pixel

« Fatigués de ce régime »: au Togo, la jeunesse manifeste pour un changement de pouvoir

Date:

Pages jaunes
Trans Afrique

« Nous sommes fatigués de ce régime », lâche Elom K., étudiant de 23 ans: à Lomé, capitale secouée par des manifestations meurtrières depuis début juin, où de nouveaux rassemblements sont prévus mercredi et jeudi, une partie de la jeunesse milite pour un changement de pouvoir.

Les Togolais de moins de 60 ans n’ont connu que la famille Gnassingbé à la tête de l’Etat et la population, majoritairement jeune et en proie aux difficultés économiques, peine à se projeter.

Réprimées et temporairement interdites, les manifestations ont été rares au Togo ces dernières années.

« Nous jeunes, n’avons plus d’espoir », livre Elom K. au milieu de ses camarades, à l’université privée où il étudie la gestion commerciale. Comme d’autres personnes interrogées, il ne donne pas son nom complet de crainte d’être arrêté.

« Il faut le changement à la tête du pays », insiste-t-il, après avoir exprimé sa colère dans la rue lors du premier mouvement de contestation début juin.

L’élément déclencheur: l’arrestation et l’internement en hôpital psychiatrique fin mai du très populaire rappeur togolais Aamron – aujourd’hui libéré -, après son appel sur Facebook à fêter ironiquement l’anniversaire du dirigeant Faure Gnassingbé le 6 juin. Né sur les réseaux sociaux, le mouvement en a tiré son nom, « M66 » (Mouvement du 6 juin).

Des dizaines de jeunes indignés par son sort ont d’abord manifesté dans la nuit du 5 au 6 juin contre les arrestations de personnalités critiques du gouvernement, et plus largement contre le chômage, la hausse du prix de l’électricité et la consolidation du pouvoir de M. Gnassingbé.

Elu président du Togo en 2005 à la mort de son père resté 38 ans au pouvoir, Faure Gnassingbé est aujourd’hui président du Conseil, plus haute fonction du régime parlementaire qu’il a instauré l’an dernier.

– « Terrorisme » –

Dans le quartier commercial d’Hedzranawoé, Anie A., 26 ans, est à bout: « Nous les jeunes, nous souffrons dans ce pays, nous avons faim ».

« Les enfants font des études et ne trouvent pas de travail », abonde Glawdys W., commerçante de 55 ans, dans le quartier d’Hanoukopé.

Dans ce petit pays littoral d’Afrique de l’Ouest, 60% des huit millions d’habitants a moins de 25 ans, le taux de pauvreté atteint 43% et la part des emplois informels est écrasante (plus de 87% d’après les chiffres officiels). Et la jeunesse rêve d’ailleurs.

Plus d’un tiers des Togolais envisagent d’émigrer pour fuir des difficultés économiques, affirmait en mars l’institut de sondage Afrobarometer.

Pourtant, des formations existent pour « l’employabilité des jeunes », assurait mercredi le ministre de l’Enseignement technique Isaac Tchiakpè.

Selon la Banque mondiale, il faudrait « générer un million d’emplois d’ici 2030 », pour des jeunes « de plus en plus instruits ».

Sur son taxi-moto, Daniel E., 29 ans, estime que « l’administration publique est gangrénée par des détournements et la mauvaise gestion ».

Lors d’une deuxième vague de protestations fin juin, la société civile a dénoncé la mort de sept personnes, qu’elle impute aux forces de l’ordre.

Quelques jours plus tard, le parquet annonçait 114 arrestations en tout et l’ouverture d’une enquête concernant cinq décès, dont quatre « par noyade » de jeunes de 25, 23, 21 et 15 ans, repêchés dans deux cours d’eau près des lieux des manifestations.

Les manifestations sont des « tentatives de déstabilisation de la sous-région. C’est du terrorisme quand on invite des gens à la violence gratuite », avait affirmé le ministre de l’Administration territoriale, le colonel Hodabalo Awaté.

– Mandats d’arrêt –

Des blogueurs et artistes à l’origine de la contestation ont lancé de nouveaux appels à manifester ces mercredi et jeudi – jour des élections municipales.

« Je serai encore dans les rues », assure Yannick M., 36 ans, chauffeur.

« L’insurrection est portée par une génération qui n’a pas connu l’euphorie du multipartisme des années 1990, qui entend désormais créer sa propre forme de contestation », analyse le politologue Mohamed Madi Djabakate.

Les réseaux sociaux permettent également aux voix critiques en exil de faire perdurer le mouvement, comme celle du journaliste d’investigation populaire Ferdinand Ayité, sous le coup d’une condamnation au Togo, qui tient des chroniques régulières sur Facebook.

Le gouvernement a de son côté annoncé des mandats d’arrêts internationaux contre des blogueurs et artistes.

« Quel que soit l’endroit où ils résident, on ira les chercher », avait déclaré le ministre de la Sécurité, le colonel Calixte Madjoulba.

D’autres jeunes relativisent les revendications des manifestants, comme Georges K., enseignant de 26 ans. « La misère est partout, même dans les grands pays » et « nous les jeunes, nous devons faire attention aux marchands d’illusions ».

Source : Agence France-Presse

- Pub -
Pages jaunes

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Partager :

spot_imgspot_img

Populaires

Dans la même catégorie
Associé

Présidentielle ivoirienne: des partis d’opposition appellent à manifester « tous les jours »

Les deux principaux partis d’opposition appellent à manifester. Tous...

Des soldats malgaches rejoignent les milliers de manifestants à Antananarivo

Des soldats malgaches ont rejoint samedi les milliers de...