Incarcération d’un ex-président : Nicolas Sarkozy condamné à cinq ans de prison pour un pacte corruptif avec la Libye. Pour la première fois dans l’histoire de la République, un ancien chef d’État va derrière les barreaux. Jeudi, le tribunal de Paris a condamné Nicolas Sarkozy à cinq ans d’emprisonnement, avec incarcération prochaine. Motif : avoir “laissé ses plus proches” solliciter le régime de Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne victorieuse de 2007. Une peine lourde, que l’ex-président attribue à la “haine”.
Brûlant d’une colère froide, blême, l’ex-chef de l’État (2007-2012) a redit son « innocence » et annoncé dès la sortie de la salle d’audience son intention de faire appel. Cela n’empêchera pas son incarcération au cours des prochaines semaines.
Le tribunal reconnaît Nicolas Sarkozy coupable d’association de malfaiteurs. Il prononce un mandat de dépôt différé. Mais avec exécution provisoire. Autrement dit : la prison est imminente. La décision surprend par sa sévérité.
Dans la salle d’audience, la stupeur est palpable. Les magistrats justifient leur choix. Ils évoquent une “corruption au plus haut niveau possible”. Et soulignent la gravité exceptionnelle des faits.
Les faits reprochés sont d’une « gravité exceptionnelle », « de nature à altérer la confiance des citoyens », a insisté la présidente du tribunal, Nathalie Gavarino.
« La haine n’a donc décidément aucune limite (…) J’assumerai mes responsabilités, je déférerai aux convocations de justice et s’ils veulent absolument que je dorme en prison, je dormirai en prison, mais la tête haute », a de son côté cinglé devant les caméras Nicolas Sarkozy, sous le regard de son épouse, Carla Bruni.
– L’exécution provisoire relance le débat politique –
Selon une source proche du dossier, il a été convoqué le 13 octobre par le Parquet national financier (PNF) pour savoir quand il entrerait en prison.
Sans confirmer la date de cette convocation, une source judiciaire interrogée par l’AFP a précisé qu’il serait incarcéré dans un « délai relativement proche » après. En réaction à l’appel de Nicolas Sarkozy, déposé dans la journée, le parquet financier fera également appel.
L’émotion gagne les proches. Me Jean-Michel Darrois, avocat de Nicolas Sarkozy, évoque un homme “affecté”. Autrement dit : la condamnation dépasse le cadre politique. Elle touche sa femme, ses enfants, sa famille. Et le choc personnel s’ajoute à la tempête judiciaire.
Le choc est brutal. L’incarcération annoncée de Nicolas Sarkozy secoue le monde politique. À droite, les critiques fusent. Le Rassemblement national dénonce une dérive. Autrement dit : l’exécution provisoire des peines devient un point de rupture. Et le débat s’installe jusque dans les rangs institutionnels.
Les réactions politiques s’enchaînent. Gérard Larcher, président (LR) du Sénat, dit “partager” le “questionnement grandissant” sur l’exécution provisoire. Autrement dit : la mesure interroge jusque dans les rangs institutionnels.
Marine Le Pen, elle aussi condamnée à une peine avec exécution provisoire, dénonce une dérive. Elle parle de “généralisation” et de “grand danger”. Et elle invoque les “principes fondamentaux” du droit français. Autrement dit : la critique dépasse le cas Sarkozy. Et relance le débat sur l’usage de cette procédure.
– Pas de « démonstration » de financement libyen –
Le jugement est lu pendant trois heures. Il fait 400 pages. Le tribunal analyse la période 2005-mai 2007. Nicolas Sarkozy n’est pas directement accusé d’avoir sollicité la Libye. Mais les juges estiment qu’il a laissé faire. Ses proches collaborateurs agissent en son nom.
Ils cherchent des soutiens financiers auprès des autorités libyennes. Objectif : financer la campagne présidentielle. Autrement dit : Sarkozy avait l’autorité. Et il a laissé ses soutiens politiques négocier en coulisses. La justice considère que cette tolérance vaut implication.
Les juges analysent les faits. Fin 2005, Claude Guéant et Brice Hortefeux rencontrent un haut dignitaire libyen. Des échanges jugés “occultes”. Autrement dit : des démarches discrètes, hors cadre officiel. Pour les magistrats, ces rencontres n’ont de sens qu’à travers un objectif précis.
Obtenir des fonds pour la campagne de Nicolas Sarkozy. À l’époque, rien n’était acquis. Sarkozy n’avait aucune certitude d’être investi par l’UMP. Et encore moins de bénéficier d’un soutien financier. Autrement dit : les démarches libyennes précèdent l’investiture. Et traduisent une volonté anticipée de financement politique.
– Le pacte corruptif reconnu, l’intention suffit à condamner –
Trois mois d’audience. En mars, le Parquet national financier requiert sept ans de prison contre Nicolas Sarkozy. Motif : un “pacte de corruption faustien” avec l’un des dictateurs les plus infréquentables des trente dernières années. Autrement dit : une alliance jugée toxique. Le PNF accuse Sarkozy d’avoir été à la fois le commanditaire et le bénéficiaire du financement illégal de sa campagne. Et la justice s’apprête à trancher sur un dossier explosif.
Les juges tranchent. Ils relaxent Nicolas Sarkozy sur plusieurs chefs d’accusation. Le recel de fonds publics libyens est écarté. La corruption passive n’est retenue par aucun juge. Le financement illégal de campagne ne figure pas dans les infractions retenues. Autrement dit : plusieurs accusations tombent. Et la justice limite la portée des poursuites.
Autrement dit : l’ex-président aurait agi en tant que candidat, non comme ministre dépositaire de l’autorité publique. Et cette distinction change tout. La justice écarte ces infractions. Mais elle retient l’association de malfaiteurs. Et condamne Sarkozy à cinq ans de prison.
Le tribunal constate des flux financiers venus de Libye. Mais aucun élément ne prouve qu’ils ont atterri dans les caisses de la campagne Sarkozy. Autrement dit : la “démonstration” reste incomplète.
Pourtant, en droit, la préparation suffit. Même si le financement n’a pas été concrétisé, le délit d’association de malfaiteurs est constitué. La justice retient l’intention. Et considère que le pacte corruptif a bel et bien existé.
– Le pacte corruptif reconnu, l’intention suffit à condamner –
Le tribunal tranche. Selon une copie de travail du jugement consultée par l’AFP, les juges estiment que les engagements pris suffisent à établir un pacte corruptif. Autrement dit : la seule promesse de financement suffit à caractériser l’infraction.
Peu importe que les fonds soient arrivés ou non. Le pacte devait s’exécuter dès l’élection de Nicolas Sarkozy. Et la justice considère que l’intention suffit. Le délit est constitué, même sans transfert effectif d’argent.
Claude Guéant et Brice Hortefeux, deux anciens proches collaborateurs de Nicolas Sarkozy, ont également été reconnus coupables d’association de malfaiteurs.
Le premier a également été reconnu coupable de corruption passive et de faux. Il a été condamné à six ans d’emprisonnement. Son état de santé lui épargne un mandat de dépôt.
Brice Hortefeux a écopé de deux ans d’emprisonnement, qu’il effectuera avec un bracelet.
Éric Woerth, trésorier de la campagne de 2007, a pour sa part été relaxé.
Le verdict tombe. Sherpa, Transparency International et Anticor saluent la décision. Dans un communiqué, les trois associations parlent d’un “jugement historique”. Autrement dit : la justice franchit un cap. Et les parties civiles reconnaissent un tournant dans la lutte contre la corruption.
Source : Agence France-Presse