Toute la journée de vendredi, l’horizon a résonné de détonations d’artillerie: les combats ont continué entre le groupe antigouvernemental M23 et l’armée congolaise autour de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Au centre-ville, les commerces fonctionnent encore mais les écoles restent fermées. L’atmosphère est « tendue » et « la peur gagne du terrain », juge Mamike Ramazani, une commerçante.
La capitale de la province du Nord-Kivu est désormais presque entièrement encerclée par le M23 et des troupes de l’armée rwandaise (RDF), qui combattent au côté du groupe armé antigouvernemental.
Des RDF ont pris position jeudi dans la ville de Sake, située à une vingtaine de kilomètres de Goma, selon plusieurs sources sécuritaires, entraînant de lourds combats d’artillerie et le déplacement de milliers d’habitants.
Des renforts ont débarqué côté congolais: la Mission des Nations unies en RDC (Monusco) et les forces régionales de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ont positionné troupes et artillerie près du front, où des agents roumains d’une société de sécurité privée sont aussi présents.
L’armée congolaise, qui n’a cessé de reculer face au M23 depuis sa résurgence fin 2021, n’a toujours pas repris le contrôle de Sake après une nouvelle journée de combats vendredi.
Et Sake recrache des grappes de combattants aux visages fatigués le long de la route venant du front.
– « Gagner cette guerre » –
Sur le bas-côté, des « wazalendo » (« patriotes » en swahili), ces miliciens pro-Kinshasa qui jouent un rôle central dans les combats, reprennent leur souffle.
« On voulait récupérer les corps de deux de nos camarades, mais on a été pris sous le feu de l’ennemi et comme on n’avait plus assez de munitions, on s’est retirés », regrette le commandant d’une milice sous couvert de l’anonymat.
Quelques mètres plus loin, des militaires congolais battent en retraite, conduits sur des motos. Mais un haut gradé entreprend de stopper les fuyards et les somme de regagner leur poste. « C’est difficile mais nous allons gagner cette guerre. C’est sûr et certain! », veut-il croire.
Il affirme, sous couvert d’anonymat, qu’un check-point a été installé pour contrôler les mouvements des militaires comme des civils, et stopper les déserteurs.
Conflit du M23 en RDC: au moins 9 morts, dont des enfants, dans un camp de déplacés
Les caméras sont interdites et les journalistes empêchés de s’approcher des combats. Les civils, venus nombreux pour observer l’évolution des évènements, sont également tenus à distance.
Massés au bord de la route, ils paraissent indifférents aux détonations d’artillerie lourde qui résonnent et font vibrer le sol.
Quand une explosion se produit trop près, la foule se met en branle dans un bref accès de panique, avant de reprendre sa contemplation.
– « Des traîtres » –
« Nous n’avons pas peur des détonations », assure Éric Nzanzu, un déplacé venu de Sake. « Toute la population est ici pour voir comment les combats évoluent, voir s’il y aura des traîtres et observer la fin ».
Sur un deuxième front au nord de la ville, dans le territoire de Nyiragongo, de fortes explosions ont résonné toute la journée. De violents affrontements ont fait rage dès le matin.
Les combats ont stoppé le va-et-vient des taxis motos chargés de marchandises. Ils patientent sur le bas-côté. Une poignée de civils fuient sous la pluie.
Obus ou roquettes, supposément tirés par le M23 ou l’armée rwandaise postés dans les collines environnantes, ont tué au moins deux civils jeudi dans le nord de la ville, selon les autorités locales. Et plus d’une centaine de blessés ont été acheminés dans les hôpitaux de Goma.
Les belligérants utilisent des mortiers et des lance-roquettes multiples, à la précision douteuse, dans des zones densément peuplées. Plusieurs centaines de milliers de déplacés s’entassent dans des camps à la périphérie de Goma.
« Des bombardements intensifs se sont abattus sur au moins neuf sites de déplacés à la périphérie de Goma, poussant les familles à fuir vers la ville en quête de sécurité », selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).
« Tout cela crée beaucoup de psychose, parce que demain la bombe peut tomber chez un voisin, ou même chez moi », s’alarme Daniel Shemitima, un commerçant de Goma.
Les combats ont également endommagé des lignes à haute tension, privant de courant une partie de Goma pendant plusieurs jours, a annoncé la compagnie Virunga Energies, l’un des principaux fournisseurs d’électricité de la région.
Source: Agence France-Presse
















