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En Ouganda, ces enfants « voyageurs de la nuit » qui fuyaient les horreurs de Joseph Kony

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Trans Afrique

Enfant déplacée par la LRA, Everlyn Ayo fuyait chaque soir pour échapper aux violences. Comme des milliers d’autres enfants du nord de l’Ouganda, elle tentait de survivre face aux atrocités du groupe armé de Joseph Kony, poursuivi aujourd’hui par la Cour pénale internationale.

L’exode était quotidien. Des enfants, parfois très jeunes, fuyaient chaque soir. Ils craignaient d’être tués, violés ou enrôlés de force par les rebelles. Hostiles à Kampala, ces groupes semaient la terreur. Les bambins et les adolescents rejoignaient des villes ou des abris, là où ils se sentaient moins menacés.

Parfois ils étaient protégés par des troupes ougandaises. Souvent ils se retrouvaient abandonnés à eux-mêmes par les soldats craignant les forces fanatiques de l’ex-enfant de chœur Joseph Kony, qui, au nom de l’établissement d’un régime fondé sur les Dix Commandements, ont multiplié les exactions.

« Nous partions à 16 heures parce que les distances étaient longues et nous avions peur des villages la nuit. Le matin, nous devions attendre la lumière du jour vers 8 heures pour rentrer », se souvient Everlyn Ayo plus de trois décennies plus tard.

– Les enfants face à la terreur de la LRA –

La LRA a semé la terreur pendant trente ans en Afrique centrale. Elle est accusée d’avoir tué plus de 100 000 personnes. Le groupe aurait aussi enlevé 60 000 enfants. Les rebelles ont enrôlé de force les garçons et les ont formés pour combattre. Ils ont capturé les filles et les ont contraintes à devenir esclaves sexuelles.

Pour échapper à cet horrible sort, de nombreux jeunes sont alors devenus malgré eux des « voyageurs de la nuit ».

Chassée d’Ouganda, l’Armée de résistance du Seigneur s’est ensuite éparpillée dans les forêts de République démocratique du Congo, de Centrafrique, du Soudan du Sud et du Soudan. Ses méfaits ont très largement diminué ces dernières années.

Everlyn Ayo avait cinq ou six ans. Elle ne se souvient pas exactement. Elle a vu la LRA attaquer son école. « Ils ont tué et cuit nos enseignants dans de grands bidons. Ils nous ont forcés à manger leurs restes », raconte-t-elle à l’AFP. Aujourd’hui, elle vit à Gulu, dans le nord de l’Ouganda. Elle est mère de huit enfants.

– « Sang » –

Sa famille l’a alors envoyée chez des proches vivant dans un village isolé. Mais celui-ci a aussi été jugé dangereux, l’obligeant à entamer d’incessants périples nocturnes.

« Il y avait des milliers d’enfants. Elle se souvient des nuits passées avec des dizaines d’enfants. Ils dormaient entassés les uns contre les autres. Même sans couverture, le froid ne passait pas. Leur chaleur humaine suffisait à le repousser.

Chaque matin, après avoir à nouveau longuement marché, les jeunes Ougandais retournaient dans leurs villages. « Très souvent, nous trouvions des cadavres imbibés de sang. »

« Voir tout ce sang en tant qu’enfant a traumatisé mes yeux », soupire-t-elle. « Depuis de nombreuses années maintenant, (…) tout ce que je vois, c’est du sang. »

Stephen Ocaya a perdu ses parents à l’âge de six ans. Ils sont morts de maladie. Pendant deux ans, il a été un « voyageur de la nuit », comme tant d’enfants contraints de fuir chaque soir pour échapper aux enlèvements de la LRA.

Les rebelles venaient régulièrement dans le village. Ils prenaient de la nourriture, des vêtements, tout ce qu’ils voulaient. Ils enlevaient aussi des habitants pour les transformer en soldats. L’homme qui témoigne a aujourd’hui 38 ans.

Lui se cachait dans une église voisine, Holy Rosary, ou dans un parking de bus où il se sentait davantage en sécurité. Puis il retournait au petit matin étudier dans son école.

Les rebelles stationnaient à moins d’un kilomètre de l’endroit où il jouait au football avec ses amis, se souvient-il. Quand, après leur départ, les autorités ougandaises ont démarré leur enquête, elles « ont trouvé beaucoup de personnes tuées là-bas », dit-il.

– « Justice » –

Mardi prochain, la CPI examinera les charges contre Joseph Kony. Il est accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Everlyn Ayo et Stephen Ocaya suivront l’audience à la radio, comme de nombreux Ougandais. Tous seront à des milliers de kilomètres de La Haye.

Stella Angel Lanam a 38 ans. Elle dirige l’Initiative pour les victimes de guerre et le réseau des enfants, une ONG basée à Gulu.

« Si vous pensez à ce que les gens ont vécu pendant toutes ces années, je sais que ni Kony ni le gouvernement ougandais ne pourront réparer leur souffrance », déclare une ancienne captive de la LRA. Le groupe l’a forcée à devenir enfant soldat.

« J’avais seulement 10 ans. J’ai souffert pendant neuf ans », confie-t-elle. Elle espère malgré tout obtenir justice de la CPI. Joseph Kony, principal accusé, reste absent à La Haye.

À Lukodi, petit village à 17 km de Gulu, un monument rend hommage aux 69 habitants tués par la LRA. Le massacre a eu lieu le 19 mai 2024.

Wilfred Lalobo raconte l’arrivée des rebelles à Lukodi. L’armée ougandaise a fui. Les villageois qui le pouvaient ont fait de même. Les rebelles ont attaché ceux qui sont restés. Des combattants ont utilisé des baïonnettes pour tuer plusieurs villageois. D’autres victimes ont été découpées en morceaux par les assaillants. Le feu a englouti des maisons, brûlant vivants ceux qui s’y trouvaient.

Parmi eux, sa belle-sœur et six proches de Wilfred Lalobo. Mais aussi sa petite-fille, Akello, 4 ans.

Source : Agence France-Presse

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