Le placement forcé d’enfants métis dans des orphelinats au Congo belge peu avant l’indépendance de 1960 est au coeur d’un procès à Bruxelles, où cinq femmes demandent à la justice belge de qualifier cette pratique de « crime contre l’humanité ».
Déboutées en première instance en 2021, ces cinq femmes métisses aujourd’hui septuagénaires ont saisi la cour d’appel. Le procès qui s’est ouvert lundi matin doit durer deux jours.
Il s’agit de femmes nées entre 1945 et 1950 de la relation d’un homme blanc avec une femme noire dans l’ex-colonie belge, aujourd’hui la République démocratique du Congo.
A l’âge de deux, trois ou quatre ans, elles ont été retirées de force à leur famille maternelle pour être placées dans des institutions religieuses, où elles disent avoir été victimes de mauvais traitements.
Selon leur défense, la pratique relevait de « la politique de ségrégation raciale et de rapts instaurée par l’Etat colonial », et elle a été assortie d' »un vol de l’identité » de ces enfants.
« Les métis étaient écartés car ils mettaient la colonie en danger (…) Leur quête d’identité est encore à ce jour empêchée », a affirmé Michèle Hirsch, une des avocates de Léa, Monique, Noëlle, Simone et Marie-José.
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Celles-ci s’étaient serrées sur un banc au premier rang pour assister aux plaidoiries. Elles étaient entourées d’une dizaine de proches.
Les présumés crimes et violations des droits fondamentaux s’étendent de 1948 à 1961, entre la première entrée dans un orphelinat, et le moment où la dernière d’entre elles en est sortie, un an après l’indépendance.
Le débat en appel va de nouveau porter sur la qualification juridique applicable aux faits, et leur éventuelle prescription, 70 ans après.
En première instance, le tribunal de Bruxelles avait jugé que la requête, « introduite plus de 60 ans après les faits, était tardive », un argument que devraient reprendre les avocats de l’Etat belge.
En décembre 2021, le tribunal avait surtout considéré que le « crime contre l’humanité » n’existait pas à l’époque en droit belge, l’incrimination n’y étant apparue qu’en 1999.
Ce procès a été le premier en Belgique à mettre en lumière le sort réservé aux métis nés dans les anciennes colonies belges (Congo, Rwanda, Burundi), dont le nombre est généralement estimé autour de 15.000. La plupart d’entre eux n’étaient pas reconnus par leur père, et ne devaient se mêler ni aux Blancs, ni aux Africains.
En 2019, le gouvernement belge avait reconnu la « ségrégation ciblée » subie par ces métis des ex-colonies, et déploré des « pertes d’identité » avec la séparation des fratries, y compris au moment des rapatriements en Belgique après l’indépendance du Congo.
Après les plaidoiries, la cour mettra sa décision en délibéré.
Source: Agence France-Presse