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L’Afrique au prisme évangélique : quand la foi redessine la diplomatie américaine

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L’Afrique au prisme évangélique : après avoir dénoncé la situation des Afrikaners en Afrique du Sud, la droite chrétienne américaine braque désormais ses projecteurs sur les chrétiens du Nigeria. Elle façonne un récit puissant, celui d’un continent devenu hostile à la foi. Dans cette lecture idéologique, les fidèles sont traqués, l’Évangile menacé et l’Afrique transformée en champ de bataille spirituel. Ce prisme évangélique redéfinit les priorités diplomatiques américaines — et place l’Afrique au cœur d’une croisade politique.

Et Donald Trump, loin de nuancer, reprend ce récit. Il l’intègre à sa politique étrangère. Il transforme l’Afrique en théâtre idéologique. Ce glissement inquiète les observateurs : ce n’est plus l’analyse diplomatique qui guide Washington, mais une croisade politique. Une croisade où la foi devient un outil de pouvoir.

En qualifiant la situation des chrétiens au Nigeria de « menace existentielle », Donald Trump ne se contente pas d’un simple constat. Il redessine les lignes de la diplomatie américaine.

Le Nigeria, géant africain et partenaire stratégique, bascule soudain dans la catégorie des États « particulièrement préoccupants » en matière de liberté religieuse. Ce geste n’est pas neutre.

Il s’accompagne d’une menace : une possible intervention militaire pour « éradiquer le terrorisme islamiste ». Derrière cette posture, une logique se dessine : celle d’une politique étrangère influencée par des récits religieux, où la foi devient un prisme de lecture du monde. Et l’Afrique, dans ce récit, devient le terrain d’une croisade idéologique.

Karoline Leavitt prévient. Si les massacres de chrétiens continuent, Washington coupera les aides. Le Nigeria perdra le soutien américain. D’autres mesures sont sur la table. La Maison Blanche durcit le ton.

– Nationalisme chrétien et influence américaine –

Derrière les discours simplifiés, la réalité nigériane résiste. Le pays, partagé entre un nord à majorité musulmane et un sud chrétien, est secoué par des violences multiples. Des conflits qui ne choisissent pas leurs cibles.

Chrétiens et musulmans tombent, indistinctement. Les autorités locales le rappellent, les observateurs le confirment : le Nigeria ne se résume pas à une guerre de religion. C’est une mosaïque de tensions, où la foi n’est qu’un fragment d’un puzzle bien plus complexe.

Cameron Hudson dénonce. La droite américaine simplifie le Nigeria. Elle ne voit que des chrétiens persécutés. Elle alimente un récit global. Celui d’un monde hostile à la foi chrétienne. Et d’un pays — les États-Unis — en déclin spirituel.

Or, ajoute-t-il, « le problème est que cette présidence ne remet pas en question l’analyse de la droite chrétienne. Elle prend littéralement leur évaluation de ce conflit pour parole d’évangile – sans jeu de mots. »

Pour Pauline Bax, une nouvelle dynamique s’impose dans les cercles du pouvoir américain : celle d’un nationalisme chrétien en pleine expansion. Ce mouvement, longtemps marginal, trouve aujourd’hui un écho au sommet de l’État.

L’administration Trump, en reprenant ses codes et ses récits, lui offre une légitimité nouvelle. Et cette idéologie, née sur le sol américain, projette désormais son influence jusqu’en Afrique. Ce n’est plus seulement une posture intérieure — c’est une grille de lecture du monde.

Elle relève qu’il existe nombre de groupes de pression à Washington qui tentent « d’influencer sa politique envers l’Afrique ». »

– Le précédent sud-africain –

Pour des figures influentes du Parti républicain, comme le sénateur Ted Cruz, la décision de Donald Trump marque un tournant. Elle n’est pas seulement diplomatique — elle est punitive.

En ciblant le Nigeria, Trump envoie un message : les responsables des exactions doivent répondre de leurs actes. Cruz parle d’une « étape cruciale », d’un moment où l’Amérique cesse de tolérer l’impunité.

Mais derrière cette posture, une logique se dessine : celle d’une politique étrangère qui mêle foi, morale et pression stratégique. Le Nigeria devient le symbole d’un bras de fer idéologique entre Washington et l’Afrique.

Des élus et associations chrétiennes évangéliques avaient écrit début octobre au président Trump, lui réclamant de s’attaquer à ce qu’ils dénoncent comme un « génocide » contre les chrétiens au Nigeria.

Trump cible aussi l’Afrique du Sud. Il accuse le gouvernement local. Il parle de persécution. Les victimes ? Les Afrikaners. Descendants des premiers colons européens. Même logique, même discours.

Là aussi, sur la base d’informations largement contestées sur le terrain.

Pretoria, qui a vigoureusement protesté, est visée par les droits de douane américains les plus élevés d’Afrique subsaharienne (30 %).

– Tinubu face au piège diplomatique –

Le président nigérian Bola Tinubu se dit prêt à rencontrer Donald Trump. Mais dans ce climat tendu, chaque mot compte. Le Nigeria est accusé, scruté, menacé.

Et face à une administration américaine influencée par des récits religieux, l’explication de texte pourrait se retourner contre lui. Tinubu le sait : parfois, le dialogue n’apaise pas — il expose.

Dans ce jeu diplomatique, le silence peut être une forme de défense. Et l’Afrique, une fois de plus, se retrouve au cœur d’un récit qui la dépasse.

« Demander à rencontrer Trump est une très mauvaise idée », souligne Cameron Hudson, citant le précédent sud-africain.

En mai, une scène inattendue se joue à la Maison Blanche. Le président sud-africain Cyril Ramaphosa, en visite officielle, se retrouve piégé. Donald Trump lui impose le visionnage d’une vidéo.

Le message est brutal : les États-Unis accusent Pretoria de laisser les fermiers blancs subir un « génocide ». Ce moment, tendu et symbolique, révèle une diplomatie américaine de plus en plus marquée par des récits identitaires.

Et l’Afrique du Sud, comme le Nigeria, devient le décor d’une confrontation idéologique où la réalité locale est souvent écrasée par les projections étrangères.

– Improbable visite –

Toutefois, les experts ne s’attendent pas à ce que le Nigeria envenime les choses.

« Le Nigeria souhaitera certainement maintenir des relations étroites avec les États-Unis, afin de continuer à bénéficier du soutien militaire américain », dit Pauline Bax, citant notamment la lutte contre le groupe jihadiste Boko Haram.

Plus généralement, depuis son retour au pouvoir en janvier, le président américain n’a guère montré d’intérêt pour l’Afrique, même s’il a obtenu un cessez-le-feu dans l’est de la République démocratique du Congo, dans le cadre duquel il a obtenu un accès aux terres rares du pays.

En juillet, il a aussi réuni en grande pompe des dirigeants de cinq autres pays africains riches en minerais: Liberia, Sénégal, Mauritanie, Guinée-Bissau et Gabon.

Mais Donald Trump se rendra-t-il en Afrique, continent qu’il n’a pas visité lors de son premier mandat de 2017 à 2021?

« J’en doute fortement. Je ne pense pas que l’Afrique soit une priorité pour le gouvernement américain », répond Pauline Bax.

Source: Agence France-Presse

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