L’appel du roi à réformer le Maroc s’est concrétisé vendredi par une exhortation au gouvernement d’accélérer les programmes de développement, notamment dans l’éducation et la santé. Bien que les récentes manifestations de jeunes ne soient pas mentionnées, le discours royal semble répondre indirectement à leurs revendications.
Dans un discours très attendu devant le Parlement, Mohammed VI a dit attendre « une plus grande célérité » dans la mise en œuvre de ces projets.
Parmi les priorités doivent figurer « la création d’emplois pour les jeunes » et « la promotion concrète des secteurs de l’éducation et de la santé », a-t-il ajouté.
Ignorant les partis politiques et les organisations syndicales, le collectif GenZ 212, qui organise presque chaque soir depuis le 27 septembre des rassemblements à travers le pays, s’est adressé directement au roi pour lui faire part de ses revendications.
Le mouvement, qui compte plus de 200 000 adhérents sur Discord et rassemble à chaque manifestation entre plusieurs dizaines et des centaines de personnes, réclame des réformes dans les secteurs de la santé et de l’éducation, le limogeage du gouvernement ainsi que la lutte contre la corruption.
Le collectif n’avait pas encore publié de réaction officielle dans la soirée.
– « Déçue » –
Mais Raghd, une ingénieure du son de 23 ans qui a manifesté plusieurs soirs de suite à Rabat, a dit à l’AFP être « déçue » que le souverain n’ait pas fait d’allusion explicite à la mobilisation de GenZ 212.
Le collectif avait appelé à ce qu’aucun rassemblement n’ait lieu vendredi soir « par respect » pour le roi.
« Je pensais qu’il dirait quelque chose de plus fort », a confié Raghd, qui a préféré ne pas donner son nom de famille.
Au contraire, Driss El Yazami, ancien président du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), a estimé que le discours du roi constituait « un appel à la mobilisation générale ».
Mohammed VI « a entendu l’appel de la jeunesse » et a « pointé le manque d’empathie du gouvernement, ainsi que son déficit de communication avec les citoyens », a-t-il affirmé.
Le roi a assuré dans son discours que le Maroc « se frayait un chemin sûr vers une plus grande justice sociale et territoriale », et a appelé à « accorder un intérêt particulier aux régions en situation de très grande précarité, notamment les zones montagneuses et les oasis ».
En juillet dernier, à l’occasion de la Fête du Trône, Mohammed VI avait affirmé qu’il n’y avait pas « de place, ni aujourd’hui ni demain, pour un Maroc avançant à deux vitesses ».
Ce sont justement ces disparités que les jeunes manifestants dénoncent, dans un pays où les inégalités sociales demeurent un défi majeur.
– Moins de stades –
Plusieurs d’entre eux ont dit à l’AFP ou scandé lors de rassemblements qu’ils voulaient voir moins de stades et plus d’hôpitaux, au moment où le Maroc investit massivement en prévision de la Coupe d’Afrique des Nations fin 2025 et du Mondial 2030.
« Il ne devrait y avoir ni antinomie ni rivalité entre les grands projets nationaux et les programmes sociaux, tant que le but recherché est de développer le pays et d’améliorer les conditions de vie des citoyens », a déclaré Mohammed VI vendredi.
La mobilisation du collectif GenZ 212, dont les fondateurs sont anonymes, est née de l’indignation qui a suivi mi-septembre le décès à l’hôpital public d’Agadir (sud) de huit femmes enceintes admises pour des césariennes.
D’après le sociologue Mehdi Alioua, GenZ 212 « s’inscrit dans une longue histoire de mobilisations sociales portées par la jeunesse marocaine », à l’image du mouvement du 20 février 2011, lorsque des Marocains réclamaient davantage de démocratie, ou encore du Hirak, qui a secoué la région du Rif (nord-est) en 2016-2017.
Soixante personnalités marocaines ont apporté leur soutien à GenZ 212 et exhorté Mohammed VI à répondre à la contestation en engageant des réformes « en profondeur ».
Jeudi, le gouvernement a réitéré son appel au dialogue avec GenZ 212, affirmant travailler « pour mobiliser les ressources et identifier les déficits à combler ».
Si la croissance nationale moyenne s’est établie à 3,7 % en 2023, sept régions sur douze ont enregistré un taux inférieur à cette moyenne, selon les dernières données officielles.
Source: Agence France-Presse