La livraison par certains pays de l’Otan à Kiev de nouveaux systèmes américains de défense antiaérienne Patriot soulagera l’Ukraine face aux attaques croissantes de missiles et drones russes, sans toutefois inverser la tendance sur le front.
– Le Patriot, un système éprouvé
Entré en service en 1985, le Patriot n’a cessé, depuis sa première utilisation face aux Scud irakiens pendant la guerre du Golfe, d’être modernisé pour pouvoir intercepter missiles balistiques et missiles de croisière.
Chaque batterie est composée d’une station de contrôle et de lanceurs mobiles équipés de quatre missiles intercepteurs, coûtant chacun plusieurs millions de dollars.
La dernière version du radar, qui entre tout juste en service aux Etats-Unis, comprend une couverture à 360 degrés. Le radar des batteries déjà en service ne peut, lui, couvrir qu’un arc de 120 degrés, l’exposant au risque d’être contourné.
En service dans 18 pays, dont l’Ukraine qui dispose d’une poignée de batteries, le Patriot a une portée d’interception allant jusqu’à 70 kilomètres contre les avions et missiles de croisière (Patriot PAC-2), entre 20 et 35 kilomètres pour les missiles balistiques (Patriot PAC-3), selon l’armée de terre américaine (US Army).
Lockheed Martin, fabricant du missile PAC-3 MSE, compte passer de 500 missiles produits en 2024 à 650 en 2027. Pour sa part, Raytheon, qui produit le missile pour le PAC-2, « prévoit d’augmenter sa production mensuelle de 150% d’ici 2028 », a confié à l’AFP Tom Laliberty, son président chargé de la défense antiaérienne, sans préciser le niveau de production actuelle.
– Est-il utile contre les attaques russes actuelles ?
Ces systèmes de défense étaient réclamés depuis des mois par les Ukrainiens, aujourd’hui confrontés à un double problème: les Russes tirent de plus en plus d’engins sur leurs villes – dont beaucoup de drones peu chers – et ils tendent à être de plus en plus efficaces.
« Au cours de la semaine écoulée, la Russie a lancé plus de 1.800 Geran-2 (version russe du Shahed-136 iranien) (…) Cela marque une forte augmentation de l’intensité moyenne des attaques de drones à longue portée par jour, atteignant un pic à 728 drones et leurres combinés le 9 juillet », relève l’expert Fabian Hoffman de l‘université d’Oslo, sans compter les missiles balistiques ou de croisière.
A titre de comparaison, la salve la plus importante de l’hiver dernier, le 23 février, comptait 267 drones.
Or, autant « les Patriot sont utiles contre des missiles à haute performance (…), autant c’est du +gaspillage+ par rapport à la masse des Shahed », soulignait la semaine dernière le chercheur Joseph Henrotin, rédacteur en chef de la revue Défense et sécurité internationale (DSI), dans le podcast Le Collimateur.
« Le coût unitaire d’un Geran-2 est estimé entre 30.000 et 70.000 dollars », rappelle M. Hoffman.
– Défis de la défense antidrone en Ukraine –
Le problème est que « les arsenaux occidentaux manquent actuellement d’intercepteurs rentables pour la défense antidrone longue portée. Cela contraint l’Ukraine (…) à choisir entre l’utilisation de missiles intercepteurs vingt fois plus coûteux que le drone, s’appuyer sur des canons antiaériens peu répandus, ou laisser passer le drone et accepter les dégâts », estime M. Hoffman.
Et même face aux missiles balistiques manoeuvrants russes comme l’Iskander ou le Kinzhal, le Patriot commence à montrer ses limites.
« Jusqu’à il y a quelques semaines, les Patriot interceptaient des Iskander régulièrement. Maintenant, ils ont beaucoup plus de difficultés, parce que les Russes ont commencé à utiliser leurs capacités de manœuvre », selon un spécialiste européen de la défense antimissile.
Au total, « le taux d’interceptions réussies tend à diminuer », de 95-97% en février-mars à environ 86% aujourd’hui, estimait M. Henrotin.
– Quel impact sur la guerre ?
Avec ces frappes sur les villes, la Russie oblige l’Ukraine à consacrer des moyens importants à la protection de ses populations.
« Des moyens supplémentaires peuvent effectivement permettre de mieux concentrer les efforts » de défense antiaérienne, selon une source militaire occidentale, alors que la tendance générale est celle d’un affaiblissement lent et constant des positions ukrainiennes face aux grignotages territoriaux russes.
Cependant, « je crains que la Russie soit capable de tenir cinq minutes de plus » que les soutiens de l’Ukraine, déclarait fin juin le chef d’état-major des armées françaises Thierry Burkhard, devant les députés.
Et « même si le soutien américain continue avec des Patriot livrés pendant un an, deux ans », les Russes sont capables d’augmenter leur production de missiles et drones en réponse, met en garde un haut-gradé occidental.
« La production annuelle actuelle, d’environ 850 à 880 intercepteurs Patriot, dépasse à peine l’estimation basse de la production annuelle de missiles balistiques (…) qui s’élève à 840 » pour les Iskander et Kinzhal, souligne M Hoffman, sans compter les missiles de croisière, Kalibr et Kh-101, plus nombreux encore.
Source : Agence France-Presse