« Le problème, c’est le système. « Ce cri de colère a galvanisé des milliers de manifestants à Antananarivo jeudi. Nés d’un mouvement lancé deux semaines plus tôt, ils dénoncent le pouvoir malgache. La mobilisation s’intensifie. Plusieurs protestataires ont été blessés par les forces de l’ordre. La contestation s’installe durablement.
À 51 ans, le président Andry Rajoelina multiplie les promesses. Mais le mouvement Gen Z ne faiblit pas. Il rejette le ton sécuritaire du nouveau gouvernement. Jeudi, la répression s’est intensifiée. Des balles en caoutchouc, des grenades assourdissantes et des coups ont blessé plusieurs manifestants. Des arrestations ont suivi. Une équipe de l’AFP a observé ces scènes sur le terrain.
– De la pénurie à la révolte –
Depuis deux semaines, Madagascar s’embrase. À l’origine, les coupures répétées d’eau et d’électricité ont déclenché la colère. Peu à peu, le ras-le-bol s’est transformé. La contestation s’est élargie, visant désormais le président. Ce glissement révèle une crise plus profonde, à la fois sociale et politique.
« On vit toujours dans la galère. Le problème, c’est le système. Depuis qu’on a obtenu l’indépendance de la France (en 1960), notre vie ne s’est pas améliorée », clame Heritiana Rafanomezantsoa, 35 ans, parmi les manifestants à Antananarivo.
À Antananarivo, capitale de Madagascar, la tension est montée dès la mi-journée. Près du lac Anosy, plus d’un millier de protestataires se sont rassemblés. Les forces de l’ordre ont réagi immédiatement. Elles ont tiré massivement du gaz lacrymogène, puis lancé des charges avec des engins blindés. Ce déploiement musclé reflète la nervosité du pouvoir face à la contestation.
Après l’intervention, la tension a explosé. Une bataille de rue s’est engagée entre les forces de l’ordre et des groupes éparpillés. Les policiers ont tiré des balles en caoutchouc. En réponse, les manifestants ont lancé des pierres. D’autres protestataires ont rejoint les affrontements, amplifiant le chaos.
Des gaz lacrymogènes ont été tirés près d’une maternité. Ils se sont infiltrés dans le bâtiment. Les soignants ont dû déplacer des bébés prématurés à l’arrière pour les protéger. Un journaliste de l’AFP a constaté la scène sur place.
– Homme roué de coup –
À Anosibe, les forces de sécurité ont poursuivi un homme. Elles l’ont roué de coups. Inanimé, il est resté au sol. La Croix-Rouge l’a ensuite évacué. Un journaliste de l’AFP a assisté à la scène.
Par ailleurs, les affrontements ont fait plusieurs blessés. Au moins quatre personnes ont été touchées par des balles en caoutchouc. L’une d’elles a dû recevoir des points de suture. Deux autres ont été atteintes par des projectiles, probablement issus de grenades assourdissantes. Ces chiffres proviennent des journalistes de l’AFP et des rares organisations médicales intervenues sur place, dont SOS Médecin et Medikelly.
En septembre, Madagascar a connu une mobilisation massive. Selon l’ONG Acled, spécialisée dans le suivi des troubles, il s’agit des deuxièmes plus importantes manifestations depuis 1997, date du début de leur collecte de données. Ce pic de contestation marque un tournant dans la dynamique sociale du pays.
– Virage militaire et colère populaire –
Pour calmer la contestation, le président Rajoelina a renvoyé son gouvernement. Lundi, il reprend la main. Il nomme un militaire comme Premier ministre : le général Ruphin Zafisambo. Ce dernier, inconnu du grand public, incarne un virage sécuritaire assumé.
Depuis, seuls trois nouveaux ministres ont été nommés : Armées, Sécurité publique et Gendarmerie. Le président justifie ce choix en affirmant que le pays « n’a plus besoin de perturbation ». Ce resserrement du pouvoir autour des forces de l’ordre alimente les inquiétudes sur une possible dérive autoritaire.
En 2009, les militaires ont installé Andry Rajoelina au pouvoir, après une mobilisation populaire. En 2014, il se retire de la scène politique. Mais en 2018, il revient et remporte l’élection présidentielle. En 2023, il est réélu. Toutefois, l’opposition boycotte le scrutin, dénonçant sa légitimité.
« Le président est égoïste, il fait des promesses mais il ne les réalise pas. Je n’y crois plus », témoigne Niaina Ramangason, étudiant de 20 ans à l’École polytechnique d’Antananarivo, venu manifester.
La contestation a démontré jeudi une nouvelle vigueur après un essoufflement relatif ces derniers jours. Un cortège de centaines de manifestants a aussi été signalé à Toliara, grande ville du sud.
– « Dérive militaire » –
Jeudi, plus de 200 organisations de la société civile malgache ont pris la parole. Elles ont exprimé leur vive inquiétude face à une possible dérive militaire dans la gouvernance du pays. Ce signal d’alerte collectif souligne une tension croissante entre pouvoir civil et autorité militaire.
L’ONU a publié un bilan le 29 septembre. Il révèle que les manifestations ont coûté la vie à au moins 22 personnes. Ce chiffre souligne la gravité de la répression. Des « chiffres erronés » d’après le chef de l’État, qui estime les « pertes de vies » à 12, tous « des pilleurs, des casseurs » selon lui.
Mercredi, un collectif d’avocats bénévoles a publié un communiqué. Il annonce que cinq protestataires ont été placés en détention provisoire. En parallèle, dix-sept autres sont désormais sous contrôle judiciaire. Cette vague de mesures judiciaires souligne la tension croissante autour des mobilisations.
Cinq personnes devaient être incarcérées à Antanimora, à Antananarivo. Mais les gardiens de prison sont en grève. En parallèle, le collectif Gen Z appelle à une grève générale. Difficile de mesurer l’ampleur du mouvement. Toutefois, plusieurs lycées publics de la capitale ont annoncé leur débrayage.
À Madagascar, la pauvreté frappe fort. En effet, plus de 80 % des habitants vivent avec moins de 15 000 ariary par jour, soit 2,80 euros. Ce seuil correspond à la limite fixée par la Banque mondiale. Autrement dit, la majorité de la population survit sous le seuil de pauvreté.
Source: Agence France-Presse