Son franc soutien à l’Ukraine, l’absence de moyens antidrones efficaces et l’organisation imminente d’un sommet européen ont fait du Danemark une cible de choix pour les récentes incursions de drones non identifiés mais largement attribuées à la Russie.
Le projet « a été extrêmement bien exécuté et clairement conçu pour humilier les autorités (danoises) simplement en montrant qu’on peut vraiment faire voler des drones au-dessus des aéroports et des infrastructures critiques danois », relève auprès de l’AFP Rasmus Dahlberg, spécialiste des menaces hybrides.
Après le survol de l’aéroport de Copenhague le 22 septembre, occasionnant sa fermeture pendant plusieurs heures, d’autres aéroports et bases militaires ont été survolés par des drones qui n’ont pas été interceptés. La police du pays scandinave n’a pas identifié les auteurs de ces incursions.
En revanche, sur le plan politique, le Danemark « ne met plus de gants » pour désigner la Russie, souligne le chercheur. Face à une population qu’il qualifie d' »inquiète », « il y a un grand besoin d’explication ».
La Première ministre Mette Frederiksen a affirmé jeudi, dans une allocution vidéo, qu’un seul « pays constitue une menace pour la sécurité de l’Europe – et c’est la Russie ».
« Nous avons été très francs et très agressifs vis-à-vis de la Russie, et ça dérange la Russie, c’est donc évident de cibler le Danemark », dit à l’AFP Peter Viggo Jakobsen, professeur associé au Collège royal de Défense danois, qui rappelle le fort soutien danois à l’Ukraine.
« Victime facile »
Selon les données rassemblées par le Kiel Institute, le Danemark consacre 2,89% de son PIB à l’aide bilatérale à l’Ukraine, faisant de lui le plus gros contributeur en part de richesses.
« Ce soutien nous expose aux attaques hybrides, les services de renseignement l’avaient mentionné dans leur évaluation de la menace contre le Danemark », rappelle M. Dahlberg.
Copenhague s’est distinguée en annonçant début septembre être le premier pays à accueillir un groupe ukrainien de défense sur son sol, le fabricant de missiles longue portée Fire Point qui va produire du combustible solide.
Cette solidarité a aussi eu un coût sur le réarmement du pays.
Le gouvernement « espérait qu’en dépensant beaucoup pour l’Ukraine, les gens oublieraient qu’il ne dépensait pas pour sa propre défense: voilà le jeu joué par le Danemark, et c’est pourquoi notre défense contre les drones est relativement faible », explique M. Jakobsen.
« Nous sommes une victime facile », insiste-t-il.
En outre, le Danemark va acheter pour la première fois des armes de précision à longue portée, citant explicitement la menace russe.
« Mesure draconienne »
Et Copenhague accueille mercredi et jeudi le sommet informel des dirigeants européens. Pour assurer la sécurité du sommet, le vol des drones civils a été interdit au Danemark jusqu’au 3 octobre.
« C’est une mesure draconienne qui montre que le gouvernement tient à ce que rien ne se passe mal mais ce n’est absolument pas durable comme solution », appuie Rasmus Dahlberg.
France, Allemagne, Pologne et les pays nordiques vont soutenir le Danemark le temps du sommet avec des moyens spéciaux.
« À ce stade, peu de pays pourraient faire face à une telle menace seuls », souligne l’analyste Alexander With, de l’Institut des opérations militaires.
L’Union européenne s’est dite satisfaite du dispositif.
Pour Peter Viggo Jakobsen, l’amplitude et la complexité des opérations témoignent de fortes capacités d’action et de planification dont seul Moscou dispose.
« Il faut être un acteur étatique (…). Combien d’États, selon vous, pourraient avoir un intérêt à faire cela ? Je ne peux en imaginer qu’un seul, et c’est la Russie », a-t-il dit.
Moscou a « fermement » rejeté toute implication dans ces incidents au Danemark.
La Russie est accusée d’être à l’origine d’une irruption de drones dans l’espace aérien polonais le 10 septembre, qui a entrainé l’envoi d’avions de chasse de l’OTAN.
Face à la menace russe, l’UE veut désormais ériger un « mur antidrones ».
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