Ouattara président contesté, vise un quatrième mandat. À 83 ans, l’économiste devenu chef d’État reste le favori d’un scrutin verrouillé. Président depuis 2011, il joue la carte de la continuité ce samedi. Mais derrière l’apparente stabilité, la contestation gronde. Ses détracteurs dénoncent une confiscation du pouvoir, une démocratie à sens unique, un président qui choisit ses adversaires.
Gbagbo et Thiam sont hors course. La justice a tranché. Ouattara avance, sans rivaux majeurs. Il vise une victoire dès le premier tour. Le jeu semble verrouillé.
Il a entretenu le flou. Puis il s’est lancé fin juillet. Motif invoqué : le devoir. Il assure que sa santé tient. La bataille est engagée.
Il veut prouver qu’il tient encore. Il a sillonné le pays : Daloa, Bondoukou, Yamoussoukro, Abidjan. Meetings, poignées de main, promesses. Il est apparu en forme. Le terrain comme preuve de vitalité.
– « Candidat naturel » –
Il parle peu. Mais il promet plus. « Faire plus », dit-il. Son bilan ? Des routes, des ponts, des tours. La Côte d’Ivoire a changé de visage. Il s’appuie sur le béton pour prolonger son règne.
Il est le chef incontesté de la majorité. Pour ses partisans, c’est le candidat « naturel ». Pour l’opposition, c’est un stratège autoritaire. Elle l’accuse de choisir ses adversaires. Près de 700 arrestations en quelques jours. Le pouvoir verrouille. La rue proteste.
ADO a longtemps gravité autour du pouvoir. FMI, Bceao : il maîtrise les rouages. En 1990, Houphouët-Boigny l’appelle. Il devient Premier ministre. Le technocrate entre dans l’arène.
Né à Dimbokro en 1942. Musulman malinké, marié à une Française chrétienne. Il a étudié au Burkina Faso. Longtemps désigné comme Burkinabè. Identité contestée, trajectoire assumée.
– De l’ivoirité à la guerre : une crise née du rejet –
À la mort de Félix Houphouët-Boigny, le paysage politique ivoirien se fracture. Alassane Ouattara, jusque-là protégé du père de la nation, voit son identité contestée. Les partisans de l’« ivoirité » — doctrine xénophobe et excluante — remettent en cause sa nationalité.
Le débat cesse d’être politique : il devient ethnique, territorial, identitaire. Ouattara, né à Dimbokro, élevé au Burkina Faso, devient l’étranger à exclure. Et dans cette Côte d’Ivoire en quête de succession, l’origine supplante le mérite. Le pouvoir se referme. La fracture s’installe.
En 2000, sa candidature est rejetée. Motif : nationalité douteuse. Deux ans plus tard, le pays bascule. La Côte d’Ivoire se fracture en deux. Une décennie de crise s’ouvre.
Les partisans de M. Ouattara soutiennent une rébellion et contrôlent le Nord face au pouvoir du président Laurent Gbagbo (2000-2011) qui tient le Sud.
La crise atteint son paroxysme lors de la présidentielle de 2010: cette fois M. Ouattara peut participer et l’emporte. La victoire est contestée par M. Gbagbo et la Côte d’Ivoire s’enfonce dans des mois de violences, qui feront plus de 3 000 morts.
Soutenu par la France, le camp Ouattara finit par s’imposer et Laurent Gbagbo est arrêté.
– Infrastructures et inégalités –
Président depuis 2011. Libéral francophile, soutenu par l’international. Les investisseurs reviennent. Le pays se reconstruit. Le béton remplace les cicatrices.
Le président bâtit, c’est indéniable. Les infrastructures s’élèvent, les investisseurs affluent, le pays se transforme. Mais derrière le décor, les failles demeurent. Les inégalités s’aggravent, la corruption s’installe, la dette enfle. 60 % du PIB : un seuil qui inquiète.
L’école publique se délite, les hôpitaux peinent à suivre. Et ses détracteurs le disent sans détour : le béton ne soigne pas, ne forme pas, ne nourrit pas. Le progrès visible masque les urgences invisibles. Et dans cette élection, le bilan devient champ de bataille.
Pendant son troisième mandat, Alassane Ouattara a aussi vu la situation sécuritaire au Sahel se dégrader.
La menace est là. Des juntes militaires aux frontières. Le Burkina Faso en tête. Les jihadistes rôdent. Pour l’heure, Abidjan tient bon. Mais l’étau se resserre.
« L’Afrique a très peu de dirigeants comme Ouattara. Il a l’expérience, la sérénité, la connaissance du monde, c’est un interlocuteur essentiel dans la région », assure un proche du président.
– Ouattara verrouille le jeu –
Peu de proches d’Ouattara ont été jugés. Les crimes de 2010-2011 restent en suspens. Gbagbo, acquitté, rentre en 2021. Il est gracié. La réconciliation reste inachevée.
Ouattara impose le rythme. Le technocrate est devenu stratège. Gbagbo reste hors course. Pas d’amnistie, pas de retour. Le jeu est verrouillé.
« Si on ne laisse pas aux autres la capacité de se battre pour être au pouvoir, ce n’est plus la démocratie », tance Laurent Gbagbo.
Réélu en 2015 avec 83% et en 2020 avec plus de 94% des voix, après une révision contestée de la Constitution, Alassane Ouattara se dirige vers un nouveau score fleuve.
En 2020, il avait dit vouloir passer la main. Mais le décès de son dauphin, Amadou Gon Coulibaly, l’avait poussé à rempiler pour une élection qui sera marquée par des violences faisant 85 morts.
Depuis, Alassane Ouattara a souvent répété qu’il avait « une demi-douzaine de successeurs potentiels ». Ils vont devoir attendre encore quelques années.
Source: Agence France-Presse