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Les agriculteurs américains rattrapés par les promesses d’expulsions de Trump

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Après une vie passée dans la campagne californienne, Joe Del Bosque connaît bien le paradoxe de l’Amérique : pour se nourrir, les Etats-Unis dépendent largement d’immigrés sans-papiers, mais ce contingent de travailleurs « essentiels » n’a jamais vraiment été bienvenu.

« Quand ils ont besoin de travailleurs immigrés dans les champs, ils les accueillent, et quand ils n’en ont pas besoin, ils les mettent à la porte », résume cet agriculteur de 75 ans, parmi ses amandiers.

Comme lui, de nombreux fermiers redoutent les promesses de Donald Trump, qui a juré d’expulser des millions de clandestins lors de son retour à la Maison Blanche.

Ce qui est paradoxal, dans des régions rurales qui ont souvent voté en faveur du milliardaire républicain. Près des terres de M. Del Bosque, un agriculteur voisin affiche fièrement un large panneau « Trump 2024 ».

« Actuellement, le pays ne sait pas qu’il a besoin de certains de ces travailleurs », confie M. Del Bosque à l’AFP.

Si le nouveau président tient ses promesses d’expulsions massives, la production alimentaire américaine pourrait être rapidement perturbée et le prix de certains produits pourrait s’envoler, d’après de nombreux économistes.

Sur les 2,4 millions d’employés agricoles que comptent les Etats-Unis, 44% sont sans-papiers, selon une enquête du ministère du Travail.

Dans son exploitation de Firebaugh, en plein centre de la Californie (Ouest), M. Del Bosque croise les doigts pour qu’on ne l’embête pas.

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Donald Trump « a parlé d’expulsions, mais nous ne savons pas ce que cela signifie. S’agit-il de tout le monde? Des criminels? », remarque-t-il.

« Nous espérons en tout cas que cela ne signifie pas qu’il va ordonner des descentes dans nos fermes, car sans nos gars, elles vont s’arrêter. »

– « Dommages irréparables » –

Directeur général de l’association des producteurs laitiers de l’Idaho (Nord-Ouest), Rick Naerebout partage ce diagnostic.

En cas d’expulsions massives, « il suffirait de quelques jours d’interruption sans possibilité de nourrir ou de traire nos vaches pour que l’industrie » laitière de tout le pays « subisse des dommages irréparables », juge-t-il.

L’agriculture américaine « repose en grande partie sur la main d’œuvre sans-papiers », rappelle l’économiste David Ortega.

Beaucoup d’immigrés clandestins « remplissent des fonctions essentielles que de nombreux travailleurs nés aux Etats-Unis ne peuvent pas ou ne veulent pas remplir », comme « les semences ou les récoltes », poursuit ce professeur de l’université du Michigan.

Travailler dans les champs implique souvent de braver des températures supérieures à 40 °C l’été en Californie, ou un mercure négatif l’hiver en Idaho.

« Les Américains ne veulent pas de ces emplois », tranche M. Naerebout, en opposition avec les affirmations largement reprises par Donald Trump, accusant les immigrés de « voler » le travail des nationaux.

L’année dernière, un des exploitants laitiers de son association de l’Idaho a passé une annonce pour embaucher environ « 6.000 travailleurs », raconte-t-il.

« Ils ont reçu moins de 30 candidatures nationales. (…) Seules douze d’entre elles ont donné lieu à un entretien, et seules deux personnes ont été embauchées, mais pas pour la récolte. »

– Postures politiques –

Pendant sa campagne, Donald Trump a ignoré cette réalité.

Il a préféré présenter l’immigration comme responsable d’une vague de criminalité aux Etats-Unis, ce qu’aucune statistique officielle ne montre. Et il a promis d’engager la plus grande opération d’expulsion de l’histoire des Etats-Unis, après son investiture le 20 janvier.

Mais certains agriculteurs, persuadés de leur importance, croient fermement qu’on les laissera tranquilles.

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« Ceux qui sont au pouvoir savent qu’ils ne vont pas organiser un raid sur l’agriculture », sourit Tom Barcellos, un éleveur de vaches de 69 ans.

« C’est la source d’alimentation du peuple américain, et ils ne veulent pas augmenter les coûts plus que nécessaire », avance ce Californien.

En Idaho, M. Naerebout aimerait que l’Amérique sorte des postures politiques sur l’immigration.

« Cela fait 20 ans que nous sommes frustrés, que nous essayons de trouver une voie pour réformer le système au niveau national, et les deux partis (démocrate et républicain) sont responsables » de l’inaction, estime-t-il.

Un constat partagé par M. Del Bosque. L’agriculteur californien embauche environ 200 personnes à chaque moisson, et nombre d’entre eux tentent de se faire régulariser, sans succès.

Si les Américains souhaitent avoir « des fruits et légumes frais » sur leurs tables, « ils doivent comprendre que nous devons disposer d’une main d’œuvre fiable pour assurer la sécurité de l’approvisionnement alimentaire », soupire-t-il.

Source: Agence France-Presse

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