De la vaste offensive anti-immigration de Donald Trump aux mesures répressives promises par les conservateurs allemands favoris du scrutin législatif de dimanche, le droit d’asile, principe universel, est de plus en plus remis en cause à travers le monde, constatent plusieurs spécialistes.
« Tous les États ont le droit d’exercer leur juridiction le long de leurs frontières internationales » mais « doivent le faire conformément à leurs obligations en matière de droits de l’homme », tançait l’ONU en janvier.
Quelque jours plus tôt, le président américain Donald Trump avait annoncé le gel d’un programme pour les réfugiés et la suspension des admissions des personnes protégées, poussant l’organisation à rappeler que demander l’asile est « universellement reconnu ».
Inscrit dans la Convention de Genève ratifiée en 1951 par 155 États, le droit d’asile repose sur le principe « du non-refoulement »: un réfugié ne peut être renvoyé dans un pays où sa vie ou sa liberté sont gravement menacées.
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« L’impératif de protection n’apparaît plus toujours comme une évidence, malgré la multiplication des conflits armés et l’ampleur des déplacements forcés, même si les fondements du droit d’asile restent solides », observe Julien Boucher, directeur de l’Ofpra, organisme chargé d’examiner les demandes de protection internationale en France.
« On n’ose pas directement attaquer ce droit et dire qu’il ne faut plus protéger les réfugiés, mais on s’ingénie, y compris en Europe, à éviter que les gens ne déposent leur demande », renchérit Thibaut Fleury Graff, professeur de droit international à l’Université Paris Panthéon-Assas.
– « Caractère absolu » –
L’augmentation des demandes dans le monde – 8 millions de demandeurs d’asile en 2024, contre 1,8 million en 2014, selon les chiffres du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) – s’accompagne de positions de plus en plus fermes sur l’asile sous l’influence des partis nationalistes.
La Hongrie dirigée par le Premier ministre nationaliste Viktor Orban, a écopé d’une amende pour non respect des traités européens. Le pays a demandé une dérogation aux règles du droit d’asile dans l’UE. En Suède, le gouvernement soutenu par le parti d’extrême-droite a durci les critères de l’asile et en Autriche, l’extrême droite, arrivée des dernières législatives, a souhaité réduire l’asile à « zéro ».
En Allemagne, les conservateurs, grands favoris du scrutin de dimanche, préconisent un verrouillage durable des frontières et le refus d’entrée pour tout étranger sans papier, y compris des demandeurs d’asile, imposant une ligne dure face à l’extrême droite.
Amnesty International s’est aussi alarmé récemment du recours par la Lettonie, la Lituanie et la Pologne « à des contrôles migratoires éhontés » en rappelant que « le caractère absolu » du droit d’asile.
– Politique « suicidaire » –
Mais l’initiative scrutée de près par ses voisins européens reste celle de l’Italie: la Première ministre d’extrême droite, Giorgia Meloni, tente de sous-traiter à l’Albanie l’examen des demandes d’asile les moins susceptibles d’avoir une réponse positive. Elle en a été empêchée jusqu’ici par la justice italienne.
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« On a souvent cette opposition entre les réfugiés qu’il faut protéger et puis les autres qu’il faudrait éloigner », déplore M. Fleury Graff. « Or, les critères ne se réduisent pas aux opposants politiques comme on l’entend chez certains responsables, mais à toute personne persécutée pour des raisons religieuses, ethniques ou encore d’appartenance à un certain groupe social », rappelle le chercheur.
Par ailleurs, les migrants fuyant leur pays doivent nécessairement se trouver dans l’État où ils demandent protection pour effectuer leur démarche et ont donc traversé les frontières illégalement, soulignent les associations de défenseurs des droits face aux discours criminalisant les migrants.
Le droit d’asile est victime de la politique « suicidaire » autour de l’immigration, commente l’ex-directeur de l’Ofpra, Pascal Brice.
« Les possibilités de migration légale, notamment par le travail, ont été fortement réduites un peu partout dans le monde alors qu’il y a un énorme besoin de main d’œuvre ». La conséquence, c’est que le droit d’asile est « détourné » par certains migrants pour pouvoir se maintenir légalement, et le système « se trouve asphyxié », estime ce responsable d’une fédération d’associations de lutte contre l’exclusion.
Source: Agence France-Presse
















