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La tournée souverainiste du général Tiani au Niger

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La tournée souverainiste du général Tiani s’inscrit sur les routes poussiéreuses du Niger. Étape après étape, il traverse des territoires minés par la peur, où les attaques jihadistes fragilisent le quotidien. Sa présence dépasse le simple geste militaire : elle se veut démonstration de souveraineté.

En sillonnant les régions les plus vulnérables, il cherche à incarner l’État, à rappeler que l’autorité ne se délite pas face à la menace. Ce voyage devient une scène symbolique : un chef militaire qui, par le mouvement, tente de transformer l’angoisse des populations en confiance et l’incertitude en affirmation de pouvoir.

M. Abdourahamane Tiani dirige le Niger depuis juillet 2023. Il a pris le pouvoir à la suite d’un coup d’État qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum. Ce dernier reste séquestré depuis.

– Le général Tiani face au défi de la mobilité –

Le Niger est sous pression. Au sud-est, Boko Haram frappe près du lac Tchad. À l’ouest, dans la région de Tillabéri, les groupes liés à Al-Qaida et à l’État islamique poursuivent leurs attaques. Elles ne faiblissent pas. Le pays reste pris dans l’étau jihadiste.

Début octobre, le général Abdourahamane Tiani a lancé une tournée inédite. En voiture, il a traversé la zone de Tillabéri, proche du Mali et du Burkina. Objectif affiché : « voir l’état des routes et discuter avec les populations ». Une manière de montrer sa présence dans une région sous forte menace jihadiste.

Pour certains observateurs, cette tournée vise à rassurer. Les Nigériens d’abord. Mais aussi la communauté internationale. Car la situation sécuritaire et économique du pays s’est nettement dégradée.

Une différence notable avec les juntes voisines. Au Mali, le général putschiste Assimi Goïta reste cloîtré à Bamako. Il ne prend jamais la route. Trop risqué : de nombreux grands axes sont contrôlés par les jihadistes.

Après une pause, le général Tiani a repris sa tournée le 8 novembre. Direction : la région de Dosso, au sud-ouest, jusqu’à Gaya, aux frontières du Bénin et du Nigeria. Une zone sensible. Tout près du parc W, devenu ces dernières années un repaire de groupes armés jihadistes liés à Al-Qaïda.

« On le disait peureux, enfermé dans son palais. Il relève le défi avec une tournée inédite », témoigne un habitant de Dosso, interrogé par la télévision d’État.

– Montrer « l’autorité de l’État » –

Moment fort du voyage : la traversée de la « route de l’uranium ». Plus de 600 kilomètres, dans un état de dégradation avancée, jusqu’à Arlit, cité minière du nord nigérien. Une zone sensible, où opèrent divers groupes armés aux confins de la Libye et de l’Algérie.

« C’est pour montrer que l’autorité de l’État s’affirme sur tout le territoire et que le régime bénéficie d’un certain soutien populaire », explique Seidik Abba, président du Centre international d’études et de réflexions sur le Sahel.

La télévision d’État diffuse des images du général Tiani. On le voit enchaîner meetings, visites de camps militaires et bains de foule. Il s’approche des habitants, sans distance.

Difficile de mesurer l’ampleur du soutien populaire au général Tiani. Les voix critiques sont souvent réprimées au Niger.

Sur les réseaux sociaux et dans la presse locale, beaucoup voient dans cette tournée des « airs de campagne électorale ». Pourtant, aucune élection n’est prévue au Niger.

« Pour battre campagne, il faut une date d’élections. Or les assises nationales de février lui ont déjà accordé un mandat de cinq ans », rappelait l’analyste politique nigérien Ousseini Issa lors d’un débat télévisé.

À chaque étape, le général Tiani a martelé son discours souverainiste. L’uranium en est le symbole. Son exploitation est au cœur d’un bras de fer avec le groupe français Orano (ex-Areva), géant du cycle nucléaire.

« Regardez l’état d’Arlit après 55 ans d’exploitation de l’uranium. Même l’électricité manque. Désormais, notre uranium nous appartient », a lancé le général Tiani à Agadez. Reste que la junte cherche encore un moyen sûr d’exporter sa production.

– « Mobiliser les populations » –

Devant les militaires, le général Tiani a martelé : « Le Niger restera debout, prêt à consentir le sacrifice suprême pour se défendre. »

Depuis mars, l’État islamique au Sahel a mené cinq attaques dans la région de Tillabéri. Bilan : au moins 127 villageois et fidèles musulmans exécutés sommairement, selon Human Rights Watch.

En octobre, un Américain a été enlevé en plein cœur de Niamey. Depuis le début de l’année, deux ressortissantes suisses et autrichiennes ont également été kidnappées dans le nord du pays.

Le régime affronte des retards répétés dans le paiement des fonctionnaires. Le général Tiani, lui, continue de marteler que le Niger reste « affecté » par les sanctions économiques régionales imposées après le putsch, pourtant levées depuis près de deux ans.

« Le pays traverse une situation sécuritaire et financière difficile. Cette tournée permet à Tiani de mobiliser les populations autour de sa politique de souveraineté », confie à l’AFP un analyste nigérien sous anonymat.

« Il faut rassurer la population civile pour qu’elle vous considère comme un allié, et non comme une menace », souligne Hans-Jakob Schindler, directeur du think tank Counter-Extremism Project (CEP). Il rappelle que l’un des grands échecs du Burkina et du Mali tient à « l’indifférence » de leurs gouvernements envers le nord du pays.

Source: Agence France-Presse

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