Dimanche, une unité mutinée à Madagascar a nommé Andry Rajoelina chef d’état-major. Elle dénonce une « tentative de prise de pouvoir illégale ».
Dimanche, des soldats du CAPSAT ont rejoint la foule à Antananarivo. Cette fois, il s’agissait d’une cérémonie en hommage aux victimes des manifestations entamées le 25 septembre.
Samedi, le CAPSAT a exhorté les forces de sécurité à « refuser de tirer » sur les manifestants. Ce corps militaire, clé du coup d’État de 2009, avait déjà propulsé Andry Rajoelina au pouvoir.
Les soldats ont ensuite pénétré dans le centre d’Antananarivo. La foule, par milliers, les a accueillis avec ferveur.
– Le CAPSAT prend les commandes –
Tôt dimanche, les officiers du CAPSAT ont diffusé une nouvelle vidéo. Ils affirment : « Tous les ordres militaires, terre, air, mer, partiront désormais de notre quartier général. »
Quelques heures plus tard, le général Démosthène Pikulas a pris ses fonctions de chef d’état-major. La cérémonie, tenue au QG de l’armée, s’est déroulée en présence du ministre des Forces armées, Manantsoa Deramasinjaka Rakotoarivelo.
« Je lui donne ma bénédiction », a lancé à l’adresse de M. Pikulas le ministre, nommé la semaine dernière par le président.
Après la cérémonie, le général Pikulas a reconnu devant la presse : les derniers événements à Madagascar sont « imprévisibles ».
« L’armée a donc la responsabilité de rétablir le calme et la paix à travers Madagascar », a-t-il ajouté.
Interrogé sur les appels à la démission du président, le général Pikulas a éludé. Il a déclaré : « Pas de politique dans une installation militaire. »
Plus tôt, Andry Rajoelina a dénoncé « une tentative illégale de prise de pouvoir par la force ». Il affirme : « Seul le dialogue peut résoudre la crise. »
Dimanche, le colonel Michael Randrianirina a défendu la position du CAPSAT. Selon lui, leur ralliement aux manifestants ne relève pas d’un coup d’État.
« Nous avons répondu aux appels du peuple, mais ce n’était pas un coup d’État », a-t-il dit à des journalistes.
– « On vaincra » –
La contestation, lancée initialement par le mouvement Gen Z pour protester contre les coupures d’eau et d’électricité, s’est muée en une remise en cause des responsables politiques au pouvoir, à commencer par Andry Rajoelina, 51 ans.
Au moins 22 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations et plus d’une centaine blessées, d’après un bilan des Nations Unies.
Le président a démenti des « nombres erronés », évoquant 12 morts, tous « des pilleurs, des casseurs », selon lui.
Une grande foule s’est rassemblée dimanche pour prier devant l’hôtel de ville d’Antananarivo en mémoire des victimes des violences, parmi lesquelles figure un soldat du CAPSAT tué samedi par des gendarmes.
« On vaincra, car le mal ne vaincra pas à Madagascar », a déclaré Michael Randrianirina lors des prières.
Les officiers ont été rejoints sur scène lors de la commémoration par plusieurs personnalités de l’opposition, dont l’ancien président Marc Ravalomanana, renversé en 2009.
– « Fautes et excès » –
Des officiers de la gendarmerie, accusés de violences contre les manifestants, ont publié dans la matinée une déclaration vidéo reconnaissant « des fautes et des excès lors de nos interventions », appelant à la « fraternité » entre l’armée et les gendarmes.
« Nous sommes là pour protéger, pas pour terroriser », ont-ils assuré.
Pour tenter d’apaiser la colère, le président avait limogé tout son gouvernement le mois dernier.
Répondant à une revendication des manifestants, le Sénat a annoncé dimanche la destitution de son président, Richard Ravalomanana, ancien général de gendarmerie.
Sur fond de rumeurs d’une fuite à l’étranger d’Andry Rajoelina, la présidence avait assuré samedi soir que le président « reste dans le pays » et « continue de gérer les affaires nationales », le nouveau Premier ministre, le général Ruphin Zafisambo, affirmant dans la foulée que le gouvernement « se maintient fermement ».
L’île Maurice, voisine de Madagascar, a confirmé que l’ex-Premier ministre malgache Christian Ntsay (2018-2025) et l’homme d’affaires Maminiaina Ravatomanga, un proche conseiller du président Rajoelina, étaient arrivés dimanche matin de Madagascar par un vol privé.
Air France a suspendu ses vols vers Madagascar au moins jusqu’à mardi.
L’Union africaine a exhorté « toutes les parties prenantes malgaches, civiles et militaires, à faire preuve de calme et de retenue ». L’Afrique du Sud voisine a également appelé « à respecter le processus démocratique et l’ordre constitutionnel ».
Pays parmi les plus pauvres du monde, Madagascar, miné par la corruption, a connu de fréquents soulèvements populaires depuis son indépendance de la France en 1960.
Bien que l’île soit riche en ressources naturelles, près de trois quarts de ses 32 millions d’habitants vivaient sous le seuil de pauvreté en 2022, selon la Banque mondiale.
Source: Agence France-Presse