Croissance et sécurité en Côte d’Ivoire : Quatorze ans après avoir pris les rênes d’un pays fracturé par une décennie de crise politico-militaire, Alassane Ouattara revendique un bilan axé sur la croissance et la sécurité. Routes, ponts, énergie, stabilité : les infrastructures se sont multipliées, le décor institutionnel s’est consolidé. Mais derrière cette vitrine, les fractures sociales et les défis structurels persistent.
Mais derrière les façades modernisées, les inégalités sociales résistent. Le progrès est visible, mais inachevé. Car si l’État s’est reconstruit, la société, elle, reste fragmentée. Et chaque chantier achevé rappelle les chantiers humains laissés en suspens.
Alassane Ouattara vise un quatrième mandat. Il promet stabilité, prospérité et amélioration du quotidien. Il veut consolider ses acquis. Et prolonger son emprise sur l’État.
– Un pays en chantier –
Routes, ponts, électricité, immeubles : les infrastructures parlent. Pour beaucoup d’Ivoiriens, Ouattara a travaillé. Et pourtant, derrière le béton, les inégalités persistent. Le progrès est visible. Mais il n’est pas partagé.
Abidjan change de visage. Près de 7 millions d’habitants. Une croissance continue. Routes bitumées, ponts géants, immeubles surgis. Depuis 2011, le béton s’impose. Et le pouvoir montre ses muscles.
Le reste du pays n’a pas été oublié. En 2011, 33 % des localités étaient électrifiées. Aujourd’hui, plus de 95 %. L’accès à l’eau potable est passé de 50 % à 80 %. Le gouvernement affiche ses chiffres. Mais derrière les pourcentages, les écarts demeurent.
Longtemps délaissée, la région du nord, historiquement favorable à Ouattara, a notamment bénéficié d’investissements importants.
Bouaké en quatre heures. San Pedro en cinq. Deux autoroutes, deux axes stratégiques. Le centre et le sud-ouest sont reliés à Abidjan. Le cacao circule. Le pouvoir aussi. Le bitume trace la carte politique du régime.
– Le défi du développement humain –
Depuis 2012, la croissance frôle les 7 %. La Côte d’Ivoire redevient moteur régional. L’économie avance. Et le pouvoir s’en prévaut. Mais derrière les chiffres, les fractures demeurent.
Croissance à 7 %, infrastructures en hausse. Mais le quotidien ne suit pas. Le salaire minimum reste à 75 000 FCFA. À Abidjan, c’est insuffisant pour vivre. Le progrès ne remplit pas les assiettes.
Le secteur informel domine. Il absorbe près de 90 % des emplois, selon la Banque africaine de développement. L’économie avance, mais sans filet. La précarité reste la norme.
Côté santé, le gouvernement se targue d’avoir construit plus de 1 100 établissements sanitaires, une dizaine d’hôpitaux et mis en place une couverture maladie universelle (CMU). Mais dans la pratique, de nombreux actes ne sont pas encore remboursés.
Espérance de vie : 60 ans pour les hommes, 64 pour les femmes. En hausse, mais toujours derrière le Sénégal et le Cameroun. L’opposition dénonce un retard sanitaire. Le progrès est lent. Et la vie reste courte.
Collèges, lycées, universités : les chiffres explosent. De 3 à 9 universités. Des écoles doublées. Mais 47 % d’analphabètes, selon l’Unesco. L’État construit. Mais ne transmets pas. L’école avance. La lecture, moins.
« Le bilan social est mitigé », résume l’analyste politique Geoffroy Kouao. « Nous avons encore 100 élèves par classe dans des écoles publiques. Les médicaments manquent de façon récurrente dans les centres de santé », regrette-t-il.
– Une stabilité régionale enviée –
Sous Ouattara, la Côte d’Ivoire a été frappée. En 2016, Grand-Bassam : 19 morts, dont des Occidentaux. En 2020 et 2021, Kafolo : 16 soldats tués. Le jihadisme a percé les frontières. La sécurité reste fragile.
Depuis 2021, la Côte d’Ivoire tient bon. Pas d’attaques majeures. Pas de débordements jihadistes. Pourtant, elle borde le Burkina Faso et le Mali, deux foyers de guerre. La menace rôde. La vigilance reste vitale.
La stabilité ne tombe pas du ciel. Elle repose sur des soldats et des emplois. Le nord est ciblé : présence militaire renforcée, jeunesse encadrée. Le régime sécurise. Et investit pour apaiser.
La Côte d’Ivoire reste fidèle à la France. Les juntes du Sahel la ciblent. L’ancienne puissance coloniale est décriée. Le régime ivoirien assume son alignement. Et l’hostilité régionale monte.
– Un héritage politique à construire –
L’après-Ouattara hante déjà les débats. En 2025, la question ne se pose plus : elle s’impose. Après la présidentielle, elle reviendra au centre. Le pouvoir se projette. La succession s’organise.
Ouattara promet une transmission générationnelle. Il brigue un quatrième mandat. Il dit avoir identifié six successeurs. Le pouvoir se prépare à changer de mains. Mais c’est lui qui tient encore la clé.
Passera-t-il la main en cours de mandat ? Le scénario est envisagé.
« Pour parler d’héritage politique il faut des héritiers. Sa candidature à l’élection présidentielle montre bien qu’il n’a pas encore d’héritiers politiques », tempère Geoffroy Kouao.
Source: Agence France-Presse