Les résultats de la présidentielle en Côte d’Ivoire étaient attendus dimanche, au lendemain d’un scrutin calme mais sans ferveur. Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, s’avançait sans rival. L’abstention, massive dans plusieurs régions, a confirmé le désintérêt d’une partie de l’électorat. Et dans ce climat sans suspense, la légitimité du vote se mesure autant à la participation qu’au silence.
Samedi, près de 9 millions d’Ivoiriens ont été invités à voter. Le pays, premier producteur mondial de cacao, a voté dans un climat calme. Et pourtant, autour de lui, l’Afrique de l’Ouest vacille : putschs militaires, attaques jihadistes, instabilité chronique. La Côte d’Ivoire, elle, se veut bastion.
La commission électorale doit publier les résultats département par département à partir de dimanche. La Commission électorale prévoit d’annoncer les résultats compilés d’ici lundi.
– Abstention massive au sud –
Le taux de participation officiel n’est pas encore publié. Mais samedi soir, le président de la CEI, Ibrahime Kuibiert Coulibaly, l’a estimé à “environ 50 %”. Et ce chiffre, s’il se confirme, reflète une mobilisation en demi-teinte.
Dans l’ouest et le sud, bastions de l’opposition, les bureaux de vote sont restés vides. Même à Abidjan, cœur électoral du pays, la mobilisation a faibli. Et ce désintérêt frappe là où l’enjeu politique devrait être le plus vif.
Dans le nord, bastion du président Ouattara, les électeurs ont répondu présent. À Bouaké, deuxième ville du pays, la mobilisation a été nette. Et ce contraste avec le sud souligne la fracture électorale.
Dans un pays où la géographie électorale dessine les lignes de fracture politique, Simon Doho, figure du PDCI, tire la sonnette d’alarme. Le nord vote, le sud s’abstient — et cette asymétrie, loin d’être anodine, soulève des doutes profonds.
Le taux de participation, jugé trop optimiste, devient un chiffre contesté. Et derrière les urnes, c’est la légitimité même du pouvoir qui vacille. Car peut-on parler d’un mandat pleinement représentatif quand une moitié du pays se tait, et l’autre vote par réflexe d’alignement ?
Tidjane Thiam n’était pas candidat. Laurent Gbagbo non plus. Tous deux ont été exclus du scrutin et radiés des listes électorales. Thiam pour des questions de nationalité. Gbagbo pour une condamnation pénale. Et leur absence a pesé sur la dynamique électorale.
– Deux morts samedi –
Samedi, une large part des Ivoiriens n’avait aucun candidat. Les figures majeures étaient absentes. Et ce vide a facilité la réélection d’Alassane Ouattara. Sur un score écrasant. Sans véritable concurrence.
Ce scénario rappelle 2020. Alassane Ouattara avait obtenu 94 % des voix. La participation dépassait à peine les 50 %. Et les principaux opposants avaient boycotté le scrutin. Le schéma se répète.
Quatre candidats affrontaient Ouattara samedi. Mais aucun ne disposait d’un grand parti. Ni de moyens financiers solides. Et aucun ne semble capable d’atteindre un second tour. Ouattara a marché sur un terrain balisé.
Le scrutin s’est déroulé dans le calme. Mais des incidents ont été signalés dans 2 % des bureaux de vote. Environ 200 lieux concernés, selon les forces de l’ordre. Et ce chiffre rappelle que la tension n’a jamais totalement disparu.
Des heurts ont éclaté dans le sud et l’ouest. Plusieurs localités ont été touchées. Mais selon le ministre de l’Intérieur, Vagondo Diomandé, ces incidents n’ont eu “aucune incidence majeure” sur le scrutin. Et le processus électoral s’est poursuivi.
– Violences post-électorales –
Une personne burkinabè est morte samedi après-midi à Gadouan. Des affrontements intercommunautaires ont éclaté dans la région. La source sécuritaire contactée par l’AFP confirme le décès. Et la tension locale s’est brutalement matérialisée.
Des affrontements ont blessé 22 personnes, par balle ou arme blanche. L’une d’elles lutte pour sa survie. Les forces de sécurité ont réagi rapidement pour contenir la violence. Le calme est revenu, mais sous haute tension.
À Gregbeu, un adolescent de 13 ans a été tué. Un tir est parti d’un véhicule de transport en commun. La source sécuritaire confirme les faits. Et la violence a frappé sans distinction.
Depuis mi-octobre, six personnes sont mortes. Deux décès ont eu lieu le jour du scrutin. Ces violences sont survenues en marge du processus électoral. Et elles rappellent les tensions persistantes.
– un climat de contrôle et de tension latente –
La Côte d’Ivoire compte une soixantaine d’ethnies. Langues, religions, origines : la diversité est profonde. Une large population étrangère y vit, venue surtout du Sahel. Et cette mosaïque rend chaque tension plus sensible.
Pour de nombreux Ivoiriens, la présidentielle reste une source de tension. Les scrutins de 2010 et 2020 ont laissé des traces : 3 000 morts, puis 85. Et chaque nouvelle élection ravive ces blessures. La peur persiste.
44 000 forces de l’ordre ont été déployées. Le pouvoir a interdit les manifestations d’opposants inéligibles en octobre. Des centaines d’arrestations ont suivi. Motif : troubles à l’ordre public. Et le climat sécuritaire s’est durci.
Le soir du scrutin, Alassane Ouattara est apparu, détendu, au siège de son parti. Sourire affiché, gestes mesurés, il a salué une poignée de militants venus l’acclamer. Quelques dizaines seulement, mais suffisantes pour incarner l’image d’un leader en contrôle.
Cette scène, observée par l’AFP, dit autant que les chiffres : elle traduit une victoire sans surprise, un pouvoir qui s’installe sans effusion. Mais derrière cette mise en scène maîtrisée, une question demeure : que vaut une célébration quand l’adversité est absente ?
Source: Agence France-Presse
















