Dans le jardin de la maison blanche sans étage, située au Canada mais installée sur la frontière avec les Etats-Unis, des empreintes fraîches sont visibles sur le manteau de neige lisse et épais.
Pour Keven Rouleau, policier canadien chargé de surveiller la frontière canado-américaine, pas de doute, c’est le signe que des migrants ont traversé par ici, il y a peu.
« Régulièrement, ils traversent la frontière en courant », explique-t-il à l’AFP, qui l’a suivi lors de l’une de ses patrouilles. Même si ces chiffres restent vraiment minimes – 21.00 personnes en 2024 – par rapport aux entrées illégales au sud des Etats-Unis, où 1,5 million de migrants ont été interceptés par les services frontaliers américains la même année.
Ceux qui traversent l’hiver le font dans des conditions hostiles, dans la neige et sous les bourrasques, et abandonnent souvent leur véhicule pour poursuivre la traversée à pied.
Ils sont parfois poursuivis pendant des heures dans la forêt par les policiers équipés d’immenses projecteurs et de porte-voix. Certains « se cachent en dessous des conifères quand la neige est surélevée », raconte Keven Rouleau. Ils peuvent être « peu habillés et marchent avec de simples baskets dans 20 centimètres de neige ».
Depuis le retour de Donald Trump au pouvoir, cette frontière est l’objet de toutes les attentions.
Le président américain a promis d’expulser des millions de personnes vivant illégalement aux États-Unis. Et la Maison Blanche a confirmé vendredi que des droits de douane de 25% seraient imposés à compter de samedi au Canada, car le pays ne fait pas assez pour freiner l’entrée de drogues, en particulier de fentanyl (un opioïde), et de migrants aux Etats-Unis.
– Patrouilles jour et nuit –
La frontière entre les deux pays, la plus longue au monde, représente près de 9.000 kilomètres, avec peu de clôtures, des milliers de kilomètres de champs et de denses forêts traversés seulement par quelques routes de campagne.
Le secteur que patrouille Keven Rouleau s’étend sur une distance de 300 kilomètres dans la province du Québec. Ils sont dix agents à assurer une surveillance 24 heures sur 24 à bord de leur véhicule pour détecter les traces de pas suspectes l’hiver, ou en observant les images des caméras de surveillance installées le long de la frontière. Ils s’appuient aussi sur les appels des habitants appelés à signaler toute présence inhabituelle.
Le Canada veut réduire le nombre de travailleurs étrangers temporaires
Depuis les menaces de Donald Trump, le Canada ne cesse de répéter que cette frontière n’a rien de comparable avec celle au sud des Etats-Unis avec le Mexique.
Malgré tout, le gouvernement de Justin Trudeau s’est empressé d’annoncer un plan de sécurité frontalière de 1,3 milliard de dollars canadiens (900 millions d’euros).
La gendarmerie royale du Canada (GRC) a notamment dévoilé en grande pompe jeudi les deux hélicoptères Black Hawk qui seront utilisés dorénavant pour la surveillance. Ces appareils de manœuvre et d’assaut moyen de l’armée américaine, repeints aux couleurs de la police canadienne, permettront une « rapidité d’intervention » accrue.
Il n’y a pas de « crise » migratoire, a toutefois insisté un porte-parole, et « la situation est absolument sous contrôle en ce moment ».
– « Statu-quo » –
Le nombre de migrants qui traversent du Canada vers les États-Unis a diminué de 90% depuis l’été dernier après une hausse ces dernières années, selon les autorités canadiennes. Quant aux données des services frontaliers américains, elles indiquent que les saisies de fentanyl à la frontière canado-américaine sont minimes: 19 kilogrammes ont été saisis l’année dernière, contre près de 9.600 kilogrammes en provenance du Mexique.
Pour Keven Rouleau, depuis l’élection de Donald Trump, l’inquiétude des habitants est palpable mais son travail reste le même. « C’est le statu-quo », glisse-t-il.
La frontière est calme, confirme Jody Stone, le maire de Stanstead, une petite ville frontalière canadienne du secteur.
Les habitants se sont habitués à la présence des caméras de surveillance installées discrètement en haut des poteaux sur les rues et qui permettent aux policiers de surveiller et retracer les activités illégales.
Toutefois, il craint dans ce contexte, de nouvelles mesures sécuritaires et donc que le climat se durcisse avec davantage de « profilage ethnique ».
Source: Agence France-Presse
















