À Libreville, le verdict contre l’entourage Bongo résonne comme une rupture historique. Mardi, la cour criminelle a condamné neuf anciens collaborateurs de Sylvia et Noureddin Bongo, piliers du cercle présidentiel déchu. Les peines, de deux à quinze ans de prison, sanctionnent des détournements massifs de fonds publics et marquent un tournant judiciaire.
Ce jugement dépasse la simple répression judiciaire : il marque la chute d’un système longtemps protégé par le pouvoir. La condamnation des proches de la famille Bongo devient ainsi le symbole d’une ère qui s’effondre, révélant au grand jour les fractures d’un régime et la volonté de tourner la page.
Le verdict intervient six jours après. Le tribunal a condamné Sylvia et Noureddin Bongo par contumace à vingt ans de réclusion criminelle. La décision frappe fort. Elle marque un tournant judiciaire. Motif : détournements astronomiques de fonds publics.
« C’est un moment historique pour notre pays », a affirmé mardi Jean Mexant Essa Assoumou, président de la Cour criminelle spécialisée. Il clôturait un procès de huit jours, retransmis en direct à la télévision nationale et suivi par des milliers de Gabonais.
– La Young Team condamnée –
Le tribunal a condamné neuf des dix accusés, membres de la présidence ou proches de Noureddin Bongo, surnommés « la Young Team ». Il a acquitté un seul prévenu.
La Cour a ordonné aux condamnés de rembourser le préjudice moral infligé à l’État. Montant : plusieurs milliards de francs CFA, soit plusieurs millions d’euros.
La plupart des accusés ont été arrêtés lors du coup d’État de 2023, aux côtés de Sylvia et Noureddin Bongo. Le ministère public les poursuit pour détournement de fonds, corruption, concussion, faux et usage de faux, association de malfaiteurs et blanchiment.
Les chefs d’inculpation s’accumulent. Les charges sont lourdes. La justice veut marquer un tournant. La justice veut frapper fort.
Libérés provisoirement après vingt mois de détention, Sylvia et Noureddin Bongo ont quitté le Gabon avec l’aval des autorités. Installés à Londres, ils n’ont pas répondu à la convocation de la justice gabonaise.
Ce départ illustre la fracture entre un pouvoir déchu et une justice qui tente de réaffirmer son autorité. L’absence des principaux protagonistes renforce la dramaturgie.
Le cœur de la dynastie Bongo échappe au jugement, mais reste symboliquement au centre d’une affaire qui marque la fin d’une ère et la quête de réparation nationale.
Le procès, prévu jusqu’au 14 novembre, s’est finalement prolongé. Il s’est achevé mardi matin.
– La fortune cachée d’un pouvoir déchu –
Au cours du procès, plusieurs co‑accusés et témoins ont décrit un système de captation de fonds publics « au profit d’intérêts privés ». Le procureur général Eddy Minang a évalué ces détournements à plusieurs milliards de francs CFA.
À la barre, plusieurs accusés ont révélé avoir prélevé des sommes vertigineuses dans les caisses publiques. Ils les ont ensuite distribuées à titre privé, sous forme de primes. Les aveux tombent comme des preuves.
Selon le ministère public, l’argent du peuple a été détourné. Recyclé. Blanchi. Puis réinvesti dans un luxe hors de portée. Quatorze années de pouvoir, de 2009 à 2023, ont creusé un fossé entre dirigeants et citoyens. Ainsi, la justice dénonce un système verrouillé, nourri par l’exclusion et l’opulence.
Toujours selon l’accusation, les fonds détournés ont été convertis en actifs colossaux : 350 milliards de francs CFA investis dans des champs pétroliers, 195 milliards pour l’acquisition de deux avions Boeing, et 170 milliards consacrés à des biens mobiliers répartis entre le Gabon, le Maroc et Londres.
Ces chiffres ne sont pas de simples montants financiers : ils incarnent la matérialisation d’un système où l’argent public se transformait en empire privé.
Les avions, les champs pétroliers et les propriétés deviennent les symboles visibles d’une prédation institutionnalisée, révélant la manière dont un pouvoir déchu s’était approprié les ressources nationales pour ériger sa propre fortune.
L’accusation chiffre les détournements de Sylvia et Noureddin Bongo à 4,917 milliards de francs CFA. Soit près de 7,5 milliards d’euros.
Source: Agence France-Presse
















