Voici les principaux points du jugement de Sarkozy, rendu jeudi par le tribunal correctionnel de Paris. L’ancien président français a été condamné à cinq ans d’emprisonnement pour association de malfaiteurs, avec mandat de dépôt différé et exécution provisoire. Il sera donc prochainement incarcéré dans le cadre de l’affaire libyenne.
Le contexte de l’époque
À l’automne 2005, puis au premier semestre 2006, Nicolas Sarkozy doutait. L’UMP n’offrait aucune garantie d’unité. La candidature unique restait incertaine. Le soutien financier du parti pour 2007 n’était pas acquis. Dans ce climat d’instabilité, les démarches pour sécuriser un financement parallèle prennent tout leur sens.
Ce flou stratégique pèse lourd. Il pourrait expliquer les démarches pour obtenir un financement occulte en vue de la présidentielle. Autrement dit : l’incertitude politique aurait poussé à chercher des garanties ailleurs.
Les rencontres occultes de Guéant et Hortefeux avec Senoussi
Des entretiens en Libye de Claude Guéant et Brice Hortefeux en 2005 avec Abdallah Senoussi, condamné à perpétuité en France pour l’attentat contre le DC10 d’UTA, sont au cœur du raisonnement ayant conduit à la condamnation de Nicolas Sarkozy pour association de malfaiteurs en vue de mettre en place un pacte de corruption.
« Alors que Nicolas Sarkozy envisageait sérieusement sa candidature (…), le plus proche collaborateur et l’ami du candidat ont rencontré à trois mois d’intervalle, dans des conditions de grande discrétion (…), le numéro 2 du régime, Abdallah Senoussi, dont la situation pénale était un sujet de préoccupation très important pour les Libyens, ce qu’ils n’ignoraient pas », estime le tribunal.
Alors ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a laissé Claude Guéant et Brice Hortefeux, « en son nom », « agir afin d’obtenir ou tenter d’obtenir des soutiens financiers en vue du financement de sa campagne électorale », « envisager des contreparties diplomatiques (…), économiques (…), et juridiques », la « promesse de levée du mandat d’arrêt d’Abdallah Senoussi ».
Le tribunal ne laisse aucun doute. Nicolas Sarkozy ne pouvait ignorer la rencontre entre Claude Guéant et Abdallah Senoussi. Et selon les juges, il est impossible que Brice Hortefeux n’ait pas informé le candidat de la sienne. Ces échanges, discrets mais décisifs, s’inscrivent dans une logique de pacte corruptif. Ils renforcent l’idée d’une stratégie concertée pour obtenir un financement libyen.
Ces rencontres occultes ne sont pas anodines. Elles prennent tout leur sens à la lumière des préoccupations libyennes. Et surtout, de la nécessité d’obtenir des fonds pour la campagne. Le tribunal évoque une promesse d’absolution pour Abdallah Senoussi.
Certes, aucun acte concret n’a suivi. Mais cela ne suffit pas à effacer les engagements pris. Même irréalisables juridiquement, ces promesses ont bel et bien été formulées. Autrement dit : l’intention politique existait, et elle pesait dans les échanges.
Les mouvements financiers
Le tribunal reconnaît une limite majeure. La procédure ne permet pas de démontrer le circuit des fonds. Impossible de prouver que l’argent parti de Libye est arrivé dans la campagne. Quel que soit le canal, aucune trace directe ne relie les deux. Autrement dit : l’intention est évoquée, mais le lien matériel reste absent.
Les carnets de Choukri Ghanem sont accablants. L’ancien ministre du Pétrole libyen y mentionne des transferts d’argent. Selon ces notes, des dignitaires libyens — dont Abdallah Senoussi — ont envoyé des fonds. Objectif : financer la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Ces éléments nourrissent le cœur de l’accusation. Ils établissent une intention politique, même si le circuit financier reste flou.
Des flux financiers ont été mis au jour par l’enquête. Certes, le tribunal ne peut retracer le circuit des fonds. Il ne démontre pas comment l’argent aurait financé la campagne de façon occulte. Il ne prouve pas non plus que ces sommes y sont réellement parvenues.
Pourtant, des mouvements financiers ont bien eu lieu. Leur temporalité coïncide avec la campagne. Et surtout, à la fin de celle-ci, il restait 35 000 euros. Aucun élément ne permet d’expliquer leur provenance de manière convaincante.
L’association de malfaiteurs
Le tribunal est catégorique. Les engagements pris en réponse à une offre de financement suffisent. Ils caractérisent l’existence d’un pacte corruptif. Et ce, même si aucune somme n’est finalement arrivée. Même si le versement n’a été que partiel. Même si, une fois le financement UMP assuré, il n’y en avait plus besoin. Autrement dit : l’intention et l’engagement suffisent à établir le pacte.
Le délit d’association de malfaiteurs est lourd. Il s’expose à dix ans d’emprisonnement — le maximum en correctionnelle. Pour le caractériser, il faut des faits matériels. Des actes préparatoires à un délit. Même si ce délit n’a pas été consommé. Même s’il n’a pas été tenté. Autrement dit : l’intention suffit, si elle s’incarne dans des actes concrets.
La gravité des faits
Le tribunal justifie la peine par la gravité des faits. Des faits exceptionnels, selon ses mots. Des faits capables d’altérer la confiance des citoyens. Confiance envers leurs représentants. Confiance envers les institutions de la République. Autrement dit : une atteinte directe à l’intérêt général.
Certes, Nicolas Sarkozy n’a pas enrichi son patrimoine personnel. Mais le tribunal va plus loin. Selon lui, l’association de malfaiteurs visait un autre objectif : Lui offrir un avantage décisif pendant la campagne électorale. Et surtout, lui permettre d’accéder à la plus haute fonction. Puis de l’exercer pendant cinq années. Autrement dit : un bénéfice politique, pas financier.
Les relaxes
Le tribunal a tranché sur le délit de corruption passive. Nicolas Sarkozy n’a pas agi en tant que ministre de l’Intérieur. Il a agi en tant que candidat. Or, le droit est précis : un pacte de corruption suffit à caractériser le délit… Mais seulement si ce pacte implique une personne dépositaire de l’autorité publique. Ce n’était pas le cas ici. Résultat : ce chef d’accusation ne tient pas.
Le recel de fonds publics étrangers faisait partie des chefs de poursuite. Pourtant, la jurisprudence est formelle. Elle ne permet pas de sanctionner la complicité ou le recel de ce type d’infractions. Autrement dit : ce volet tombe. Il ne peut juridiquement pas être retenu.
Sur le financement illicite, le constat est clair. Le tribunal ne peut rien démontrer de manière indubitable. Il ne prouve pas que l’argent liquide utilisé pendant la campagne venait de fonds libyens. Il ne prouve pas non plus qu’il y avait plus de 35 000 euros en espèces. Autrement dit : aucune preuve solide, aucun volume suspect, aucune trace libyenne.
Source : Agence France-Presse