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« Révoltés »: derrière GenZ 212, de jeunes Marocains unis par la colère contre les inégalités

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L’un a arrêté l’école parce qu’il était trop pauvre, l’autre exige que les corrompus rendent des comptes. Les membres du collectif « GenZ 212 », dont les manifestations secouent le Maroc, viennent d’horizons divers mais sont unis par la colère contre une société profondément inégalitaire.

Depuis fin septembre, le mouvement, fort de plus de 200.000 adhérents sur Discord, organise presque tous les soirs des rassemblements à travers le pays – réunissant à chaque fois quelques dizaines à quelques centaines de personnes – pour réclamer notamment des réformes dans la santé et l’éducation

Attachés à leur anonymat, ses membres, qui ont appelé à intensifier la mobilisation jeudi à la veille du discours annuel du roi Mohammed VI devant le Parlement, expliquent que leur collectif n’a pas de leader et que les décisions ne se prennent qu’après discussion et vote.

Plusieurs d’entre eux ont accepté de raconter à l’AFP ce qui les a poussés à battre le pavé.

– « Déjà morte » –

Aymane, 21 ans, se souvient que sa tante malade s’est vu dire à l’hôpital qu’elle « n’avait rien ». Quand elle a enfin obtenu un rendez-vous pour un scanner, fixé un an plus tard, « elle était déjà morte ».

Son père, partiellement paralysé, a été ballotté d’un hôpital à l’autre. Aucun ne l’a pris en charge. « Nous avons fini par l’emmener dans une clinique privée », raconte l’étudiant en infographie.

« Ça nous a coûté 80 000 dirhams », soit 7 360 euros. « Nous nous sommes endettés », confie-t-il. Pourtant, le salaire minimum ne dépasse pas 300 euros. Le poids financier est écrasant.

Ces expériences l’ont révolté. Le décès de huit femmes enceintes à l’hôpital public d’Agadir a marqué un tournant. Ce drame, survenu après des césariennes, a été la goutte d’eau. Il a déclenché la naissance du mouvement GenZ 212.

– Pas de pharmacie –

Fatima, 23 ans, insiste: l’éducation et la santé sont « des droits et non des privilèges ».

Dans son village à côté de Taroudant (sud-ouest), « nous n’avons ni hôpital ni pharmacie », explique-t-elle.

« Les stades, ça ne nous intéresse pas », tranche une jeune coiffeuse. Son pays construit à toute vitesse pour la CAN 2025 et le Mondial 2030. Mais elle, comme beaucoup, réclame des priorités différentes.

Elle évoque aussi les habitants du Haouz, région secouée par un séisme meurtrier en 2023. Certains n’ont « encore rien eu » comme aide à la reconstruction de leur logement, affirme-t-elle, mais les stades, eux, sont « construits et finis rapidement ».

– « Echec » –

Mohammed, 30 ans, a le regard dissimulé par de larges lunettes noires. Il explique pudiquement avoir « un problème aux yeux ».

Dans les hôpitaux publics, « j’ai été négligé pendant deux ans » et « ma situation est devenue critique », raconte ce chef cuisinier.

Pour payer l’école privée, sa mère a vendu ses bijoux. Mais cela n’a pas suffi. Les frais restaient trop élevés, dit-il.

Version réécrite : Timide en apparence, il a pourtant élevé la voix à Casablanca. Il a réclamé santé, éducation et justice sociale. Selon lui, « tous les Marocains » ont constaté l’échec du gouvernement après quatre ans au pouvoir.

– « Je suis pauvre » –

Pour Abderrahmane, 28 ans, chaque rentrée scolaire pesait lourd. « Nous étions quatre frères. Mon père n’avait pas les moyens », confie-t-il. Le fardeau financier était constant.

« J’ai arrêté ma scolarité parce que je suis pauvre », confie-t-il dans un français hésitant appris tardivement en primaire.

Depuis 2018, il multiplie les emplois précaires, souvent comme serveur, rarement avec contrat.

« Des patrons ont profité de ma situation », dit-il en dénonçant « un système qui exploite les gens ».

– « La majorité l’emporte » –

Pour Younès, 27 ans, « changer de gouvernement ne sert à rien sans reddition des comptes. Les responsables doivent être jugés et rendre l’argent détourné, afin de rompre avec l’impunité ».

Le juriste explique le fonctionnement de GenZ 212: sur Discord, les administrateurs se contentent de modérer, bannissant insultes, propos racistes ou infiltration de bots. « Nos décisions se prennent après discussion et vote sur la plateforme. La majorité l’emporte et nous suivons collectivement ce choix ».

Selon lui, « l’absence de leadership permet d’éviter toute récupération par l’Etat ou les partis ».

« Les autorités ne peuvent pas identifier de figures, négocier avec elles, ni les intimider et les poursuivre », dit-il.

Le mouvement reste prudent face à la monarchie. Selon lui, les jeunes, peu politisés, préfèrent s’adresser directement au roi. Ils contournent les partis et les institutions.

En attendant, tous les regards se tournent vers vendredi. Le roi va-t-il répondre aux revendications ? Où va-t-il, une fois encore, les ignorer ?

Source : Agence France-Presse

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