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Présidentielle au Cameroun: Paul Biya, 92 ans, archifavori pour un 8e mandat

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À 92 ans, Paul Biya s’apprête à briguer un huitième mandat présidentiel au Cameroun. Le plus vieux chef d’État en exercice au monde part grand favori du scrutin de dimanche. Face à lui, une opposition fragmentée peine à s’imposer.

La plupart des 7,8 millions de Camerounais appelés à voter pour ce scrutin à un tour ont toujours vécu sous le règne sans partage de Biya, au pouvoir depuis 1982, dans ce pays d’Afrique centrale dont la moitié de la population a moins de 20 ans.

Face à lui se présentent 11 candidats, qui depuis l’ouverture de la campagne fin septembre multiplient les apparitions publiques et tentent de séduire les électeurs en promettant de tourner la page du long règne du second président depuis l’indépendance en 1960, qui tient le pays d’une main de fer.

Maurice Kamto, deuxième à la présidentielle de 2018 et opposant le plus crédible de M. Biya, a vu sa candidature rejetée par le Conseil constitutionnel. Cela « soulève des inquiétudes quant à la crédibilité du processus électoral », signalait cet été l’ONG Human Rights Watch (HRW).

Théophile, 24 ans, artiste plasticien à Douala, la capitale économique, voulait voter Kamto pour mettre fin à l’ère Biya, et voit dans cette élection « une arnaque ». « Tant que le système perdurera, il n’y aura rien à faire. Il faut qu’il y ait une alternance », lâche-t-il.

« Moi, je me dis que Paul Biya a encore des choses à apporter. Malgré le fait que certaines promesses n’aient pas été réalisées, je compte sur lui, c’est un sage (qui a) son expérience, son parcours », estime de son côté Giovanni, 20 ans, étudiant dans la même ville.

– « Détermination intacte »-

Comme de coutume, Paul Biya est resté très discret et quasiment absent de la campagne, s’autorisant un séjour en Suisse début octobre qui a nourri les spéculations, récurrentes, sur son état de santé précaire.

Il est finalement apparu en public, pour la première fois depuis le mois de mai, en tenant comme en 2018 un meeting de campagne à Maroua, dans la région de l’Extrême-Nord, stratégique avec son plus de 1,2 million d’électeurs, la deuxième plus grande réserve de voix du pays.

Visiblement en bonne santé, il s’est adressé debout pendant près d’une demi-heure à un public plutôt clairsemé et paré de ses couleurs et portraits de plusieurs centaines de personnes, selon les correspondants de l’AFP sur place, alors que son entourage en annonçait 25 000.

Lors de son discours retransmis par la télévision nationale, Paul Biya a tenté de rassurer. Il a promis « un programme spécial » pour réhabiliter et construire les routes du pays. Ces infrastructures, jugées en très mauvais état, cristallisent le mécontentement populaire.

Le président-candidat a aussi évoqué l’inclusion. Il s’est engagé à nommer « davantage de femmes à tous les niveaux de responsabilités ». Ce double engagement – routes et parité – vise à répondre aux critiques récurrentes.

– Des promesses sans écho dans un climat de défiance –

Mais dans un contexte de défiance, ces promesses peinent à convaincre. Elles rappellent celles de 2018, souvent restées lettre morte. La population attend des actes, pas des slogans.

« Ma détermination à vous servir demeure intacte », a-t-il conclu.

Paul Biya a longtemps régné sans partage. En 1984 et 1988, il se présente seul. Il est élu à 100 %. Mais en 1992, le multipartisme entre en scène. Pour la première fois, plusieurs candidats s’affrontent. Le scrutin devient incertain.

Biya l’emporte de justesse : 40 % des voix. Son principal rival, John Fru Ndi, le talonne avec 36 %. L’écart est mince, la tension palpable. L’opposition crie à la fraude. Le régime vacille, mais tient bon. Ce moment marque un tournant : Biya découvre la menace électorale. Il adapte sa stratégie, verrouille le système et prépare les scrutins suivants.

Arrey Ntui, analyste principal à l’International Crisis Group, décrypte la stratégie du président sortant. Selon lui, Paul Biya a frôlé la perte du pouvoir. Pour éviter une nouvelle menace, il a verrouillé le jeu politique. Il a coopté ses rivaux, noué des alliances régionales et intensifié la répression.

Ce triple levier lui a permis de neutraliser les oppositions. Les figures dissidentes ont été absorbées ou marginalisées. Les régions clés ont reçu des concessions ciblées. Pendant ce temps, les voix critiques ont été muselées. Ainsi, Biya a transformé une vulnérabilité en force. Il a consolidé son emprise, tout en maintenant l’apparence d’un pluralisme.

Avec succès: il fut ensuite réélu avec environ 93% des voix en 1997, 71% en 2004, 78% en 2011 et 71% en 2018.

– « Protéger le vote » –

Depuis des années, les ONG dénoncent un verrouillage systématique. Le « système Biya » contrôle les institutions clés : Conseil constitutionnel, commission électorale, justice. Ce contrôle étouffe toute concurrence réelle. Les élections se déroulent sans garanties d’équité.

Les opposants sont exclus, les manifestations interdites, les journalistes muselés. Ainsi, le pluralisme devient façade. Le pouvoir verrouille, les droits reculent. Human Rights Watch, International Crisis Group et l’EIU tirent la sonnette d’alarme. Ils pointent une dérive autoritaire, renforcée à chaque scrutin. Le Cameroun figure désormais parmi les régimes les plus fermés d’Afrique.

Pour David Kiwuwa, professeur à l’Université de Nottingham en Chine, l’élection présidentielle camerounaise ne marque aucun tournant. Il la qualifie de « mascarade électorale », sans surprise ni rupture. Selon lui, le scrutin ne prépare aucun changement immédiat.

Au contraire, il consolide les équilibres existants. Le régime verrouille ses positions, sous couvert de pluralisme. Les candidatures multiples masquent une réalité figée. Le pouvoir se perpétue, sans réelle concurrence. Ainsi, l’élection sert moins à choisir qu’à confirmer. Elle entérine le statu quo, dans un décor démocratique.

– Pauvreté persistante, colère silencieuse –

En 2024, 40 % des Camerounais vivaient sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale. Ils dénoncent la vie chère, l’eau potable rare, les soins de santé précaires et l’éducation défaillante. Pourtant, malgré ces frustrations persistantes, la rue reste étonnamment calme. Les réseaux sociaux, eux, résonnent de colère.

L’opposition se présente en ordre dispersé, promettant le développement une fois l’ère Biya achevée.

Onze prétendants suscitent le débat. De plus, deux ex-alliés du pouvoir se démarquent. D’une part, Issa Tchiroma Bakary, 79 ans, ex-ministre. D’autre part, Bello Bouba Maïgari, ancien Premier ministre de Biya. Enfin, Cabral Libii, classé troisième en 2018, bénéficie d’une forte audience.

Plusieurs plateformes citoyennes ont mis en place des réseaux d’observateurs dans les bureaux de vote afin de « protéger le vote » en compilant les résultats de manière indépendante. Le gouvernement a dénoncé des tentatives de « manipuler l’opinion publique » et de « proclamer des résultats tronqués ».

Le scrutin se déroulera à l’ombre du conflit meurtrier opposant des groupes séparatistes aux forces du gouvernement dans les régions à majorité anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Lors de la précédente élection en 2018, l’abstention avait été particulièrement élevée dans ces régions.

Source: Agence France-Presse

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