Le Conseil constitutionnel du Cameroun a rejeté la candidature de Maurice Kamto pour l’élection présidentielle du 12 octobre 2025. La décision, attendue par certains observateurs mais redoutée par ses partisans, a été justifiée par des « motifs techniques » que le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) conteste avec vigueur.
Pour beaucoup, il s’agit moins d’un rejet administratif que d’une manœuvre politique visant à écarter un concurrent sérieux. Elecam, l’organe en charge de l’organisation du scrutin, est une nouvelle fois accusé de partialité et de soumission au pouvoir en place. « Ce rejet confirme que nous ne sommes pas dans une compétition électorale normale », a déclaré un porte-parole du MRC, dénonçant une « exclusion préméditée ».
Les “12 apôtres” : silence hier, sollicitations aujourd’hui
Parmi les candidats retenus par Elecam figurent douze personnalités, désormais surnommées les « 12 apôtres » par les médias et les réseaux sociaux. Le sobriquet souligne autant leur nombre que la perception qu’ils bénéficient, au moins indirectement, de la bienveillance du système électoral.
Fait marquant : aucun de ces douze candidats n’a exprimé de solidarité publique envers Kamto lors de l’annonce de son exclusion. Ce silence, déjà constaté en 2018 lorsque sa victoire revendiquée avait été invalidée, est perçu par ses soutiens comme une marque d’opportunisme ou de lâcheté politique.
Pourtant, à peine quelques jours après le verdict du Conseil constitutionnel, plusieurs des « apôtres » multiplient les appels au ralliement, cherchant à attirer à eux l’électorat du MRC. « Leur silence hier était assourdissant, leurs appels aujourd’hui sont intéressés », commente un cadre du parti
Qui sont les “12 apôtres” ?
- Nombre : 12 candidats validés par Elecam.
- Origine du terme : Expression journalistique ironique, soulignant le contraste entre leur “admission” et l’exclusion de figures majeures de l’opposition.
- Caractéristique commune : Aucun n’a publiquement contesté le rejet de Kamto
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Le poids électoral de Kamto : un atout convoité
Bien que sa candidature ait été invalidée, Maurice Kamto reste une figure centrale du débat politique. Son parti bénéficie d’une implantation solide dans les grandes villes, notamment chez les jeunes électeurs et les classes moyennes urbaines.
Aux yeux de nombreux analystes, cet électorat discipliné et mobilisé pourrait jouer un rôle clé si le MRC appelait à soutenir un candidat en particulier. C’est ce qui vaut aujourd’hui à Maurice Kamto le qualificatif de « faiseur de rois ». « Dans un scrutin où l’opposition est morcelée, celui qui rallie le MRC prend un avantage décisif », explique un politologue basé à Douala.
Trois stratégies possibles
1. Le boycott actif
Kamto pourrait refuser de s’impliquer dans la présidentielle, appelant ses partisans à boycotter le vote. Cette position renforcerait sa cohérence idéologique mais réduirait son influence immédiate sur le résultat.
2. L’alliance conditionnelle
Il pourrait négocier son ralliement à un candidat des « 12 apôtres », en exigeant des engagements précis : réforme d’Elecam, observateurs internationaux, transparence totale du dépouillement. Cette stratégie lui permettrait de peser sans renoncer à ses principes.
3. La mobilisation hors urnes
Enfin, il pourrait se consacrer à la mobilisation citoyenne et à la préparation d’échéances futures, en construisant une base encore plus solide pour les batailles politiques à venir:
– Les conditions minimales évoquées par le MRC pour envisager un appui
- Réforme profonde de l’organe électoral.
- Garanties écrites de transparence du processus.
- Engagement sur un programme commun démocratique.
Portrait – Maurice Kamto, l’homme qui refuse de se taire
Né en 1954, professeur de droit international, Maurice Kamto s’est d’abord illustré dans la sphère académique et diplomatique. Ancien ministre délégué à la Justice, il quitte le gouvernement en 2011 pour fonder le MRC.
En 2018, il se présente pour la première fois à la présidentielle et revendique la victoire, déclenchant une crise politique. Arrêté en janvier 2019 après une série de manifestations pacifiques, il passe neuf mois en détention avant d’être libéré.
Charismatique et tenace, Maurice Kamto s’est imposé comme l’un des rares leaders capables de fédérer une opposition nationale. Mais sa trajectoire est régulièrement freinée par des obstacles institutionnels et judiciaires. « Kamto, c’est l’homme qui refuse de se taire, même quand tout le monde se tait », résume un journaliste politique de Yaoundé.
Un dilemme qui dépasse sa personne
La question n’est pas seulement ce que Maurice Kamto fera pour lui-même, mais ce que son choix signifiera pour l’opposition dans son ensemble.
S’il refuse toute alliance, il conforte son image d’homme de principe mais risque d’ouvrir la voie à une victoire facile du régime.
S’il accepte un rapprochement, il pourrait catalyser une alternance. Mais au prix d’une réconciliation avec ceux qui l’ont ignoré dans ses moments les plus difficiles.
L’issue dépendra aussi de la réaction de ses militants, très attachés à la cohérence de son combat.
– L’horloge électorale tourne
À deux mois du scrutin, le rôle de Kamto est paradoxal : absent des bulletins, mais omniprésent dans les calculs politiques. Chaque camp scrute ses déclarations, guette ses signaux, espère ou redoute son ralliement.
Dans les coulisses, les tractations s’intensifient. Une certitude émerge : dans cette présidentielle, Maurice Kamto détient la clé d’une partie du destin politique du Cameroun.
« Faiseur de rois ou gardien des principes ? La réponse viendra avant le 12 octobre », conclut un analyste politique de Yaoundé.