Le procureur a requis vendredi 25 ans de prison ferme contre l’ancien Premier ministre tchadien Succès Masra, au troisième jour de son procès à N’Djamena pour notamment « incitation à la haine et à la révolte » et complicité d’assassinat, selon un correspondant de l’AFP.
« La condamnation à vie étant exclue, nous demandons 25 ans de prison ferme pour Masra et ses co-accusés », a déclaré Bruno Louapambe Mahouli, procureur général près de la cour d’appel de N’Djamena.
Ce procès regroupe deux volets, celui de près de 70 hommes accusés d’avoir participé à un massacre sanglant le 14 mai et celui de Succès Masra, accusé d’y avoir incité.
Le 14 mai, 42 personnes, « majoritairement des femmes et des enfants », avaient été tuées à Mandakao, dans la région du Logone-Occidental (sud-ouest du Tchad), selon la justice tchadienne.
Arrêté le 16 mai, le chef du parti d’opposition Les Transformateurs est jugé pour « incitation à la haine, à la révolte, constitution et complicité de bandes armées, complicité d’assassinat, incendie volontaire et profanation de sépultures ».
Un message audio, présenté comme datant de 2023, est mis en avant par la justice pour incriminer Succès Masra.
Selon une traduction française du message en langue ngambaye, il est dit: « Apprenons-nous les uns et les autres à utiliser une arme à feu. Que ce soit fille ou garçon, que ce soit homme ou femme (…) soyons tous des boucliers protecteurs ».
Entendu pour la première fois jeudi, Succès Masra, vêtu d’une tenue blanche traditionnelle s’est défendu: « vous avez devant vous un homme qui croit en la Justice. Je ne reconnais aucun des faits qui me sont reprochés ».
– « aucune preuve tangible »
Détenu depuis son arrestation, l’opposant avait fait une grève de la faim d’une semaine. Le 19 juin, ses avocats avaient déposé une demande de libération provisoire, qui avait été rejetée.
Les avocats de Succès Masra ont affirmé vendredi qu’aucune preuve tangible n’avait été présentée à la Cour depuis le début du procès mercredi: « nous sommes à la recherche d’un lien qui pourrait relier les accusés à la scène de crime, mais nous sommes restés sur notre soif ».
Economiste formé en France et au Cameroun, M. Masra, 41 ans, avait été nommé Premier ministre cinq mois avant l’élection présidentielle de mai 2024 à laquelle il s’était porté candidat face au président Mahamat Idriss Déby Itno, proclamé vainqueur avec plus de 60% des suffrages.
Depuis 2018 – sous la présidence à l’époque d’Idriss Déby Itno, père de l’actuel chef de l’Etat – M. Masra était la seule figure de l’opposition capable de mobiliser des milliers de partisans dans la capitale lors de manifestations systématiquement réprimées, parfois dans le sang.
Comme d’autres dirigeants d’opposition, il avait été contraint à l’exil quelques jours après une manifestation meurtrière, le 20 octobre 2022, contre la prolongation de deux ans par les militaires au pouvoir d’une transition politique consécutive à la mort en 2021 du président Idriss Déby Itno.
Il était revenu au Tchad fin 2023, après avoir signé un « accord de réconciliation » avec la junte.
Originaire du sud du pays, Succès Masra appartient à l’ethnie ngambaye et bénéficie d’une large popularité auprès des populations du sud à majorité chrétienne et animiste, qui s’estiment souvent marginalisées par le régime de N’Djamena, majoritairement musulman.
Source : Agence France-Presse