Le prix Nobel de médecine 2025 a été décerné lundi à un trio américano-japonais pour leurs travaux sur la façon dont le corps contrôle le système immunitaire, en particulier l’identification des « gardiens du système immunitaire ».
La chercheuse américaine Mary E. Brunkow, 14e femme lauréate du Nobel de médecine, et les chercheurs américain Fred Ramsdell et japonais Shimon Sakaguchi sont récompensés pour leurs « découvertes concernant la tolérance immunitaire périphérique », a annoncé le comité Nobel.
Les travaux distingués « portent sur la manière dont nous contrôlons notre système immunitaire afin de pouvoir lutter contre tous les microbes imaginables tout en évitant les maladies auto-immunes », a expliqué Marie Wahren-Herlenius, professeure à l’institut Karolina.
« Le puissant système immunitaire de l’organisme doit être régulé, sinon il risque d’attaquer nos propres organes », souligne le comité Nobel.
Les lauréats ont ainsi « identifié les gardiens du système immunitaire, les cellules T régulatrices, qui empêchent les cellules immunitaires d’attaquer notre propre corps », ajoute-t-il.
En pratique, les lauréats ont ouvert « un nouveau domaine de recherche et mené au développement de nouveaux traitements, par exemple pour le cancer et les maladies auto-immunes ».
Leurs découvertes pourraient également prévenir les complications graves après les greffes de cellules souches, selon le jury.
– Lymphocytes T régulateurs –
Shimon Sakaguchi, 74 ans et chercheur en immunologie à l’université d’Osaka, a réalisé la première avancée dans ce domaine en 1995.
À l’époque, les chercheurs misaient sur une seule voie. Ils pensaient que la tolérance immunitaire dépendait exclusivement du tri effectué dans le thymus. Ce processus, appelé « tolérance centrale », éliminait les cellules jugées dangereuses.
Le chercheur japonais a révélé une complexité insoupçonnée du système immunitaire. Il a identifié une classe de cellules jusque-là inconnue. Ces cellules protègent l’organisme contre les maladies auto-immunes, souligne le jury.
Depuis le Japon, Shimon Sakaguchi exprime un espoir clair. Ce prix, selon lui, doit pousser la recherche vers l’application clinique. L’objectif : transformer les découvertes en traitements utiles aux patients.
En 2001, Mary E. Brunkow et Fred Ramsdell font une avancée décisive. Ils démontrent qu’un type spécifique de souris développe facilement des maladies auto-immunes. Le lien entre génétique et dérèglement immunitaire se précise.
« Ils ont découvert que ces souris possédaient une mutation dans un gène qu’ils ont nommé Foxp3 », selon le jury. Ils ont également mis en évidence le fait que des mutations dans l’équivalent humain de ce gène provoquent une grave maladie auto-immune, appelée IPEX.
Deux ans plus tard, Shimon Sakaguchi franchit une étape décisive. Il relie ses travaux à ceux de Brunkow et Ramsdell. Il démontre que le gène Foxp3 contrôle le développement des cellules qu’il avait repérées dès 1995.
– Les gardiens de l’équilibre immunitaire –
Les lymphocytes T régulateurs jouent un rôle clé. Ils surveillent les autres cellules immunitaires. Et surtout, ils empêchent le système immunitaire d’attaquer nos propres tissus.
« Ma carrière scientifique a beaucoup changé depuis ces travaux, je ne travaille même plus dans ce domaine particulier. C’est donc un honneur d’avoir pu y participer », a réagi Mary E. Brunkow auprès de la fondation Nobel, soulignant qu’il était nécessaire que « plusieurs cerveaux différents travaillent ensemble » sur ce sujet pour le faire avancer.
La chercheuse mène ses travaux à l’Institute for Systems Biology, à Seattle. Cet institut indépendant se consacre à la recherche fondamentale. Fred Ramsdell, lui, officie chez Sonoma Biotherapeutics, à San Francisco, une société spécialisée en biotechnologie.
Mme Brunkow est seulement la quatorzième femme lauréate du Nobel de médecine, sur 232 personnes depuis 1901.
Les recherches avancent, mais restent embryonnaires. Aucune thérapie concrète n’en est encore sortie. Jonathan Fisher, immunologue à l’University College London, l’a confirmé à l’AFP.
Comprendre le système immunitaire ou le manipuler en laboratoire, c’est une chose. Créer un médicament efficace, constant et sûr pour l’humain, c’en est une autre. Le fossé entre les deux reste immense, rappelle-t-il.
– Recherche américaine fragilisée –
Les chercheurs américains brillent une fois de plus. Mais les coupes budgétaires imposées par Donald Trump ravivent les inquiétudes. À moyen terme, la recherche américaine pourrait en sortir affaiblie.
Thomas Perlmann, secrétaire général du comité Nobel de médecine, l’a affirmé sans détour :« L’incertitude grandit. Les États-Unis hésitent à maintenir leur rôle de leader en recherche. » Ce constat, livré à l’AFP avant la remise du prix, souligne une inquiétude croissante dans le monde scientifique.
Le Nobel récompense par trois éléments : un diplôme, une médaille d’or et un chèque de 11 millions de couronnes suédoises. En somme, près d’un million d’euros.
Source : Agence France-Presse
















