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Sans renseignement américain, l’Ukraine est myope sur le champ de bataille

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La décision de Washington de suspendre le partage de renseignement avec l’Ukraine représente un coup sévère pour Kiev, soudainement myope sur le champ de bataille en matière de précision de ses frappes et de défense de ses armements et soldats.

Mercredi, après l’annonce du gel de l’aide militaire américaine, le chef de la CIA John Ratcliffe a « mis en pause » le partage de renseignement avec Kiev.

Moins immédiatement mesurable que les équipements militaires, ce dernier est pourtant essentiel selon les experts occidentaux consultés par l’AFP, plus encore sur un champ de bataille dont la transparence est sans égale dans l’histoire de la guerre.

« Retirer l’accès à ce potentiel trésor de renseignements laisse un vide difficile à combler », résume Nick Brown, expert de la société de renseignement privée britannique Janes. « Plus cette +pause+ se poursuit, plus ce sera ressenti à Kiev. Et à Moscou ».

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De fait, pendant l’hiver 2021-2022, Washington savait avant tout le monde ce que tramait l’armée russe. Et juste après l’invasion du 24 février 2022, son rôle a contribué à éviter la chute de Kiev.

Par la suite, note l’Institut américain pour les études de la guerre (ISW), « les frappes ukrainiennes sur les dépôts de missiles et de munitions russes ont soulagé la pression » de Kiev, empêchant les forces du Kremlin « de tirer parti d’une artillerie supérieure ».

Les frappes en territoire russe, dépendantes d’informations de tout premier plan, ont aussi forcé l’aviation de Moscou à reculer, « entravant sa capacité à mener des frappes de bombes planantes et de missiles (…) depuis l’espace aérien russe ».

– « Effet immédiat » –

Aujourd’hui, Kiev bénéficie de systèmes ultra-modernes de détection précoce des frappes ennemies, d’identification des cibles, de vérification des effets des opérations, de détection des mouvements de troupes.

Il y a un an, l’expert français Stéphane Audrand avertissait du risque faisant peser la possible réélection de Donald Trump sur la sécurité des Ukrainiens.

« Qu’il s’agisse des frappes de missiles ou des mouvements au sol, l’aide américaine +en temps réel+ est tout aussi cruciale que les obus. Sans elle, l’Ukraine se retrouverait rapidement sinon aveugle, au moins borgne et myope ».

L’historien britannique Mark Galeotti souligne pour sa part, sur le site The Spectator, le caractère instantané des conséquences de la décision de Washington.

« Il faudra probablement quelques mois avant que la pause (de l’approvisionnement en matériel militaire américain) commence à avoir un impact mesurable sur les opérations. La suspension du partage de renseignements, en revanche, a un effet immédiat » note-t-il.

« L’imagerie satellitaire, les drones de surveillance Global Hawk, les avions de reconnaissance Poseidon et Rivet Joint, ainsi qu’une pléthore de plateformes et d’actifs de renseignements humains, de signaux et de cyber donnent aux États-Unis – et jusqu’à présent à l’Ukraine – une image d’une précision et d’un détail sans précédent du champ de bataille », souligne-t-il.

Et si les Ukrainiens disposent de capacités certaines, « il n’y a aucun moyen pour eux de remplacer ou de reproduire le volume » fourni par les Etats-Unis.

Quant à leurs alliés européens comme le Royaume-Uni et la France, ils « peuvent offrir des capacités similaires en matière de satellites et d’aviation, mais généralement à une échelle beaucoup plus réduite », convient Nick Brown.

– Capacité « inégalée » –

Les Américains bénéficient en effet d’une puissance supérieure à ses (anciens ?) alliés européens. Notamment en terme d’imagerie, avec des capteurs capables de percer les nuages, la végétation et certaines formes de camouflage. Ainsi qu’en matière d’interceptions de communication et de renseignement d’origine électromagnétique.

« Leur capacité à détecter, analyser, suivre et visualiser les actifs militaires est inégalée », assure l’expert de Janes.

Quelques questions demeurent pour autant, dans un contexte mondial – en particulier américain – où chaque jour apporte son lot de surprises et de décisions nouvelles.

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Quid, notamment, des sociétés privées, dont certaines fournissent une qualité d’imagerie spectaculaire ?

Le groupe Maxar avait ainsi signé en septembre 2022 un contrat de 44 millions de dollars, sur trois ans reconductibles, avec la National Geospatial-Intelligence Agency (NGA), liée au Département américain de la défense.

L’objectif était de fournir du renseignement géospatial aux Ukrainiens, selon l’expert français Cyril Gelipter. « En théorie, le contrat va continuer, mais prendra fin en septembre 2025, à moins que Trump ait décidé de l’interrompre avant », prévient-il.

Il rappelle en outre que le très bureaucratique renseignement américain est parfois difficile à maîtriser. « Il est déjà arrivé que des cadres au niveau inférieur ne suivent pas ce que disait la hiérarchie et travaillent dans leur coin ».

La CIA ou d’autres agences peuvent-elles s’affranchir des ordres de l’administration Trump ? « C’est un point d’interrogation », assure l’historien.

Source: Agence France-Presse

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