Le secteur camerounais de la microfinance traverse une nouvelle zone de turbulence. Entre administration provisoire et faillite. Le mal s’approfondit, créant ainsi une grosse inquiétude chez les épargnants.
En effet, le dernier cas est celui de la Nouvelle financière africaine (Nofia S.A.). L’établissement de 2ᵉ catégorie de l’homme d’affaires David Manfouo est sous redressement. Ceci intervient après plusieurs mois qu’l soit placé sous administration provisoire.
Assainir la gestion interne
Alors, placée sous tutelle pour six mois, la Nofia S.A. sera administrée par Bogni Ngueya, désigné par la Cobac. Il a pour mission : d’assainir la gestion interne, de superviser les opérations courantes. Et rétablir la confiance des clients et partenaires financiers.
Seulement, cette mesure ne fait qu’allonger la liste croissante d’institutions fragilisées. Ces derniers mois, Unics, Cecil, Cepac Solidarité ou encore Idev ont connu le même sort. Et Idev quant à elle, a été directement liquidée, sans passer par l’option de redressement.
Selon les données de la Beac, le Cameroun concentre 384 établissements de microfinance. Sur les 521 agréés dans la zone Cemac au 31 décembre 2024. Soit près de 74 % du total régional. Pour les experts, la multiplication des sanctions découle du renforcement du cadre réglementaire opéré par la Cobac. Ceci, depuis la réforme de 2015, qui a élargi la supervision au-delà des simples ratios prudentiels.
Ainsi donc, la réforme a introduit des normes plus strictes. Notamment, le contrôle opérationnel, la conformité. La gestion des risques et audit interne renforcé. Aussi, après une période de transition jusqu’en 2020, la COBAC a intensifié ses contrôles dès 2021. Une mesure qui va entraîner la fermeture ou la mise sous tutelle d’établissements jugés non conformes.
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En effet, la note semble douloureuse pour certains épargnants. « C’est une situation qui nous inquiète beaucoup. Je vis dans la crainte de voir que Nofia est sous administration provisoire », va déclarer Alice M. épargnante.
Mauvaise gestion
Pour le Pr Romuald Eboue « Quand c’est sous administration provisoire, ça veut dire qu’il y a eu une mauvaise gestion. Cette mauvaise gestion a entraîné le déficit. On la met sous administration provisoire pour redresser la pente. Il peut arriver que ce redressement n’aboutisse pas aux effets positifs. En ce moment, ça peut créer la peur. Mais dans la plupart des cas, on réussit quand même à redresser », va expliquer l’économiste.
Et pour apaiser les épargnants, « aucune crainte pour les épargnants qui doivent être très vigilants. On peut sortir l’administration provisoire quand quelqu’un d’autre l’achète. C’est pour ça qu’il y a des déficits et qu’il faut faire le redressement. De peur que la banque ne tombe. On met donc sur pied l’administration provisoire qui est là pour redresser le déficit qu’il y a eu ».
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Dans l’analyse poussée, la zone dans laquelle plane le secteur de la microfinance au Cameroun peut s’expliquer. « On est dans un environnement où la petite économie ne marche pas. Parce qu’on se rend compte que c’est le fonctionnement de tontine qui a pris le dessus. Sur un fonctionnement plus formel. Or, la microfinance était là pour essayer de rendre le financement des TPE formels ».
En principe, « la microfinance venait pour rendre leur mode de financement formel. Mais on se rend compte que dans nos esprits. Et dans notre culture, les tontines continuent toujours à prendre le dessus sur un certain nombre de choses. C’est pour ça qu’il arrive que les microfinances soient dans une situation de surliquidité ».
Les créances douteuses
Parce que, « les gens ne partent pas dans les microfinances pour emprunter. Ensuite, c’est parce que les conditions d’accès à ces crédits sont parfois drastiques. Du coup, les gens préfèrent se tourner vers les conditions d’accès. Par exemple, pour prendre 100 000 dans une tontine, il suffit qu’on ait le relationnel. Vous allez me donner parce que vous me connaissez. Mais dans la microfinance, ce n’est pas ça ».
« Il y a un certain nombre de principes à respecter. Et ces principes-là parfois, entravent le bon fonctionnement des crédits dans les établissements de microfinance », va détailler l’enseignant.
Selon la Beac, les créances douteuses dans la microfinance ont atteint 178 milliards Fcfa en 2024. contre 164 milliards en 2023 (+9 %). Le Cameroun concentre à lui seul 81 % de ces prêts non remboursés. Soit 144 milliards Fcfa, loin devant le Congo qui est à 9 % et le Gabon à 7 %
















