Le Liban a signifié mercredi à un haut responsable iranien, Ali Larijani, en visite à Beyrouth, son refus catégorique de « toute ingérence » dans ses affaires internes, après des critiques de Téhéran sur la décision du gouvernement de désarmer le Hezbollah.
Il s’agit d’une première dans l’histoire des relations entre Beyrouth et Téhéran: jamais des responsables libanais ne s’étaient publiquement adressés avec une telle fermeté à un haut responsable iranien.
L’Iran est l’un des principaux soutiens du Hezbollah, qu’il finance et arme depuis des décennies.
« Nous rejetons toute ingérence dans nos affaires internes, quelle qu’en soit la provenance », a déclaré M. Aoun en recevant M. Larijani, le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranien.
« L’Etat libanais et ses forces armées sont responsables de la sécurité de tous les Libanais, sans aucune exception », a affirmé M. Aoun. « Toute menace, qu’elle vienne de l’ennemi israélien ou d’un autre, concerne l’ensemble des Libanais et non un seul camp », a-t-il dit.
« Il est interdit à quiconque, sans exception, de porter les armes et de se prévaloir de l’appui d’une puissance étrangère », a-t-il ajouté, selon un communiqué de la présidence.
Le Liban « attend de la partie iranienne un engagement clair et explicite au respect de ces principes », a pour sa part déclaré le chef du gouvernement Nawaf Salam, après s’être lui aussi entretenu avec M. Larijani.
– « Ni tutelle ni diktat » –
« La décision du Liban est prise par les Libanais eux-mêmes, qui ne tolèrent ni tutelle ni diktat », a-t-il ajouté, cité par son bureau de presse.
« Le Liban, qui fut le premier défenseur de la cause palestinienne et en a payé le prix fort face à Israël, n’a de leçons à recevoir de personne », a-t-il encore mis en avant.
Le gouvernement libanais a chargé la semaine dernière l’armée de préparer un plan de désarmement du Hezbollah, sous pression des Etats-Unis et face à des craintes d’une nouvelle offensive israélienne.
Le mouvement islamiste chiite, seule faction libanaise autorisée à conserver ses armes après la guerre civile au Liban (1975-1990), a accusé le gouvernement de commettre un « péché grave » et affirmé qu’il ignorerait cette décision.
Samedi, l’Iran avait affirmé, par la voix d’Ali Akbar Velayati, conseiller du guide suprême Ali Khamenei, son opposition au désarmement du Hezbollah. Beyrouth avait condamné une « ingérence flagrante » de Téhéran.
– Perte d’influence –
« Les pays étrangers ne doivent pas donner d’ordres au Liban », a pour sa part affirmé M. Larijani, après s’être entretenu avec le président du Parlement, Nabih Berri, allié du Hezbollah.
« Celui qui s’ingère dans les affaires libanaises est celui qui élabore un plan pour vous et vous impose un calendrier à des milliers de kilomètres de distance. Nous ne vous avons donné aucun plan », a-t-il déclaré, en référence à une proposition américaine fixant un calendrier pour le désarmement du Hezbollah.
« Toute décision que prendra le gouvernement libanais en concertation avec la résistance (le Hezbollah) sera respectée », a ajouté le haut responsable iranien.
Le Hezbollah, membre de l’alliance de groupes armés que l’Iran soutient, sous le nom d' »axe de la résistance » à Israël, est sorti très affaibli de sa dernière guerre avec ce pays cet automne.
Le mouvement a subi deux autres coups durs avec la chute de Bachar al-Assad en Syrie, son allié historique, en décembre 2024, et la guerre de 12 jours entre l’Iran et Israël en juin.
A son arrivée mercredi à l’aéroport de Beyrouth, M. Larijani a été accueilli par une délégation du Hezbollah et de son allié, le mouvement Amal, et a réaffirmé le soutien de l’Iran au « peuple libanais en toutes circonstances ».
Des dizaines de partisans du Hezbollah se sont rassemblés pour saluer son cortège.
Dans la soirée, selon le Hezbollah, il devrait se recueillir sur la tombe de l’ancien chef du parti, Hassan Nasrallah, tué le 27 septembre 2024 par un bombardement israélien sur la banlieue sud de Beyrouth.
Source : Agence France-Presse