tout tourne autour du manioc dans ces bassins, on cultive les maniocs, même très loin des bassins on ne cultive pas le manioc parce que les produits dérivés du manioc arrivent. On ne cultive pas le manioc sur les rails, mais quand vous roulez là on entend crier les Minitumba. Ce sont les produits dérivés du manioc qui arrivent là-bas. Quand vous arrivez à un poste de péage, on dit bâton pourtant on ne cultive pas le manioc sur l’axe lourd, on ne cultive pas le manioc sur le goudron, sur le bitume, c’est les produits dérivés qui arrivent à ce niveau-là, donc diminuer une quantité de ce manioc pour l’orienter désormais dans la transformation industrielle va être ressenti et douloureusement par les populations à la base et même surtout les populations urbaines, qui parfois n’ont pas le choix que d’attendre que tout revienne de l’arrière-pays.

Douala : Capitale du manioc

Comment procéder pour une grande production ?

 Il faut premièrement, les réserves foncières. Ensuite la prise de conscience, se dire que seul, je ne peux pas cultiver 1 000 hectares, 2 000 hectares ou 5 000 hectares.

Donc, développer en nous des relents de travail en commun, l’esprit de travail d’ensemble, le travail en équipe pour mieux dire les choses.  Donc, si nous allons dans la logique de dire nous pouvons travailler en équipe, nous pouvons mettre nos productions ensemble, c’est déjà un premier atout. Donc, c’est un facteur qu’on ne va pas acheter sur un marché, qu’on n’importe pas.

Donc il faut développer un comportement nouveau en nous, accepter de travailler ensemble, accepter de travailler en équipe. Pour avoir des réserves foncières, les mairies peuvent intervenir, l’État central peut intervenir il l’a déjà fait.  Entre Nanga-Eboko, jusqu’en ville, il y a une zone qui a été aménagée là-bas pour développer des activités agro-industrielles. Chaque fois qu’il faut développer des espaces de 1 000, 2 000, 5 000 hectares, les gens veulent toujours des titres fonciers.  Non, c’est la propriété de l’État.  Vous développez votre activité dessus.  Travaillez, l’État ne va pas vous chasser. Vous pouvez signer même, un bail emphytéotique avec l’État de 30 ans. Les gens ont tendance toujours à venir dire, je veux le titre foncier.  Vous voulez le titre foncier sur 5 000 hectares ?  Sur 20 000 hectares ?  Il y a des pays qui n’ont pas 20 000 hectares de superficie.

En troisième lieu, se rapprocher des laboratoires pour avoir des semences améliorées, des semences ultra productives qui vont nous donner 50, 70, 100 tonnes à l’hectare.

Et non, des variétés villageoises qui nous donnent souvent 7 ou 8 tonnes à l’hectare.  Ce serait perdre du temps.  Si on veut aller à l’échelle industrielle et augmenter les quantités, il faut y aller avec les variétés à très fort rendement.

Quatrième condition, penser également au traitement du verger. Vous ne pouvez pas vouloir faire 100 tonnes.  Vous croyez qu’on peut faire 100 tonnes à l’hectare en faisant comme avant On coupe les boutons, on laisse en place, on vient boire le vin de palme et manger le rat au quartier pendant 8 mois et on va en brousse maintenant déterrer. Non ! Il faut faire le traitement du verger.  Pensez aux adjuvants agricoles que sont les engrais azotés, les engrais potassés ou les engrais potassiques, sans oublier les certains biofertilisants. Nous sommes à l’ère des biofertilisants ou à l’ère des fongicides et autres pesticides qui nous permettront de traiter le verger au point qu’il puisse donner un rendement conséquent

Entretien mené par Alphonse Jènè

 

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